En fin de matinée, Emmanuel Macron a aussitôt proposé un nouveau candidat français, le ministre démissionnaire des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, l'un de ses proches. La France vise un portefeuille "centré sur les enjeux de souveraineté industrielle, technologique et de compétitivité européenne", selon l'Elysée.
Le départ fracassant de Thierry Breton, 69 ans, a plongé le microcosme bruxellois dans la stupeur alors que les noms et les portefeuilles des nouveaux commissaires étaient potentiellement attendus mardi.
Avec effet immédiat
L'ancien ministre a annoncé sa démission "avec effet immédiat" dans une lettre à Ursula von der Leyen publiée sur le réseau social X. Il affirme que la cheffe de l'exécutif européen, en train de former son équipe pour un nouveau mandat de cinq ans, a réclamé à l'Elysée son retrait.
"Il y a quelques jours, dans la toute dernière ligne droite des négociations sur la composition du futur Collège, vous avez demandé à la France de retirer mon nom – pour des raisons personnelles qu'en aucun cas vous n'avez discutées directement avec moi – et proposé, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France au sein du futur Collège" des commissaires, écrit-il.
Etre commissaire européen, "fut un honneur", souligne l'ancien ministre français. Mais "à la lumière des derniers développements – qui témoignent une fois de plus d'une gouvernance douteuse – je dois conclure que je ne peux plus exercer mes fonctions au sein du Collège", conclut-il. Ursula von der Leyen a accepté sa démission, le remerciant pour le travail effectué depuis cinq ans.
Relations tendues
Les relations entre la dirigeante allemande et Thierry Breton étaient notoirement tendues depuis que ce dernier avait pris la tête au printemps d'une fronde au sein de l'exécutif européen pour contester le style de direction de la présidente, jugé autoritaire.
Le Français avait publiquement mis en cause l'éthique d'Ursula von der Leyen après la nomination, fin janvier, d'un émissaire chargé des petites et moyennes entreprises, un poste hautement rémunéré au sein de la Commission.
Le poste avait été attribué à l'eurodéputé allemand de droite Markus Pieper, quelques semaines avant un congrès à Bucarest début mars lors duquel le PPE avait apporté son soutien à un second mandat d'Ursula von der Leyen. La polémique avait abouti à un vote de défiance du Parlement européen contre la dirigeante allemande, en pleine campagne pour les élections européennes de juin, et au retrait de Markus Pieper.
Exercice d'équilibrisme
Finalement réélue à la tête de la Commission en juillet, Ursula von der Leyen devait présenter mardi aux chefs de groupe du Parlement européen les noms et les portefeuilles des nouveaux commissaires, en marge d'une plénière à Strasbourg.
La composition de la Commission l'exécutif européen relève de l'exercice d'équilibriste, révélateur du poids des Etats membres, des forces politiques et des orientations de l'UE.
ats/ami
Quel impact aura le départ du commissaire européen au numérique Thierry Breton?
Depuis cinq ans, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, s'était imposé comme le gendarme du web face aux géants américains. Il était connu pour sa fermeté envers des entreprises comme Apple, Meta - la maison mère de Facebook, Whatsapp et Instagram - ou encore la plateforme X.
Thierry Breton n'hésitait pas à tenir tête à Elon Musk, notamment lors du rachat de Twitter par ce dernier. Le commissaire était très impliqué dans l'application de nouvelles lois européennes sur le numérique. Il rappelait souvent à l'ordre les réseaux sociaux sur des questions de désinformation et de modération de contenu.
Son approche musclée a marqué son mandat, même si elle a parfois été critiquée.
Aujourd'hui, la question qui se pose est de savoir si son successeur maintiendra la même pression sur les géants du web. Plusieurs enquêtes sont en cours contre ces entreprises, qui risquent de grosses amendes.
Ce changement pourrait affaiblir, au moins temporairement, la position de l'Europe face aux géants du numérique. Une situation que la Suisse suivra de près, elle qui s'inspire souvent des régulations européennes dans ce domaine.