La loi géorgienne controversée "ne correspond pas aux espoirs de la population", estime la présidente
La loi sur "l'ingérence étrangère", inspirée d'une législation en vigueur en Russie pour réprimer l'opposition, a été votée mardi en dernière lecture par les députés géorgiens.
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Les manifestations contre ce texte, qui cible les médias et les ONG recevant des fonds étrangers, durent pourtant depuis plus d'un mois, rassemblant parfois des foules considérables brandissant des drapeaux européens, ukrainiens et géorgiens et scandant des slogans contre la Russie, qui a mené une guerre contre la Géorgie en 2008.
Depuis la guerre en 2008, la Russie occupe 20% des territoires géorgiens et cela n'a pas réussi à faire changer la population géorgienne de sa conviction européenne
Pour la présidente Salomé Zourabichvili, cette mobilisation prouve bien la détermination du peuple géorgien à se rapprocher de l'Union européenne. "Depuis la guerre en 2008, la Russie occupe 20% des territoires géorgiens et cela n'a pas réussi à faire changer la population géorgienne de sa conviction européenne", affirme-t-elle mercredi dans le 19h30 de la RTS.
Adhésion à l'UE et à l'Otan remise en cause
L'Otan, la Commission européenne et l'ONU ont condamné mercredi ce projet de loi qu'ils jugent contraire à l'ambition de ce pays du Caucase de rejoindre l'UE et l'Alliance atlantique.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, au nom de la Commission européenne, a appelé la Géorgie à "retirer" cette loi, jugée contraire aux "valeurs" et aux "normes essentielles" de l'UE. Son vote a "un impact négatif" sur le processus d'adhésion de cet Etat à l'UE, a-t-il souligné dans un communiqué. La porte-parole de l'Otan, Farah Dakhlallah, a quant à elle dénoncé sur X une mesure qui l'"éloigne" de son "intégration européenne et euro-atlantique".
"Tout peut basculer, parce que nous sommes très près de la porte que représentent les négociations d'accession à l'Union européenne", observe Salomé Zourabichvili, dont le pays est devenu officiellement candidat à l'entrée dans l'Union européenne en décembre 2023. "Nous venons d'obtenir le statut de candidat et juste à ce moment-là, sans véritable raison, les autorités reproposent une loi qui avait été rejetée l'année dernière", ajoute la présidente géorgienne.
Changement de direction
Pro-européenne en conflit ouvert avec le gouvernement, Salomé Zourabichvili peine à comprendre ce revirement des députés. "Il y a une espèce de paranoïa anti-occidentale et anti-européenne qui ne correspond pas du tout au stade où se trouve la Géorgie et aux espoirs de l'ensemble de la population vers cette perspective européenne", dit-elle.
Il y a une espèce de paranoïa anti-occidentale et anti-européenne qui ne correspond pas du tout au stade où se trouve la Géorgie et aux espoirs de la population
Car la présidente est catégorique: une très grande majorité du peuple géorgien souhaite un rapprochement avec l'Europe. "Les sondages récents montrent que 85% de la population géorgienne est déterminée dans son choix", affirme-t-elle. "Et si on voit beaucoup de jeunesse dans les manifestations qui continuent tous les jours, on voit aussi beaucoup de personnes moins jeunes qui participent."
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Salomé Zourabichvili rappelle que ces personnes plus âgées sont celles qui ont élu les membres du Parlement, mais qui ont également voté pour elle "sur un programme qui était complètement pro-européen". La présidente regrette qu'aujourd'hui, la majorité de ces parlementaires, qui ont fait "inscrire dans la Constitution la priorité de l'intégration européenne et de l'intégration euro-atlantique", aient changé de direction.
Salomé Zourabichvili a d'ores et déjà annoncé vouloir mettre son veto à la nouvelle loi, mais le parti au pouvoir "Rêve géorgien" assure avoir assez de voix au Parlement pour passer outre.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Emilie Délétroz avec agences