La Grèce est une nouvelle fois épinglée pour ses mauvais traitements envers les migrants
Le Comité anti-torture (CPT) du Conseil de l'Europe, qui s'est rendu en Grèce du 21 novembre au 1er décembre 2023, "exhorte une nouvelle fois les autorités grecques à améliorer les conditions de vie dans les centres de rétention du pays" et les invite à "veiller à ce que les ressortissants étrangers soient traités à la fois avec dignité et humanité".
Le CPT a rendu ces dernières années plusieurs rapports critiques sur la Grèce, notamment en 2020, lorsqu'il avait dénoncé, déjà, les conditions "inhumaines" de rétention des migrants.
Cet organisme dit avoir cette fois "de nouveau recueilli plusieurs allégations crédibles et concordantes de mauvais traitements physiques" qui "auraient été délibérément infligés par des policiers dans certains commissariats d'Athènes et dans les centres de rétention avant éloignement d'Amygdaleza, de Corinthe et de Tavros".
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Conditions "inhumaines"
"Plusieurs personnes ont également indiqué qu'elles avaient été maltraitées par des garde-côtes lorsqu'elles ont été interceptées en mer" (coups de matraque et de crosse, coups de pied et de poing, gifles, injures, insultes racistes), note le CPT.
Le rapport évoque le centre de Corinthe, où des personnes sont maintenues "pendant des périodes allant jusqu'à 18 mois, dans des conditions matérielles extrêmement mauvaises". En raison de la "situation sanitaire catastrophique" dans ce centre, "une épidémie de tuberculose ouverte a commencé à se propager parmi une grande partie de la population retenue", s'inquiète encore le Comité anti-torture.
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En ce qui concerne les nouveaux centres fermés à accès contrôlé financés par l'Union européenne sur les îles de la mer Égée, "les conditions de vie de nombreuses personnes rencontrées par le CPT ne peuvent être décrites autrement que comme étant inhumaines et dégradantes", en particulier "dans les centres de Kos et de Samos".
Le Comité fait également part de "nombreuses allégations cohérentes et crédibles d'éloignements forcés informels, souvent violents", d'étrangers sur l'Evros, un fleuve séparant la Turquie de la Grèce, ou en mer vers la Turquie (refoulements ou "pushbacks"), "y compris d'enfants non accompagnés et séparés de leur famille".
"Rénovations" prévues par les autorités
Dans leurs réponses, les autorités grecques affirment que les conditions de rétention dans les commissariats de police du pays et les centres de rétention avant éloignement "sont conformes aux normes internationales et que des travaux de rénovation de grande envergure sont prévus dans trois centres".
Police et garde-côtes assurent également agir "dans le plein respect de leurs obligations internationales, en particulier le principe de non-refoulement et la protection de la vie et de la dignité des personnes", indique encore le rapport.
Le Conseil de l'Europe, qui siège à Strasbourg, est l'organisation internationale qui rassemble les 46 Etats signataires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Plusieurs comités thématiques, dont le Comité anti-torture, veillent au respect de cette Convention.
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jfe avec les agences
"C'est l'ensemble du système de protection qui est dans une crise profonde"
Interrogé dans l'émission Forum, Etienne Piguet, professeur de géographie humaine à l'Université de Neuchâtel, est revenu sur ce rapport. Selon lui, la situation est "très grave": "Il y a des choses qui se sont passées en Grèce qui n'auraient pas dû se passer et de ce point de vue-là, la condamnation se justifie dans l'espoir qu'elle ait un effet."
Etienne Piguet note que c'est l'ensemble du système de protection en Europe et dans le monde qui est dans une crise très profonde. "Finalement, la Grèce est aux avant-postes de la globalisation de l'asile avec des effectifs de demandes d'asile qui ont beaucoup augmenté. En 2023, elle a reçu plus de demandes d'asile qu'elle n'en avait reçu durant ce qu'on appelle la crise de 2015-2016", constate l'expert sur la RTS.
"Le déséquilibre entre le nombre de demandes d'asile qui arrivent en Grèce et qui restent en Grèce parce qu'elles ne peuvent pas aller ailleurs, et le nombre de demandes d'asile qui vont dans les autres pays d'Europe s'est creusé fortement en 2023. Donc jeter la pierre à la Grèce, bien sûr, il faut le faire par rapport à des actions qui sont inadmissibles, mais c'est un peu facile", estime encore le professeur de l'Université de Neuchâtel.