Des rues presque désertes, des habitants qui passent d'un environnement climatisé à un autre. Voilà à quoi ressemble le quotidien à Phoenix, ville du sud-ouest américain construite en plein désert de l'Arizona. Des panneaux d'affichages publics recommandent à la population de ne pas sortir, d'éviter tout contact avec l'asphalte ou de pratiquer une activité physique entre 4 et 7 heures du matin.
On a l'habitude de travailler dehors (...). Pour le supporter, il faut boire beaucoup (...) et nous ne travaillons que de 6 à 14 heures
Record de chaleur
Cet été, la métropole a vécu 61 jours à plus de 43 degrés Celsius, battant de six jours le précédent record enregistré l'an passé. Et les nuits se réchauffent désormais plus vite que les journées.
"Quand la chaleur commence à me peser, ce que j'aime en Arizona, c'est que tu peux conduire 50 miles (80,5 km environ, ndlr), une heure, une heure et demie et être à la montagne". Comme Lennie, agent de police, beaucoup d'habitants fuient la ville durant l'été, ou pour le week-end, mais tous n'ont pas cette possibilité.
"On a l'habitude de travailler dehors", témoigne un paysagiste râteau à la main, le visage abrité sous un grand sombrero. "Pour le supporter, il faut boire beaucoup d'eau et des jus. Parfois, on met une serviette mouillée sur la tête. Et nous ne travaillons que de 6 à 14 heures."
On remplace l'asphalte noir qui amplifie la chaleur par d'autres matériaux plus neutres et gris
Un problème de santé publique
Les 1,7 million d'habitants de Phoenix, cinquième ville des Etats-Unis, sont habitués à un climat désertique et chaud. Mais ces dernières années, la chaleur est devenue un vrai enjeu de santé publique.
Le comté de Maricopa, où se situe Phoenix, a enregistré 645 décès liés à la chaleur en 2023, soit 50% de plus que l'année précédente, déjà année record.
En conséquence, les pouvoirs publics prennent des mesures d'urgence. Des centres de rafraîchissement ont été ouverts cet été pour la première fois 24 heures sur 24. Ces espaces climatisés, aménagés dans des bibliothèques ou d'autres bâtiments publics, sont fréquentés par de nombreuses personnes sans-abri, particulièrement vulnérables face à la canicule.
Repeindre les routes
Si Phoenix souffre autant de la chaleur, c'est notamment en raison de son impressionnant étalement urbain, qui crée des îlots de chaleur et un microclimat artificiel. Le désert n'est plus capable de se refroidir la nuit, lorsque les climatiseurs relâchent de l'air chaud, et les cactus géants ne parviennent plus à absorber le CO2.
Les autorités locales cherchent donc à rétablir un certain équilibre. "Une mesure locale porte sur le revêtement des routes. On remplace l'asphalte noir qui amplifie la chaleur par d'autres matériaux plus neutres et gris." Thom Reilly, professeur à l'Université d'Etat de l'Arizona et spécialiste des politiques publiques et environnementales, donne quelques exemples: "Beaucoup de municipalités font des efforts pour augmenter les points d'ombre et le nombre d'arbres, en particulier dans les zones à faible revenu. Mais ce sont essentiellement des stratégies à court terme que prennent les gouvernements locaux."
Phoenix est aussi l'une des rares villes du sud-ouest américain à disposer d'un tramway, une seule ligne construite en 2008, mais plusieurs fois étendue, à l'issue de votations populaires, et financée en partie par des fonds fédéraux.
Le sujet est définitivement passé au second plan par rapport à d'autres problèmes importants
Le climat, grand absent de la campagne
Les stratégies climatiques à plus long terme, comme la réduction ou l'abandon des énergies fossiles, relèvent en principe de l'administration fédérale, explique le professeur Thom Reilly. Toutefois, le thème du changement climatique est quasiment absent de la campagne présidentielle.
"Le sujet est définitivement passé au second plan par rapport à d'autres problèmes importants: l'économie, les droits reproductifs et l'immigration", détaille l'expert qui voit d'ailleurs l'Arizona comme un exemple parfait de cette focalisation. Cet Etat-clé de l'élection souffre en effet d'une grave crise du logement. Ses électrices et ses électeurs voteront en novembre également pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Enfin, l'Arizona se situe à la frontière avec le Mexique, dont les flux migratoires agitent la course à la Maison Blanche.
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Une campagne éclair
Le caractère exceptionnel de cette campagne présidentielle explique aussi l'absence des politiques environnementales dans le débat. "L'entrée [de Kamala Harris] dans la course à la Maison Blanche s'est faite très rapidement. Il y a donc une multitude de questions politiques que sa campagne et ses équipes n'ont probablement pas encore articulées uniquement parce qu'elle fait campagne depuis peu de temps", analyse Thom Reilly.
Donald Trump ne formule pas davantage de plan pour lutter contre les effets du changement climatique. Lorsqu'on lui pose la question, le candidat républicain ne répond tout simplement pas, comme lors du premier débat télévisé présidentiel, mi-septembre. Le changement climatique était d'ailleurs la queue de comète de ce face-à-face, abordé par les journalistes de la chaîne ABC à la toute dernière minute.
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Julie Rausis