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La guerre à Gaza dégrade l'image d'Israël

Des supporters de la Palestine à Washington. [Keystone - EPA/Michael Reynolds]
Guerre à Gaza: "Les critiques internationales n'ébranlent pas la société israélienne" / Tout un monde / 8 min. / le 5 mars 2024
Alors que la guerre à Gaza entre jeudi dans son 6e mois, la pression augmente de toute part sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Même son allié historique – les Etats-Unis – hausse le ton. Le refus d’Israël de participer aux négociations pour une trêve à Gaza augmente l’isolement du pays, dont l’image internationale s’est gravement détériorée, alors que les divisions internes grandissent. 

Dans l’émission Tout un Monde, quatre personnalités israéliennes, toutes critiques à l’égard du gouvernement Netanyahu, analysent les raisons et les conséquences de cette dégradation de la perception d’Israël.

David Ben Ishaï, chef de file du mouvement les "démocrates mobilisés", relève deux facteurs principaux et diamétralement opposés. "D'un côté, le Hamas s'est montré extrêmement efficace en matière de communication (…) et finance depuis 15-20 ans des relais dans les universités américaines", selon lui. Et de l’autre, il souligne la politique catastrophique d’un Premier ministre mis en examen qui veut prolonger le conflit "en se disant que plus ça dure et plus il dure."

Analyse partagée par Daniel Bensimon, journaliste et ancien député travailliste à la Knesset, pour qui Benjamin Netanyahu ne se soucie ni "du bien d’Israël, ni de celui des Juifs ou de la communauté internationale", mais s’obstine dans cette voie "parce que la fin de la guerre, c'est peut-être la fin de sa carrière politique".

La société israélienne face aux critiques internationales

C’est moins l’érosion de l’image de son pays à l’étranger qui inquiète Gil Erez, avocat à Tel-Aviv, que les actions qui la provoquent: "Israël aujourd'hui fait certaines choses qui abîment fortement les droits des autres, sous prétexte de protection du pays". Et s’il faut se défendre, après le 7 octobre, cela ne légitime pas pour autant, selon lui, d’ignorer ainsi les droits humains. 

>> Lire également : La "conduite inappropriée" de certains soldats israéliens à Gaza dénoncée

Au sein de la société, il n’y a pas de débat sur l’érosion de l’image d’Israël, relève Daniel Bensimon, car la population est encore traumatisée par les événements du 7 octobre : "Cela signifie que les critiques qui viennent de la presse internationale ou du président Biden n'ébranlent pas la population. Les gens sont tellement absorbés par le drame de la mort de centaines d’Israéliens qu’ils ne voient que leur histoire personnelle et celle du pays."

Cela prendra du temps, dit-il, pour que la société israélienne puisse éventuellement entendre les critiques internationales et réagir face à la politique du gouvernement Netanyahu. Et pour l’instant, il dit se sentir isolé dans son analyse de la situation.

Aujourd'hui, l'opinion publique est ultra-nationaliste, ultra-patriotique

Daniel Bensimon, journaliste israélien et ancien député travailliste à la Knesset

Le silence des medias israéliens sur la situation à Gaza

David Ben Ishaï, militant pour la démocratie et la paix, souligne que les Israéliens ne prennent pas vraiment la mesure de ce qui se passe à Gaza, en raison d’une forme d’autocensure et de propagande des media, à l’exception du quotidien de gauche Haaretz.

L’engagement de 150’000 à 300’000 jeunes dans une "guerre existentielle" engendre un mécanisme naturel de propagande, dit-il. "Pour la simple et bonne raison qu'on a été massacrés. (...) Quand vous êtes en guerre, vous ne pouvez pas avoir une lecture objective de ce que vous faites bien ou de ce que vous faites mal. Vous avez besoin que toute la population, la presse, tout le monde soutienne les soldats. Ainsi, tout est biaisé."

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Risque d’isolement pour Israël

Le refus d’envisager une trêve humanitaire contribue également à cette dégradation d’image, relève Eran Nissan, ancien membre des forces spéciales israéliennes et désormais activiste pour la paix. "Dans la crise humanitaire à Gaza, on a vu la semaine dernière les armées américaine et jordanienne parachuter des paquets humanitaires. C'est la preuve que la communauté internationale ne fait pas confiance au gouvernement israélien pour se conduire de manière responsable".

Eran Nissan souligne qu'"Israël n’est pas une île", contrairement aux affirmations de certains responsables gouvernementaux qui prétendent "n’avoir pas besoin du monde". En tant que citoyen israélien qui œuvre pour le retour des otages, il estime que son "gouvernement est un obstacle à la libération des otages" et insiste sur le fait que "nous avons besoin de nos amis étrangers pour nous aider à ramener les otages chez eux".

Sujet radio: Patrick Chaboudez

Adaptation web: Miroslav Mares

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