L'événement, qui a suscité une déflagration médiatique aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, permet de surcroît au candidat de faire passer au second plan sa récente condamnation pénale. Il a aussi pour effet d'obliger son rival Joe Biden à suspendre temporairement ses publicités de campagne.
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Pour Paul Vallet, historien et politologue au Centre de politique de sécurité de Genève et spécialiste des Etats-Unis, il s'agit d'un événement "historique". "Il s'agira probablement de l'image de la campagne", dit-il, au micro de la RTS.
L'ancien président de 78 ans a vite fait savoir qu'il serait bien présent à la grande convention républicaine qui s'ouvre lundi à Milwaukee dans le Wisconsin, où des dizaines de milliers de ses partisans prévoient de le fêter, non seulement en tant que candidat, mais désormais en tant que miraculé.
Le cas Ronald Reagan
La tentative d'assassinat de Ronald Reagan, grièvement blessé par balles à Washington, avait permis au président républicain d'enregistrer un bond spectaculaire de sa cote de popularité.
La réaction de Trump, se relevant, haranguant la foule et en disant 'Attendez, attendez!' aux agents du Secret Service, renforce son image de dur
Malgré son état, Ronald Reagan avait tenu à marcher pour entrer dans le service des urgences de l'hôpital George Washington, et les Américains avaient été profondément touchés les jours suivants en voyant leur président plaisanter avec les médecins et infirmières.
Résultat, au centième jour de son premier mandat, soit trente jours après l'attentat, Ronald Reagan fédérait 92% des républicains et 51% des démocrates!
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"Donald Trump a extrêmement bien réagi, en bête politique", estime Gaspard Kühn, correspondant de la RTS aux Etats-Unis. "La réaction de Trump, se relevant, haranguant la foule et en disant 'Attendez, attendez!' aux agents du Secret Service, renforce son image de dur et pourrait affaiblir l'argument démocrate selon lequel Trump est une menace pour la démocratie. Actuellement, Trump apparaît comme une victime de violence politique, mais de nombreuses questions demeurent, notamment sur les motivations du tireur, ce qui pourrait changer la donne."
Gaspard Kühn explique que depuis l'émergence de Donald Trump en 2016, l'idée qu'il puisse être victime d'une tentative d'assassinat a souvent été évoquée. Et "en 2024, en pleine campagne présidentielle, des questions se posent sur la façon dont un tireur a pu s'installer sur un toit proche d'un meeting de Donald Trump, alimentant diverses théories du complot. La gauche y voit un coup monté pour favoriser l'ex-président républicain, tandis que la droite critique les failles de la sécurité", analyse-t-il.
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Exploitation du battage médiatique
Donald Trump est depuis longtemps passé maître dans l'exploitation du battage médiatique que suscite sa personnalité, y compris pour les faits a priori les plus négatifs.
Premier président ciblé par deux procédures de mise en destitution, premier ex-président condamné sur le plan pénal, il a su à chaque fois utiliser l'adversité pour peaufiner son image de dirigeant insubmersible, soi-disant assailli par un système corrompu. Comme l'ont illustré les levées de fonds record dont il a bénéficié avanie après avanie.
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Lui qui a su si bien utiliser sa fameuse photo d'identité judiciaire, censée être infamante et prise le 24 août 2023 par les services du shérif du comté de Fulton dans l'Etat de Géorgie, comment imaginer qu'il ne saura pas tirer profit de celle avec sa joue ensanglantée, collant si bien à l'image qu'il entend projeter, celle d'un lutteur qu'on veut abattre?
"Polarisation et radicalisation"
Jordan Davis, correspondant de la RTS aux Etats-Unis, met en lumière la "polarisation et la radicalisation" actuelles, notant les avertissements des agences de sécurité sur la violence politique, principalement de l'extrême droite. Il évoque des incidents récents, comme la tentative d'enlèvement de la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer, et l'attaque au marteau contre le mari de Nancy Pelosi, la désormais ancienne cheffe des démocrates au Congrès.
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"Pendant des mois, Donald Trump s'en est moqué. A plusieurs reprises lors de ses meetings, il a incité ses fans à en rire. Lors de son procès pénal à Manhattan, une camionnette circulait avec à l'arrière une image de Joe Biden ligoté et bâillonné. Cela ne semblait plus choquer personne", relève Jordan Davis.
Paul Vallet souligne la présence d'une "violence politique" aux Etats-Unis, marquée par des manifestations et des affrontements, mais surtout par l'utilisation des armes à feu, "omniprésentes" dans la société américaine. Cette violence vise les personnalités politiques et se manifeste également de manière imprévisible, comme lors des tirs pendant une parade du 4-Juillet en 2022 ou des massacres dans les écoles. "Les armes à feu sont facilement accessibles grâce à un amendement de la Constitution, vigoureusement défendu par des juges nommés, notamment, par Donald Trump", souligne Paul Vallet.
vajo avec afp