La France face au risque d'une crise politique et financière en cas de gouvernement censuré
Si l'une des motions de censure déposées par le RN ou par La France insoumise au nom du Nouveau Front populaire est adoptée, le gouvernement français pourrait se retrouver dans une nouvelle crise politique, moins de six mois après la précédente qui avait conduit le président Emmanuel Macron à dissoudre l'Assemblée nationale. Le gouvernement Barnier ne pourrait y survivre et deviendrait alors le plus court de l'histoire de la Ve République.
Sur les 56 motions de censure déposées jusqu'ici sous la Ve République, une seule a été adoptée en 1962. Elle avait visé le Premier ministre d'alors, Georges Pompidou, qui avait été directement reconduit dans sa charge par le général de Gaulle.
Pour aboutir, l'une des deux motions déposées contre le gouvernement Barnier doit recueillir au moins 288 voix, contre la majorité de 289 normalement, en raison de la démission de l’ancien député RN Flavien Termet qui laisse un siège vacant à l'Assemblée nationale.
Alliance de l'extrême droite et de la gauche
La cheffe du RN à l’Assemblée nationale Marine Le Pen a annoncé que son parti votera la motion de censure de la gauche. Mais en face, rien de tel n'a été indiqué. Toutefois, la surprise ne devrait pas être au rendez-vous puisque la première motion de censure à être soumise au vote après débat dans l'hémicycle sera celle du NFP en début de soirée.
La motion de censure sera débattue mercredi à partir de 16h00 et votée à 20h00.
Le Rassemblement national a annoncé lundi avoir fixé une ultime condition pour éviter cette censure: le renoncement à la désindexation des retraites. Mais, en l'état, le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale, lui, ne peut plus être modifié. Il y a donc de très grandes chances que le gouvernement Barnier soit renversé. Dans ce cas, il sera démissionnaire et la France n'aurait probablement pas de nouveau budget pour commencer l'année 2025.
>> Pour en savoir plus sur le budget 2025, lire : Moins de dépenses publiques, plus de recettes: le gouvernement français présente son budget 2025
Quelles conséquences?
Un "shutdown" (paralysie de l'administration en français) comme aux Etats-Unis n'est pas possible en France grâce aux garde-fous fixés par la Ve République. Mais en cas de censure du gouvernement, la situation sera très dégradée: le gouvernement démissionnaire qui gèrera les affaires courantes ne pourra que copier-coller le budget de 2024 et les Français en sentiront les conséquences directes. Par exemple, 380'000 foyers supplémentaires seraient imposés sur le revenu à cause de l'inflation car celle-ci n'aura pas été prise en compte.
Une censure pourrait également plonger la France dans une crise financière. Les marchés pourraient bien s’affoler face à une telle instabilité. Lundi, le Cac 40 a tenu relativement bon, mais les analystes ne sont pas rassurants.
>> Lire également : Dette publique française: pourquoi le monde politique juge que l'heure est grave
Concernant le gouvernement lui-même, Emmanuel Macron pourrait renommer Michel Barnier au poste de Premier ministre, ce qui pourrait à nouveau entraîner une censure du gouvernement. Il pourrait aussi en nommer un nouveau: des noms comme Bernard Cazeneuve, Premier ministre sous François Hollande, ou Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, sont évoqués.
En tout cas, le président français ne pourra pas dissoudre l'Assemblée nationale une nouvelle fois avant juin 2025.
>> Pour aller plus loin sur les conséquences d'une censure du gouvernement, lire : Le Premier ministre français Michel Barnier craint "des turbulences" si son gouvernement tombe
Papier radio: Benjamin Luis
Adaptation web: Julie Marty avec afp
Michel Barnier compte sur un "réflexe de responsabilité" des députés
Michel Barnier a jugé "possible" que les députés aient un "réflexe de responsabilité" lors du vote de la motion de censure. "Je pense que c'est possible qu'il y ait ce réflexe de responsabilité où, au-delà des différences politiques, des divergences, des contradictions normales dans une démocratie, on se dise qu'il y a un intérêt supérieur", a déclaré le Premier ministre lors d'un entretien depuis son bureau à Matignon sur TF1 et France 2.
"Je pense que l'intérêt supérieur du pays, le bien commun, l'intérêt national, ça veut dire quelque chose", a-t-il ajouté.
Michel Barnier a cependant écarté la possibilité d'être renommé à Matignon s'il était censuré, s'interrogeant sur "le sens" d'un tel scénario. "J'ai envie de servir. Je vous ai dit que c'est un grand honneur. Mais qu'est-ce que cela a comme sens?", a-t-il demandé. "Si je tombe demain, après-demain, on me retrouve là comme si de rien n'était, comme si rien ne s'était passé?"
Aujourd'hui, "ce n'est pas moi qui suis en cause", "cela dépasse très largement ma seule condition", a ajouté le chef du gouvernement qui avait dit en arrivant avoir "découvert" une situation budgétaire difficile, avec un déficit qui devrait atteindre 6,1% du PIB en 2024.
Michel Barnier a mis en garde contre les conséquences d'une éventuelle censure et d'un rejet du projet de budget de la Sécurité sociale. "Dix-huit millions" de Français "verront leur impôt sur le revenu augmenter" si le budget 2025 n'est pas adopté, a-t-il assuré.