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La population iranienne aux urnes pour élire son président après le décès d'Ebrahim Raïssi

Une femme iranienne glisse son bulletin dans l'urne pour l'élection présidentielle, le 28 juin 2024 à Téhéran. [AFP - RAHEB HOMAVANDI]
Les Iraniens aux urnes pour élire un nouveau président après la mort d'Ebrahim Raïssi / La Matinale / 1 min. / le 28 juin 2024
Les bureaux de vote ont ouvert vendredi en Iran pour le premier tour de l'élection présidentielle. Le scrutin a lieu un an plus tôt que prévu, après le décès du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère le 12 mai. Les mouvements de femmes iraniennes portent un regard critique sur cette élection.

Quelque 61 millions d'Iraniens et Iraniennes sont appelés aux urnes dans les 58'640 bureaux de vote disséminés dans l'immense pays, de la mer Caspienne au nord au Golfe dans le sud.

Comme il est de tradition, c'est le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a lancé les opérations en votant dès 8h devant des dizaines de caméras à Téhéran. 

L'issue de ce scrutin ne devrait avoir que peu d'incidence en matière de politique, mais pourrait influer sur la succession de l'ayatollah Ali Khamenei. Les résultats officiels sont attendus au plus tard dimanche, mais des estimations devraient être publiées samedi.

>> L'analyse dans La Matinale de Sébastien Regnault, chercheur et spécialiste de l’Iran :

Les Iraniens se rendent aux urnes pour élire un nouveau président après la mort d'Ebrahim Raïssi.
Présidentielle en Iran: l'analyse de Sébastien Regnault, chercheur et spécialiste de l’Iran / La Matinale / 1 min. / le 28 juin 2024

Quatre candidats

Quatre candidats, des hommes quinquagénaires ou sexagénaires, sont en lice pour succéder à Ebrahim Raïssi après que deux de ceux qui avaient été approuvés par le Conseil iranien des gardiens de la Révolution ont retiré leur candidature jeudi. Si aucun d'entre eux ne rassemble plus de la moitié des suffrages, un second tour se tiendra le 5 juillet, ce qui n'a été le cas que lors d'une seule présidentielle, en 2005, depuis l'avènement de la République islamique il y a 45 ans.

La surprise pourrait provenir du seul candidat réformateur, Massoud Pezeshkian, un député de 69 ans quasi-inconnu jusqu'ici. Ce médecin d'origine azérie, une minorité du nord-ouest de l'Iran, a redonné espoir aux camps réformateur et modéré, totalement marginalisés ces dernières années par les conservateurs et ultraconservateurs.

Face à lui, les partisans du pouvoir actuel se divisent entre les candidats Mohammad-Bagher Ghalibaf, président conservateur du Parlement, et Saïd Jalili, ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire et hostile à un rapprochement avec l'Occident. Un troisième candidat conservateur, Mostafa Pourmohammadi, est aussi en course.

Massoud Pezeshkian est le seul candidat réformateur à l'élection présidentielle en Iran. [KEYSTONE - STR]
Massoud Pezeshkian est le seul candidat réformateur à l'élection présidentielle en Iran. [KEYSTONE - STR]

Le regard critique des femmes

Deux ans après la mort de Masha Amini, les femmes iraniennes n'ont guère d'espoir que ce scrutin change quelque chose dans le pays. Mais le mouvement "Femmes Vie, Liberté" continue ses actions. "Des centaines de femmes ne portent pas le foulard dans les grandes villes d'Iran. Elles sont embastillées, tabassées. Elles montrent qu'elles ne reviendront pas en arrière", relève dans La Matinale l'écrivaine et journaliste franco-iranienne Fariba Hachtroudi.

Massoud Pezeshkian met cependant en avant le combat des femmes et leur volonté d'émancipation. "Il n'arrête pas dire qu'il faut respecter la femme. Mais tout le problème est de savoir s'il peut faire quelque chose", note Fariba Hachtroudi.

>> Les précisions dans La Matinale sur le regard des femmes iraniennes sur cette élection :

Une partisane du candidat à la présidentielle iranienne Saïd Jalili, le 26 juin 2024 à Téhéran. [Keystone - Vahid Salemi]Keystone - Vahid Salemi
Présidentielle en Iran: les mouvements de femmes iraniennes portent un regard critique sur cette élection / La Matinale / 1 min. / le 28 juin 2024

Un président au pouvoir limité

L'ayatollah Kahmenei au moment de glisser son bulletin dans l'urne pour l'élection présidentielle en Iran, le 28 juin 2024. [KEYSTONE - VAHID SALEMI]
L'ayatollah Kahmenei au moment de glisser son bulletin dans l'urne pour l'élection présidentielle en Iran, le 28 juin 2024. [KEYSTONE - VAHID SALEMI]

Selon les mouvements d'opposition, cette élection ne changera rien ou presque au quotidien des Iraniennes et Iraniens. C'est en effet le guide suprême, l'ayatollah Khamenei, qui détient le pouvoir effectif et fait appliquer la charia, la loi islamique.

Les femmes, et les jeunes en général, souhaitent plutôt un changement de régime. D'après Fariba Hachtroudi, ce scrutin est marqué par la défiance.

"Les jeunes sont extrêmement critiques. Ils veulent montrer qu'ils n'y croient plus. Les salles de campagnes sont pleines à craquer avec énormément de jeunes, parce que les gens étouffent. Mais cela ne veut pas dire qu'ils vont aller voter", déclare l'écrivaine.

>> A consulter également : "Les Iraniens doivent se débrouiller tout seuls" pour espérer voir le régime tomber

Le taux de participation sera décisif

L'issue de cette élection dépendra du taux de participation, notamment des femmes. Une faible mobilisation risquerait de favoriser, de nouveau, un candidat conservateur, selon Sébastien Regnault.

Le chercheur et spécialiste de l'Iran se dit "persuadé que des réformes sont possibles" si le président élu est issu du camp progressiste grâce à un vote de masse. "La situation est toujours meilleure pour les Iraniens quand un réformateur est au pouvoir. Ce n'est pas du tout la même chose en termes de mœurs, de liberté individuelle et de relations sociales. Il y a une respiration de la société. Même si le guide suprême reste le dernier décideur, il laisse quand même un champ relativement libre aux réformateurs pour articuler leurs politiques", développe-t-il.

>> Réécouter l'analyse de la politologue franco-iranienne Mahnaz Shirali dans Tout un monde :

Mahnaz Shirali. [RTS]RTS
"La société iranienne n'a jamais été aussi désespérée qu'aujourd'hui", interview de Mahnaz Shirali / Tout un monde / 6 min. / le 25 juin 2024

>> Lire aussi : Mahnaz Shirali: "Les Iraniens n'ont pas l'intention de légitimer un régime qui est criminel à leurs yeux"

Sujet radio: Agnès Millot

ami/boi avec afp

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