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La dissolution de l'Assemblée nationale pourrait propulser le Rassemblement national à Matignon

Une campagne éclair débute en France pour les législatives anticipées après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale
Une campagne éclair débute en France pour les législatives anticipées après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale / 19h30 / 2 min. / le 10 juin 2024
La dissolution de l'Assemblée nationale française annoncée dimanche par Emmanuel Macron après la défaite de son parti aux élections européennes était inévitable, selon le politologue Luc Rouban. Elle pourrait aussi mener à une cohabitation avec le Rassemblement national, un "cadeau empoisonné" à ses yeux.

Dimanche, aux élections européennes, le parti de la majorité présidentielle emmené par Valérie Hayer a obtenu 14,56% des voix, contre presque 40% pour l'extrême droite (31,47% pour le Rassemblement National (RN) de Jordan Bardella et 5,47% pour Reconquête! de Marion Maréchal).

Emmanuel Macron a donc répondu à cette défaite par l'annonce d'une dissolution de l'Assemblée nationale. La population française se rendra à nouveau aux urnes les 30 juin et 7 juillet prochains pour choisir ses députés.

C'est donc une campagne éclair qui s'annonce et les grandes manoeuvres ont déjà commencé. La dissolution sonne comme un "coup de tonnerre" autant qu'un "coup de poker", au moment où "il y a une très forte volonté de la part des Français de sanctionner le président de la République", souligne la sondeuse Céline Bracq, directrice générale de l'institut Odoxa.

>> Pour en savoir plus, lire : Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale après le triomphe de l'extrême droite aux Européennes

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"Un cadeau empoisonné" pour le RN

Luc Rouban, politologue et directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), estime lui que "l'idée d'une dissolution était dans l'air", mais il ne pensait pas qu'elle serait "si rapide". Un avis partagé par les acteurs politiques. Ils l'attendaient plutôt pour la rentrée, "au moment du budget". Mais "Emmanuel Macron n'avait guère le choix", souligne-t-il lundi dans La Matinale. "S'il n'avait rien fait, il est évident qu'il aurait été extrêmement vulnérable à des critiques qui auraient dénoncé son manque de sens démocratique."

La dissolution est une manière d'affaiblir le RN et de montrer aux Français qu'ils ne sont pas si bons gestionnaires que ça

Luc Rouban, politologue

Cette dissolution pourrait permettre une cohabitation avec le RN. "Un cadeau empoisonné" pour les leaders du RN, réagit Luc Rouban. "Accéder au gouvernement, (...) c'est prendre des responsabilités (...), donc prendre des risques. C'est une manière de les affaiblir et de montrer aux Français qu'ils ne sont pas si bons gestionnaires que ça."

L'idée, pour le chef d'Etat français, est de donner un avant-goût aux Français de ce à quoi ressemblerait leur pays sous la direction du RN. Le parti d'extrême droite devra en effet, s'il arrive en tête aux législatives, faire face à la réalité. En cas d'insatisfaction du peuple, il pourrait donc perdre l'élection présidentielle en 2027, mais c'est un pari risqué, estiment les macronistes qui ne sont pas sereins face à l'issue des législatives.

>> L'interview de Luc Rouban dans La Matinale :

Luc Rouban s’exprime sur l’annonce d’Emmanuel Marcon de dissoudre l'Assemblée nationale
Luc Rouban s’exprime sur l’annonce d’Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale / La Matinale / 6 min. / le 10 juin 2024

Une équation à trois blocs

Après ce scrutin, le paysage politique français est plus que jamais scindé en trois blocs, avec une extrême droite en position de force, une gauche morcelée et un camp central pris en étau.

Le Rassemblement national se dit "prêt à exercer le pouvoir", a encore affirmé Marine Le Pen dimanche. "Jordan Bardella a été élu député européen, donc il a déjà l'onction populaire" et "c'est notre candidat pour aller Matignon", a annoncé lundi le vice-président du parti Sébastien Chenu.

Dans le camp présidentiel, on s'est déjà mis au travail. Emmanuel Macron a réuni son gouvernement dès dimanche soir et il a promis de s'exprimer cette semaine pour dire "l'orientation" qu'il croit "juste pour la nation". Stéphane Séjourné, ministre des Affaires étrangères et patron du parti Renaissance, a lancé un appel à "la mobilisation de toutes les forces républicaines", alors que la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot a souhaité "une dynamique nouvelle".

