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La responsabilité de protéger les civils est aujourd'hui largement bafouée, dénonce Mô Bleeker

L'invitée de La Matinale - Mô Bleeker, conseillère spéciale auprès du Secrétaire général de l’ONU
L'invitée de La Matinale - Mô Bleeker, conseillère spéciale auprès du Secrétaire général de l’ONU / La Matinale / 14 min. / le 20 novembre 2024
Invitée mercredi dans La Matinale, Mô Bleeker, conseillère spéciale du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, souligne l'importance d'adopter une résolution pour mettre fin aux combats à Gaza. Elle déplore le blocage actuel au sein du Conseil de Sécurité qui remet en question les fondements de la Charte des Nations unies.

Depuis le début de l'année, Mô Bleeker, 66 ans, est conseillère spéciale auprès du secrétaire général des Nations unies. D'origine néerlandaise, elle est une figure influente de la diplomatie suisse. Son parcours l'a menée au Tchad, à la Croix-Rouge suisse. Elle a également été envoyée spéciale pour la paix en Colombie, où elle a accompagné le dialogue entre le gouvernement et l'ELN.

Face aux conflits actuels, avec près de 1000 jours de guerre en Ukraine, ou encore plus de 400 jours au Proche-Orient, elle critique l'inactivité du Conseil de sécurité de l'ONU. "Le Conseil de sécurité se doit de réagir quand la paix et la sécurité sont menacées", insiste-t-elle.

Aujourd'hui, la responsabilité de protéger la population est largement bafouée, au nom de toutes les guerres

Mô Bleeker, conseillère spéciale auprès du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres

Elle souligne l'importance de renforcer les efforts de protection des civils. Elle met en avant la nécessité de rappeler les devoirs aux gouvernements ainsi qu'aux Etats membres de résoudre les conflits de manière politique et négociée aux travers des processus de médiation. La "responsabilité de protéger", adoptée en 2005, est aujourd'hui largement bafouée.

Elle attribue cette situation à l'inefficacité des mesures négociées et surtout à l'absence d'un arsenal d'outils de prévention qui aurait pu être mis en place pour protéger ces populations. "C'est l'échec de tous les Etats membres. Il faut se rappeler que les Nations unies représentent l'union de pays qui discutent pour prendre des décisions consensuelles", ajoute la diplomate.

La légitimité des Nations unies en question

Mô Bleeker met en perspective la légitimité des Nations unies face à Israël, qui a déclaré Antonio Guterres persona non grata sur son territoire. Elle souligne que c’est la légitimité de la décision prise par l’Etat membre en question qui doit être questionnée et non pas la légitimité du Secrétaire général des Nations unies.

Les Etats membres ont le devoir de cesser tout appui à tout Etat qui contribuerait à des crimes de guerre ou de génocide

Mô Bleeker, conseillère spéciale auprès du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres

La conseillère spéciale évoque également la crédibilité des Etats membres qui soutiennent Israël, surtout à la lumière des rapports de la Cour internationale de Justice et des Nations unies indiquant la possibilité de crimes de guerre et de nature génocidaire.

Mô Bleeker rappelle que la Convention pour la prévention du génocide impose aux Etats membres de cesser tout soutien à ceux qui commettent de tels crimes, soulignant ainsi une crise de légitimité et de crédibilité au sein de la communauté internationale.

Même si "elle n'est pas juriste, mais anthropologue politique", elle estime suivre régulièrement les mises en garde de la Cour internationale de Justice, qui soulignent le risque qu'Israël soit en train de commettre de grave violations. "Les crimes les plus horribles se déroulent sous nos yeux. L'UNRWA le répète chaque jour: une famine est systématiquement organisée dans les territoires occupés à Gaza", ajoute-t-elle.

Mais elle rappelle que l'utilisation des termes "génocide" ou "crime contre l'humanité" sont du ressort d'une cour de justice.

Propos recueillis: Pietro Bugnon

Adaptation web: Miroslav Mares

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