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Le camp démocrate ébranlé par le "désastre" de Joe Biden face à Donald Trump

Le premier débat présidentiel de 2024 entre Joe Biden et Donald Trump, le 27 juin 2024. [Reuters - Marco Bello]
Les démocrates américains admettent publiquement le problème Biden / Tout un monde / 8 min. / vendredi à 08:12
La performance plus que chancelante du président américain Joe Biden dans le premier débat qui l'opposait à Donald Trump a ébranlé le camp démocrate, au point de soulever la question d'un éventuel changement de candidat, inédit à ce stade de la campagne, pour l'élection présidentielle de novembre aux Etats-Unis.

Les partisans de Joe Biden espéraient que le débat organisé jeudi en "prime time" sur CNN dissiperait les craintes autour de l'âge du président, 81 ans. Mais l'affrontement, qui a duré 90 minutes, semble avoir provoqué l'effet inverse.

Lors d'une confrontation parfois franchement hargneuse, le démocrate a bien essayé de pousser son adversaire dans ses retranchements et de vanter son bilan ainsi que sa vision de l'Amérique. Mais ses propos sont souvent tombés à plat, la faute à une élocution particulièrement embrouillée.

Joe Biden s'est exprimé avec la voix enrouée - la faute à un rhume, ont expliqué des responsables de la Maison Blanche -, a buté sur ses mots à plusieurs reprises au début du débat et a semblé parfois perdre le fil de ses réflexions.

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Les moments forts du premier débat présidentiel en Joe Biden et Donald Trump
Les moments forts du premier débat présidentiel en Joe Biden et Donald Trump / L'actu en vidéo / 1 min. / vendredi à 11:40

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"Décevant", "désastre", "mission suicide"...

Les réactions affligées et les appels à se retirer venant de démocrates anonymes se sont répandus à peine le débat terminé. La prestation de Joe Biden "était décevante, il n'y a pas d'autre façon de le dire", a reconnu l'ancienne directrice de la communication de la Maison Blanche Kate Bedingfield.

"Ce fut sans conteste un désastre", a estimé sans détour le politologue Larry Sabato pour l'AFP.

Envoyée pour tenter d'éteindre l'incendie, la vice-présidente Kamala Harris a concédé que Joe Biden avait été "lent au démarrage". Mais elle a insisté sur le fait que les électeurs devraient juger les deux candidats sur leurs résultats lors de leurs mandats et pas seulement sur le débat.

"Il y a beaucoup de gens qui ont regardé cela ce soir et qui se sentent terriblement mal pour Joe Biden", a pour sa part déclaré l'ancienne sénatrice démocrate Claire McCaskill sur MSNBC. "Je ne sais pas si l'on peut faire quelque chose pour arranger les choses."

"Il y aura des discussions sur la question de savoir s'il doit continuer", a ouvertement reconnu sur CNN l'un des principaux stratèges de l'ancien président Barack Obama, David Axelrod.

Il y aura des discussions sur la question de savoir s'il doit continuer

David Axelrod, ancien stratège de Barack Obama

Certains responsables du parti se sont référés à un message publié sur les réseaux sociaux par Ravi Gupta, ancien collaborateur de la campagne d'Obama. "Tous les démocrates que je connais m'envoient des textos pour me dire que c'est mauvais", a-t-il écrit sur X. "Dites-le publiquement et commencez le dur travail de créer un espace au sein de la convention pour un processus de sélection. Je voterai pour un cadavre plutôt que pour Trump, mais c'est une mission suicide."

Nous devons soutenir le président. On ne fait pas marche arrière à cause d'une seule performance

Gavin Newsom, gouverneur de Californie

Le gouverneur de Californie Gavin Newsom, futur candidat potentiel à l'élection présidentielle, qui a été le représentant le plus en vue de Joe Biden dans la salle de presse d'Atlanta en marge du débat, a toutefois exhorté les démocrates à ne pas céder à la panique.

Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, s'adresse aux journalistes après un débat présidentiel entre Joe Biden et Donald Trump, à Atlanta, le jeudi 27 juin 2024. [KEYSTONE - JOHN BAZEMORE]
Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, s'adresse aux journalistes après un débat présidentiel entre Joe Biden et Donald Trump, à Atlanta, le jeudi 27 juin 2024. [KEYSTONE - JOHN BAZEMORE]

"Je pense que c'est inutile. Et je pense que ce n'est pas nécessaire. Nous devons y aller, nous devons garder la tête haute", a déclaré Gavin Newsom lors d'une interview sur MSNBC. "Nous devons soutenir le président. On ne fait pas marche arrière à cause d'une seule performance. Quel genre de parti fait cela?"