A gauche, les tractations risquent d'être ardues entre les partis de gauche qui se sont divisés durant la campagne des Européennes avec des piques acérées entre les socialistes et la gauche radicale. Les patrons du Parti socialiste, Olivier Faure, et du Parti communiste, Fabien Roussel, ainsi que le député insoumis François Ruffin ont cependant appelé lundi à un "front populaire" pour les législatives. Pour la direction de la France insoumise, ce rassemblement doit se faire "autour du programme de la Nupes".

>> Les explications dans le 12h30 :

Le Premier ministre français Gabriel Attal a tenu son premier "grand oral" devant l'Assemblée nationale. [EPA/Kestone - Teresa Suarez]EPA/Kestone - Teresa Suarez
Les campagnes éclairs des partis politiques français en vue des prochaines élections législatives / Le 12h30 / 1 min. / le 10 juin 2024

Une "situation sociale dure" avec un Premier ministre RN

Alors qu'un votant français sur deux ne s'est pas prononcé dimanche, il y a des réserves de voix. Mais le politologue Luc Rouban doute qu'"elles profitent à la gauche". "La sociologie des abstentionnistes est très proche de celles des électeurs du RN. Donc, s'il y avait une mobilisation des abstentionnistes pour les législatives, le RN pourrait être plutôt gagnant que la gauche", avance-t-il.

Il ne prédit pas non plus d'unité nationale contre le RN à cause du "délai très court". "Les forces politiques de gauche auront du mal à s'organiser, à lancer une véritable campagne qui puisse convaincre."

Et d'ajouter: "Si jamais le RN arrivait à (placer) un Premier ministre à Matignon, on aurait une situation sociale certainement extrêmement dure parce que la gauche et la gauche radicale entendront s'y opposer et déclencheront certainement des manifestations très importantes."

>> Le point dans le 19h30 :

La France plonge dans un climat d’incertitude politique après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale
La France plonge dans un climat d’incertitude politique après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale / 19h30 / 2 min. / le 10 juin 2024

>> Les explications de Raphaël Grand :

En convoquant des législatives anticipées, Macron tente un coup de poker. Les explications de Raphaël Grand
En convoquant des législatives anticipées, Macron tente un coup de poker. Les explications de Raphaël Grand / 19h30 / 1 min. / le 10 juin 2024

>> Pour en savoir plus sur la montée de l'extrême droite aux élections européennes, lire : "La percée de l'extrême droite est le résultat des énormes crises qui traversent l'Europe", affirme Arancha González

Sujet et interview radio: Alexandre Habay et Yann Amedro

Adaptation web: Julie Marty

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Le RN tente de rassembler

Marine Le Pen a assuré lundi que le RN était "bien sûr capable" de ne pas présenter de candidat face à des candidats LR avec lesquels un accord aurait été trouvé, afin de "faire le rassemblement" lors des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.

Marine Le Pen a assuré lundi que le RN était "bien sûr capable" de ne pas présenter de candidat face à des candidats LR avec lesquels un accord aurait été trouvé, afin de "faire le rassemblement" lors des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.

Elle a aussi a assuré lundi qu'en cas de victoire du Rassemblement national lors des élections législatives anticipées, Jordan Bardella avait vocation à devenir Premier ministre, et non elle, lors d'un entretien sur TF1.

"Depuis des mois, nous travaillons avec Jordan Bardella dans le cadre d'un couple exécutif dans le but de remplir au mieux les fonctions que les Français nous confieraient. Moi vers la présidence de la République, lui vers Matignon, il n'y a aucune raison de changer cela", a fait valoir la triple candidate malheureuse à l'élection présidentielle.

Pourquoi l'extrême droite a-t-elle obtenu de tels scores en France?

L'extrême droitisation de la France a débuté il y a plusieurs années, explique Luc Rouban. "Ça a commencé par les manifestations des Gilets jaunes en 2018 et ça s'est amplifié à l'élection présidentielle en 2022."

>> Lire aussi : Comment les gilets jaunes ont changé la France (et certains ronds-points)

"Il y a une droitisation de l'opinion française sur l'immigration et les questions de sécurité, poursuit-il. Il y a aussi des inquiétudes sur des positions parfois ambigües d'Emmanuel Macron concernant la situation en Ukraine et l'implication de la France dans le conflit. Il y a aussi énormément de problèmes concernant la violence et l'accès au service public pour les classes populaires et de plus en plus les classes moyennes, voire supérieures, notamment les personnes âgées qui vivent notamment en zone rurale et qui ont le plus voté pour le RN."

>> Voir le reportage du 19h30 sur les partisans d'extrême-droite en France qui ne se cachent plus :

En France, les partisans d'extrême-droite ne se cachent plus
En France, les partisans d'extrême-droite ne se cachent plus / 19h30 / 2 min. / le 9 décembre 2023