Mardi, des centaines de personnes ont bravé la pluie devant le palais de justice de Kowloon pour assister à l’épilogue du plus grand procès jamais organisé dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin. Certains membres du public avaient patienté des heures, voire des jours, pour entendre les sentences prononcées en moins de six minutes. Un verdict aussi bref que lourd.
Le procès s’est achevé plus de trois ans après l’arrestation de 47 membres de l'opposition démocrate dans le cadre d'une vague de perquisitions simultanées à travers la région administrative spéciale en vertu de la loi de sécurité nationale.
Le juriste Benny Tai, à l’origine du projet politique du mouvement pro-démocratie, a reçu une peine d'emprisonnement de 10 ans, la plus longue prononcée à ce jour en vertu de la loi spéciale promulguée en 2020 au lendemain des manifestations massives et parfois violentes en faveur de la démocratie qui avaient secoué l’ancienne colonie britannique de nombreux mois.
Conséquences d'une élection primaire officieuse
Tous les militants ont été reconnus coupables d'avoir organisé une primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l'opposition en vue des législatives. L’objectif à l’époque était de décrocher une majorité au sein de l'assemblée locale pour bloquer l’adoption des budgets et forcer la démission la dirigeante pro-Pékin de Hong Kong alors en place, Carrie Lam.
Les autorités avaient mis en garde contre la manœuvre prévue dans la mini-constitution du territoire et découragé les citoyens de participer au vote. Quelque 610'000 personnes avaient défié le pouvoir en participant au scrutin en juillet 2020, soit près d'un septième des électeurs hongkongais.
L’exécutif avait coupé l’herbe sous les pieds de l’opposition en reportant les élections, permettant à Pékin de procéder à une réforme politique en profondeur excluant les candidats pro-démocratie au profit de figures loyalistes triées sur le volet. Depuis, les "élus patriotiques" de Hong Kong sont strictement contrôlés.
Réactions face au verdict
Au-delà de la sévérité des peines infligées pour l'organisation d'un scrutin démocratique pacifique informel, ce procès envoie avant tout un message à une population majoritairement hostile au Parti communiste chinois: rangez vos aspirations démocratiques et ne vous laissez pas aller à la critique, même modérée, des autorités sous peine d’être lourdement sanctionné.
Si le procès a retenu l'attention des Hongkongais, peu le commentent ouvertement, à l'exception des centaines de courageux mobilisés mardi matin, les pieds dans l'eau, pour accompagner les condamnés lors de la lecture du verdict.
Décidé à réprimer les élans et les revendications démocratiques des Hongkongais, le Parti communiste chinois mise sur la répression et le temps: un nouveau programme d'éducation patriotique a vu le jour dans les écoles en septembre dernier. Au cœur des enseignements: l’amour de la patrie et l’identité nationale chinoise.
Sujet radio: Michael Peuker
Adaptation web: Miroslav Mares avec les agences
Réactions internationales
Les Etats-Unis, l'Australie et des ONG de défense des droits de l'homme ont immédiatement réagi en condamnant ces peines comme preuve de l'érosion des libertés politiques à de Hong Kong depuis une ferme reprise en main par Pékin.
Taïwan "condamne fermement le recours par le gouvernement chinois à des mesures judiciaires et à des procédures inéquitables pour supprimer la participation politique et la liberté d'expression des militants pro-démocratie de Hong Kong", a indiqué Karen Kuo, porte-parole de la présidence. "La démocratie n'est pas un crime", souligne-t-il.