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La Palestine en tant qu'Etat: que changent les décisions de l'Irlande, l'Espagne et la Norvège?

Un garçon palestinien tient un drapeau palestinien lors d'une manifestation pour marquer la Journée de la Terre. [KEYSTONE - MUHAMMED MUHEISEN]
Un garçon palestinien tient un drapeau palestinien lors d'une manifestation pour marquer la Journée de la Terre. - [KEYSTONE - MUHAMMED MUHEISEN]
La Norvège, l’Espagne et l’Irlande ont annoncé mercredi leur décision de reconnaître la Palestine en tant qu'Etat. A ce jour, 146 des 193 pays membres de l’ONU ont franchi le pas. Mais que signifie concrètement cette reconnaissance? S'agit-il d'un geste purement symbolique ou d'un tournant historique?

La reconnaissance de la Palestine en tant qu'Etat représente "le seul chemin crédible vers la paix et la sécurité pour Israël et la Palestine", estiment les trois pays européens à avoir pris cette décision. Avant la Suède en 2014, les rares pays de l'UE ayant reconnu un État palestinien étaient principalement des États de l'ancien bloc soviétique. Ces derniers avaient franchi le pas avant même d'intégrer l'Union européenne.

L'Espagne, la Norvège et l'Irlande rejoignent la Slovénie, qui a déjà entamé ce processus le 9 mai avec un décret de reconnaissance soumis à son Parlement pour approbation d’ici le 13 juin. La Belgique, Malte ou le Canada envisagent également de le faire. 

A l'annonce de cette décision, Israël a immédiatement rappelé "pour consultations" ses ambassadeurs en poste à Dublin et Oslo. Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a aussi vivement réagi. "La décision d’aujourd’hui envoie un message aux Palestiniens et au monde: le terrorisme paie", a-t-il déclaré, en référence au massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas.

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Une simple portée historique?

Selon Douglas Proudfoot, ancien ambassadeur du Canada à Ramallah, en Cisjordanie occupée, une reconnaissance n’aura toutefois pas d’effets concrets sur le terrain. "La reconnaissance de l’État de la Palestine est purement symbolique. Ceci dit, parfois, les symboles sont très importants", souligne-t-il auprès de Radio-Canada.

Selon lui, l'impact est plutôt d’ordre politique. "Cela vient mettre une certaine pression sur Israël, mais ce n’est pas en reconnaissant un État qu’on crée un État."

La reconnaissance de l’État de la Palestine est purement symbolique. Ceci dit, parfois, les symboles sont très importants

 Douglas Proudfoot, ancien ambassadeur du Canada à Ramallah

De son côté, Hugh Lovatt, spécialiste du Proche-Orient au Conseil européen des affaires étrangères, juge que cette annonce, seule, "reste d’une portée limitée". "En revanche, elle intervient de manière concomitante avec d’autres dynamiques dans la région: l’initiative de paix des pays arabes, les discussions à la CPI, mais également de la Cour internationale de justice (...) Transformer cette dynamique en horizon diplomatique demandera beaucoup de travail", analyse-t-il dans Le Monde.

Un symbole "extrêmement fort"

En outre, si cette étape de reconnaissance ne devrait pas avoir de conséquence sur la politique menée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, "le symbole est extrêmement fort au niveau européen", appuie Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient, sur TF1. En effet, à ce jour, les pays européens qui reconnaissent officiellement la Palestine en tant qu'Etat sont peu nombreux en comparaison internationale.

En dehors de l'Islande et de la Suède, il s'agit exclusivement de pays situés en Europe de l'Est. Dès 1988, année de la proclamation de l'indépendance palestinienne par Yasser Arafat, certains pays européens, comme la Pologne, la Hongrie ou la Bulgarie, ont reconnu officiellement l'Etat de Palestine.

Renforcement des relations bilatérales

Selon certains experts, une reconnaissance officielle de la Palestine améliorerait ses relations bilatérales, lui permettant d'établir des ambassades et de négocier des accords directement en tant qu'État souverain.

Reconnaître un État implique de renforcer ses relations bilatérales, par exemple d’établir une ambassade ou un consulat

Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient

"Reconnaître un État implique de renforcer ses relations bilatérales, par exemple d’établir une ambassade ou un consulat, ou encore d’accorder une immunité diplomatique à sa délégation", explique Jean-Paul Chagnollaud.

Cette reconnaissance permettrait en outre à la Palestine de porter des affaires devant les juridictions internationales pour protéger ses droits et ceux de ses citoyens.

Un outil diplomatique

Pour finir, cette récente reconnaissance par trois pays européens relance l'idée de la solution à deux États plaidée notamment par les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Qatar.

Pour l'Espagne l'Irlande et la Norvège, il s’agit donc d’un outil diplomatique pour remettre sur la table cette solution à deux Etats. La reconnaissance d’un État palestinien est "la pierre angulaire sur laquelle la paix doit être bâtie", a affirmé le Premier ministre irlandais Simon Harris mercredi. 

 Reconnaître l'État de Palestine envoie le message qu'il y a une alternative viable au nihilisme du Hamas

 Simon Harris, Premier ministre irlandais

"Aujourd'hui, nous disons que nous reconnaissons l'État d'Israël, nous reconnaissons son droit à exister en paix et en sécurité dans des frontières reconnues internationalement, et reconnaître l'État de Palestine envoie le message qu'il y a une alternative viable au nihilisme du Hamas", a-t-il encore poursuivi. 

Ferme opposition de Benjamin Netanyahu

Les États-Unis, le Canada, l’Australie, plusieurs pays d'Europe de l’Ouest, dont la Suisse, la France et l’Allemagne, ainsi que la Corée du Sud et le Japon ne reconnaissent pas l'État de Palestine, mais maintiennent des relations diplomatiques avec l’Autorité palestinienne. Pour le moment, aucun pays occidental du G20 n’a franchi le pas.

Pour rappel, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réitéré en janvier dernier son opposition à la création d'un Etat palestinien souverain, malgré la demande récurrente du président américain Joe Biden. 

Hélène Krähenbühl

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