La personnalité du mari, "chef d'orchestre" d'une décennie de viols, analysée au procès de Mazan
Après avoir écouté les victimes, lors de la première semaine de ce procès prévu pour durer quatre mois, la cour s'est désormais tournée vers les 51 accusés, en commençant par le désormais ex-mari – le couple est officiellement divorcé depuis le 22 août.
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La plupart des 32 accusés comparaissant libres sont arrivés avec un masque anti-Covid cachant leur visage, baissant la tête face aux caméras des médias du monde entier (lire encadré). Les 18 autres, dont Dominique Pelicot, sont détenus, et le 51ᵉ, en fuite, sera jugé par défaut.
L'ex-mari, 71 ans, décrit par un de ses coaccusés comme le "chef d'orchestre" de cette affaire hors norme, a lui a été dispensé d'audience lundi, en raison de douleurs intestinales. Sa première prise de parole est prévue pour mardi.
Personnalité de "pervers manipulateur"
Violeur la nuit mais grand-père "très attentionné" et "tant aimé" le jour, décrit comme un "chic type", "un super mec" par son épouse, juste avant que celle-ci apprenne l'horreur des faits, à l'automne 2020: la personnalité "à double facette" de "pervers manipulateur" de Dominique Pelicot avait déjà été esquissée par un premier expert psychologue vendredi, quand celui-ci avait évoqué "Dr Jekyll et Mr Hyde".
Première experte à s'exprimer, la psychologue Marianne Douteau a souligné le caractère "colérique" de Dominique Pelicot, "inspirant la crainte", "le mensonge et le secret". Des traits semblables à ceux de son père, qu'il honnissait. Ses parents tenaient un hôtel-restaurant et lui, après un parcours scolaire jugé comme "médiocre" par l'experte, avait travaillé notamment comme ouvrier dans le secteur nucléaire avant de se lancer dans l'immobilier, avec un succès mitigé.
"La sexualité de monsieur Pelicot apparaît comme calquée sur sa personnalité: elle est décrite comme ordinaire en public, mais au sein de son couple il a une sexualité tenace, comme l'échangisme que refusait son épouse et qu'il compense par l'utilisation de sites de discussions pornographiques", a-t-elle poursuivi.
"Le voyeurisme fait partie de sa dynamique psychosexuelle", a affirmé une autre psychologue, Annabelle Montagne, décrivant "l'égocentrisme" de l'accusé et sa "propension à considérer l'autre comme un objet qu'on peut manipuler": en assommant sa femme d'anxiolytiques, la rendant donc "totalement inerte, sans réaction", il pouvait "l'objectiver".
"Le fait que la personne soit totalement passive, cela pourrait renvoyer à des fantasmes de nécrophilie", a-t-elle asséné, estimant que le viol que l'accusé affirme avoir subi, à 9 ans, par un infirmier lors d'une hospitalisation, pourrait avoir formé "un clivage dans sa psyché".
"Aucune pathologie ou anomalie mentale"
Ses petits-enfants l'adoraient: il les aidait dans leurs devoirs et les emmenait aux activités sportives. Avec ses voisins, Dominique Pelicot effectuaient régulièrement des sorties à vélo autour du mont Ventoux, proche de leur domicile, à Mazan, où le couple avait déménagé en mars 2013 et où ont eu lieu la plupart des viols. "En 2013, son passage à la retraite et le déménagement du couple ont pu fragiliser les barrières défensives dans le psychisme", a poursuivi Annabelle Montagne.
Mais personne ne se doutait que la nuit la plupart du temps, parfois dans la journée, il se transformait en violeur et en recruteur pour faire agresser sexuellement son épouse: 200 faits recensés par l'enquête, entre juillet 2011 et octobre 2020.
Si l'accusé ne souffre "d'aucune pathologie ou d'anomalie mentale", il présente une "déviance sexuelle ou paraphilie de type voyeurisme", selon plusieurs examens psychiatriques réalisés lors de l'enquête. Il y était qualifié de "manipulateur", doté d'une personnalité "perverse", utilisant sa femme comme "appât".
Il serait alors tombé dans une "dynamique d'addiction sexuelle". Dominique Pelicot avait affirmé avoir accueilli avec "soulagement" son interpellation, à l'automne 2020, car il n'était "pas capable" de s'arrêter.
Mais sa parole est dorénavant mise en doute systématiquement par sa famille. Selon sa fille Caroline, il "délivre une partie de la vérité uniquement quand il est mis au pied du mur". Le psychiatre Paul Bensussan, qui a procédé à l'expertise de Dominique Pelicot, le décrit comme quelqu'un de "très manipulateur", estimant également que "son absence d'empathie est totale": "On ne peut pas compter sur monsieur Pelicot, il ment, se contredit" et "s'adapte au fur et à mesure", "il n'y a aucune propension à la sincérité" chez lui, a-t-il insisté.
Le témoignage fort de Gisèle Pelicot
Jeudi, c'est la victime principale qui avait livré un témoignage émouvant pendant près d'une heure et demie devant le tribunal, sans jamais jeter un regard dans la direction de son ex-mari. Gisèle Pelicot a découvert le calvaire qu'elle avait vécu lorsque, le 2 novembre 2020, la police lui montre des photos retrouvées dans l'ordinateur de celui qui partage sa vie depuis un demi-siècle: "Je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. Mon monde s'écroule, pour moi tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans. Franchement, c'est des scènes d'horreur pour moi (...) Ils me considèrent comme une poupée de chiffon".
Après deux ans d'enquête, la police a estimé qu'elle avait subi 92 viols, commis par 83 agresseurs, dont 51 ont été identifiés.
Gisèle Pelicot a renoncé au huis clos afin que "la honte change de camp": "Aujourd'hui je reprends le contrôle de ma vie, pour dénoncer ce qu'est la soumission chimique. Beaucoup de femmes n'ont pas les preuves. Moi j'ai les preuves de ce que j'ai vécu", avait souligné la septuagénaire, espérant que d'autres femmes puissent l'entendre et peut-être se rendre compte qu'elles aussi ont été droguées.
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Depuis l'ouverture du procès, plusieurs médias avaient choisi de ne pas donner ce nom de Pelicot, afin de protéger la vie privée des trois enfants et six petits-enfants du couple. Mais ceux-ci ont fait savoir jeudi, via leurs avocats, qu'ils souhaitaient désormais que leur patronyme soit connu car il est devenu "celui du courage incarné" par leur mère et grand-mère.
sjaq avec afp
Garantir la sérénité des débats
Avocates et avocats de la défense ont pris la parole les premiers lundi matin, demandant au président de la cour de "tout faire pour garantir la sérénité des débats".
Les juristes ont annoncé que des plaintes allaient être déposées après des menaces, parfois physiques, subies par certains accusés et des membres de leur famille, voire même leurs enfants.
Des listes des 50 coaccusés de Dominique Pelicot, ainsi que parfois leurs photos, ont été diffusés ces derniers jours sur les réseaux sociaux avec des menaces, au mépris de la présomption d'innocence.
Interrogatoires des coaccusés dès mercredi
A partir de mercredi après-midi, la cour devrait commencer à interroger les autres accusés, 50 hommes âgés de 26 à 74 ans. Comme Dominique Pelicot, ils risquent pour la plupart vingt ans de réclusion criminelle, pour viols aggravés.
Les audiences se sont déroulées jusqu'à présent dans une salle exiguë où les accusés comparaissant libres côtoient de près les parties civiles – au grand regret de celles-ci, qui le vivent comme une "agression" – et où se massent des journalistes du monde entier.
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