Laurent Vinatier, employé français d'une ONG suisse, a été condamné à trois ans de prison en Russie
Le cour a décidé de "déclarer M. Vinatier coupable" et de "le condamner à une peine d'emprisonnement d'une durée de trois ans", a annoncé la juge Natalia Tcheprassova à l'issue du procès.
Ce chercheur spécialiste de l'espace post-soviétique était employé sur le sol russe par le Centre pour le dialogue humanitaire, une ONG suisse qui fait de la médiation dans des conflits hors des circuits diplomatiques officiels.
"Ma femme est russe, mes amis sont russes. J'ai vécu une vie russe", a-t-il rappelé lundi face aux juges, disant être tombé amoureux de la Russie il y a 20 ans, à l'occasion d'un voyage. Le Français est apparu stoïque au moment de l'énonciation du verdict. Il n'a pas eu l'autorisation de s'exprimer après cette sentence devant la presse présente au tribunal.
Appel d'un "verdict sévère"
Les avocats russes de Laurent Vinatier, Oleg Bessonov et Alexeï Sinitsine, ont déploré dans la foulée face aux journalistes un "verdict sévère". "Nous ferons, bien sûr, appel", ont-ils annoncé.
Les autorités russes accusaient le Français d'avoir manqué à son obligation de s'enregistrer sous le label d'"agent de l'étranger" alors même qu'il collectait des "informations dans le domaine des activités militaires" pouvant être "utilisées contre la sécurité" de la Russie.
Il risquait jusqu'à cinq ans de prison, mais la procureure avait requis plus tôt lundi une peine de trois ans et trois mois de prison ferme. Les avocats de Laurent Vinatier avaient, eux, demandé que leur client, qui avait "pleinement avoué sa culpabilité", rappelaient-ils, soit sanctionné par une simple amende, qualifiant la demande de la procureure de "déraisonnable et illégale".
Dans le box des accusés, les traits tirés, Laurent Vinatier avait réclamé un "jugement indulgent et équitable", estimant que "l'emprisonnement affectera[it] les conditions de vie" de sa famille.
Une "récolte d'informations" sensibles
Laurent Vinatier, 48 ans, avait reconnu ne pas s'être enregistré en tant qu'"agent de l'étranger", un label utilisé en Russie contre les voix critiques et qui impose de lourdes obligations administratives, sous peine de sanctions pénales. Il avait assuré ignorer que cette obligation avait été introduite dans le code pénal.
Les services de sécurité russes (FSB) ont pour leur part affirmé début juillet que l'accusé avait "recueilli", dans le cadre de ses échanges professionnels, "des informations militaires et techniques qui peuvent être utilisées par des services de renseignement étrangers à l'encontre de la sécurité de la Russie", déclarait alors le FSB.
Ces accusations pesant contre lui avaient fait, pendant une certaine période, redouter une inculpation plus grave, par exemple pour "espionnage", un crime passible de 20 ans de privation de liberté en Russie. Début septembre, la détention provisoire du Français avait été prolongée de six mois au premier jour de son procès, jusqu'au 21 février 2025.
>> Lire : La détention provisoire en Russie du Français Laurent Vinatier prolongée jusqu'au 21 février
Selon des sources interrogées par l'AFP, le Français travaillait depuis des années sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine, avant même l'offensive russe de février 2022, dans le cadre de discrets efforts diplomatiques en parallèle à ceux des Etats. Jusqu'à son arrestation, il effectuait des voyages dans les deux pays.
ats/iar
Paris demande la "libération immédiate" de Laurent Vinatier
La France a déploré lundi soir la condamnation de Laurent Vinatier, jugeant cette peine "d'une extrême sévérité".
"La législation sur les "agents de l'étranger" contribue à une violation systématique des libertés fondamentales en Russie, comme la liberté d'association, la liberté d'opinion et la liberté d'expression", a réagi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
Cette législation "concourt à abolir les derniers espaces de liberté dont disposaient la société civile, les médias indépendants et les oppositions politiques en Russie" et "va à l'encontre des engagements auxquels la Russie a souscrit en matière de droits de l'Homme", a-t-il poursuivi, ajoutant que Paris demandait "la libération immédiate" de son ressortissant.
Relations tendues entre la France et la Russie
Cette affaire survient aussi à un moment où les relations entre Moscou et Paris sont très tendues: la Russie est accusée d'une série d'actes de déstabilisation et de désinformation sur le territoire français, tandis que la France se voit reprocher son soutien à l'Ukraine.
Ces dernières années, plusieurs Occidentaux, en particulier des Américains, ont été arrêtés en Russie et visés par de graves accusations, Washington dénonçant des prises d'otages pour obtenir la libération de Russes détenus à l'étranger.
Le 1er août, les Occidentaux et la Russie ont procédé au plus grand échange depuis la fin de la Guerre froide de prisonniers, parmi lesquels figuraient le journaliste américain Evan Gershkovich et l'ancien Marine Paul Whelan, libérés par Moscou.