L'autoroute qui mène de Finlande en Russie est déserte. Depuis des mois, le poste-frontière de Vaalimaa est fermé et plus personne ne passe. Un signe de la tension qui existe désormais entre les deux pays, notamment depuis que l'Etat nordique a rejoint l'Otan l'an dernier.
De la frontière, il ne faut que deux heures pour atteindre la capitale finlandaise Helsinki. D'ailleurs, les Russes ont déjà tenté une invasion pendant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis toujours donc, les frontaliers vivent à l'ombre du grand voisin. "Je ne vois pourquoi ils viendraient ici", témoigne toutefois un habitant lundi dans le 19h30: "Ils sont déjà en difficulté en Ukraine." Et un autre de renchérir: "Non, je n'ai pas peur." Un troisième indique lui avoir "confiance en l'armée" finlandaise.
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La population reste vigilante
Les Finlandais et Finlandaises n'ont pas peur, mais ils sont vigilants. Pour preuve, des volontaires s'exercent régulièrement à se déplacer dans la forêt, malgré un froid souvent mordant.
"C'est le modèle utilisé par l'armée finlandaise", explique Christina Forsgard, en présentant une paire de raquettes à neige. A 60 ans, cette grand-mère et entrepreneure est toujours restée en alerte. Mais il y a eu un avant et un après l'invasion de l'Ukraine: "Cela a été un électrochoc. Maintenant, le risque semble réel", souligne-t-elle. "Nous avons le sentiment que tout ce que nous avons entrepris ces dernières années, ce n'était pas pour rien."
Des centaines de milliers de membres de la réserve ou de la défense civile
Des centaines de milliers de Finlandais sont ainsi actifs dans la réserve ou la défense civile. "J'ai fait mon service militaire il y a plus de 20 ans, mais là j'ai repris des cours de tir", témoigne Erika Lehtonen. "Je me prépare… Je veux savoir si je sais encore tirer."
Les demandes d'entraînement affluent aussi à l'Association des femmes pour la protection civile, dont Christina Forsgard est membre. "Quand la guerre menace un pays, souvent ses habitants se demandent où fuir", relève la porte-parole Suvi Aksela. "Les Finlandais, eux, demandent: qu'est-ce que je peux faire?"
"Il faut être prêt à défendre ton mode de vie et ton pays, même si tu dois y laisser la vie", abonde Christina Forsgard.
Prêts jusque dans les placards du pays
Cet état d'esprit combatif se manifeste jusque dans les cuisines. Chaque famille doit avoir de quoi survivre sans électricité et en autonomie pendant trois jours. Une application détaille les règles. "Il faut des noix, bien sûr, c'est très bon… Ensuite, nous avons aussi du thon", passe en revue Christina Forsgard.
"Personne ne veut avoir des réserves qu'il n'a pas envie de manger. Sinon, ce sera périmé le jour où on en aura vraiment besoin", souligne la bénévole. Et de montrer son arme secrète: du chocolat. "C'est pour se calmer les nerfs. Pour oublier quelques instants toutes les mauvaises choses qui seront en train d'arriver!"
Des centaines de mètres de galeries souterraines
Si ces "mauvaises choses" arrivent, chacun sait où aller. Sous terre, les abris sont prêts à l'usage et les bénévoles s'exercent chaque mois.
"La première porte, c'est contre les ondes de choc", explique Riitta Lindroos en présentant le système de fermeture d'un abri souterrain. "Là, ils ferment la porte anti-feu et la troisième, c'est pour bloquer des gaz."
Derrière les portes, des centaines de mètres de galeries courent sous terre. Cet abri de 6000 places est creusé dans la roche, à 20 mètres de profondeur.
"Tous ces rectangles sur le sol, c'est là où seront les toilettes. Il y en aura presque 400", indique Tomi Rask, formateur à la protection civile d'Helsinki. Et d'expliquer que les structures ont un double usage.
L'un en temps de guerre, avec la protection de la population, et l'autre en temps de paix, puisqu'il sert de salle de sport ou d'espace de jeu garni de trampolines. Un moyen de donner déjà une forme d'expérience de la vie sous terre aux Finlandais.
Encore un signe que tous se préparent au pire, en gardant l'espoir qu'il n'arrive jamais…
Sujet TV: Isabelle Ory
Adaptation web: ebz