La mort de Hassan Nasrallah montre un Hezbollah "désarçonné", selon Jean-Paul Chagnollaud
"Il est très difficile de faire un pronostic aujourd'hui, mais il est clair qu'il y aura un avant et un après", affirme Jean-Paul Chagnollaud, président de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient, au micro de Forum samedi.
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Le Hezbollah "désarçonné"
Selon lui, la frappe qui a tué Hassan Nasrallah ainsi que l'affaire des bipeurs et des talkies-walkies qui avait fait 39 morts et 3000 blessés la semaine passée "montrent à quel point ils (les membres du Hezbollah, ndlr) sont désarçonnés". "Ils n'ont rien vu venir", ajoute-t-il.
L'assassinat du chef du Hezbollah "va le déstabiliser pour une période indéterminée", analyse-t-il, tout en admettant ne pas savoir comment le mouvement islamiste chiite va réagir dans l'immédiat.
Pour Jean-Paul Chagnollaud, il n'est pas impossible que Hassan Nasrallah ait pu être tué grâce à un infiltré, comme le soupçonnent certaines rumeurs. "Si on compare ses paroles il y a quelques semaines et le résultat aujourd'hui, il prétendait être très préparé et finalement pas du tout. Il était infiltré et ils (le Hezbollah, ndlr.) n'ont rien vu venir de la tragédie pour eux-mêmes."
La question de la Palestine, qui est l'origine de la guerre, va connaître une radicalisation
L'invité de Forum constate que cette mort "ne règle en rien les questions politiques qui ont fait que ce conflit a commencé". Selon lui, cet assassinat est "indissociable de ce qu'il s'est passé à Gaza", et pourtant cet événement "est en train de déplacer tout l'intérêt au Liban".
Jean-Paul Chagnollaud assure encore que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu aurait pu éviter tout cela avec la diplomatie, en particulier s'il avait accepté le cessez-le-feu à Gaza. "Mais il l'a refusé pour continuer son combat et commettre cet assassinat", poursuit-il.
Cela a donc créé un nouveau rapport de force en faveur d'Israël, analyse le spécialiste, pour qui la question de la Palestine, à l'origine de la guerre, va connaître une radicalisation "à cause d'un refus complet de la diplomatie".
La Cisjordanie, prochain front?
Selon les prévisions du spécialiste, la stratégie d'Israël sera de "dominer le sud du Liban et peut-être davantage (...) de façon à écraser le Hezbollah". Une stratégie similaire à celle utilisée à Gaza", avance-t-il.
Selon l'analyse de Jean-Paul Chagnollaud, la Cisjordanie sera le dernier territoire dans le viseur de Benjamin Netanyahu. "Il ne reste que la Cisjordanie qu'il veut annexer". Ce sera "le prochain front", anticipe-t-il.
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"Un véritable débat à l’intérieur de l’Iran"
La position de Téhéran quant à la réponse à amener à cet assassinat reste floue. Si l’Iran appelle à la destruction d’Israël, pour Hasni Habidi, politologue et chargé de cours au Global Studies Institute de l'Université de Genève, la réalité des intentions du régime est toute autre. Interrogé dans le 19h30 de la RTS, il explique qu’il existe "un véritable débat à l’intérieur de l’Iran".
L’assassinat de Nasrallah susciterait ainsi deux réactions principales au sein des autorités iraniennes. Une partie du régime dirait: "ce n’est qu’une provocation. On est déjà dans une guerre au Liban, pas dans une escalade. Il ne faut surtout pas tomber dans ce piège tendu par Benjamin Netanyahu [en répliquant pour défendre le Liban]."
Une autre partie au sein de l’aile révolutionnaire du régime défendrait que "si Nasrallah a été éliminé, et d’autres chefs ont été éliminés, c'est parce que l’Iran n’a pas répondu. Il faut absolument que l’Iran reprenne l’initiative."
Propos recueillis par Thibaut Schaller et Gabriel De Weck
Adaptation web: Julie Marty et Julien Furrer