Un scénario inédit et peu probable

Le scénario d'un retrait du candidat démocrate serait inédit à cinq mois seulement de l'élection présidentielle du 5 novembre et il reste extrêmement peu plausible. Sauf énorme surprise, Joe Biden devrait être investi par son parti pour la présidentielle de novembre durant la convention démocrate de Chicago mi-août.

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Selon les règles actuelles du Parti démocrate, il serait difficile, voire impossible, de remplacer Joe Biden en tant que candidat du parti, à moins que celui-ci annonce qu'il se retire de la course ou sans que les responsables du parti ne soient prêts à réécrire ses règles lors de la convention nationale d'août.

"Bien sûr qu'il n'abandonne pas"

Joe Biden a de son côté indiqué qu'il n'avait pas l'intention de se retier, déclarant à ses partisans à Atlanta, peu après avoir quitté la scène du débat: "Continuons!" Lauren Hitt, porte-parole de la campagne de Joe Biden, a été encore plus claire en déclarant: "Il est évident qu'il n'abandonne pas la course."

Les républicains, quant à eux, se sont réjouis de la piètre performance de Joe Biden. Mais le chef de la campagne de Donald Trump a rejeté les rumeurs selon lesquelles les démocrates essaieraient de nommer quelqu'un d'autre que Joe Biden.

"Il y a tellement d'experts politiques sur X que nous allons beaucoup les entendre, j'en suis sûr, dans les prochains jours, parce qu'ils ont tous mené tellement de campagnes", a déclaré Chris LaCivita, conseiller principal du candidat républicain, d'un ton sarcastique. "Mais cela n'arrivera que si Joe Biden se retire volontairement, ce qu'il ne fera pas".

Reste que la contre-performance de Joe Biden marque très probablement un tournant dans une campagne jusqu'ici extrêmement serrée: les deux candidats sont au coude-à-coude dans les Etats susceptibles de faire basculer l'élection.

Il est toutefois très difficile de dire si le débat fera radicalement bouger les lignes, dans un pays où la polarisation politique est extrême.

>> Ecouter la correspondante de la RTS aux Etats-Unis Aviva Fried revenir sur les doutes du camp démocrate vendredi dans le 19h30 de la RTS :

Aviva Fried, correspondante de la RTS aux États-Unis, fait le point sur les Démocrates quelques mois avant les élections présidentielles
Aviva Fried, correspondante de la RTS aux Etats-Unis, fait le point sur les Démocrates quelques mois avant les élections présidentielles / 19h30 / 1 min. / vendredi à 19:30

cab avec les agences

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Plusieurs candidats alternatifs possibles

Si Joe Biden décide d'abandonner sa campagne de réélection, Kamala Harris rejoindra probablement d'autres candidats démocrates de premier plan désireux de le remplacer.

Plusieurs autres noms peuvent être cités, comme le gouverneur de Californie Gavin Newsom, le gouverneur du Michigan Gretchen Whitmer ou le gouverneur de Pennsylvanie Josh Shapiro.

D'autres candidats que Joe Biden a battus lors des primaires présidentielles de 2020 pourraient également retenter leur chance, notamment les sénateurs Bernie Sanders du Vermont et Elizabeth Warren du Massachusetts, ainsi que le secrétaire d'État aux Transports Pete Buttigieg.

Dans ce cas, les candidats devraient convaincre les délégations de chaque État lors de la convention pour obtenir leur soutien. Cela ne s'est pas produit pour les démocrates depuis 1960, lorsque John F.Kennedy et Lyndon B. Johnson, qui n'avait pas participé aux primaires, se sont disputés les votes lors de la convention.

"Je ne débats plus aussi bien qu'avant, mais je peux faire le boulot"

Joe Biden s'est efforcé vendredi de faire taire la petite musique sur un possible retrait de sa candidature à la présidentielle. "Je ne parle pas aussi facilement qu'autrefois, je ne parle pas aussi aisément qu'autre fois, je ne débats pas aussi bien qu'autrefois", a reconnu le démocrate de 81 ans, en meeting à Raleigh, en Caroline du Nord.

"Mais je vous donne ma parole de Biden. Je ne me représenterais pas si je ne croyais pas, de tout mon coeur et de toute mon âme, que je peux faire ce boulot", a toutefois ajouté le président américain, en disant son "intention de gagner" cet Etat disputé du sud-est.

Joe Biden a reçu peu après le soutien appuyé de Barack Obama, qui reste une des voix les plus respectées du Parti démocrate. "Les mauvais débats, ça arrive", a balayé l'ancien président, assurant que cette élection "restait un choix" entre quelqu'un "qui s'est battu toute sa vie pour les simples gens" et Donald Trump, "qui ne se préoccupe que de lui-même."