Le Commonwealth pousse Charles III et le Royaume-Uni à s'excuser pour le passé colonial
Le monarque s'est rendu au sommet des dirigeants des 56 Etats membres du Commonwealth, aux îles Samoa dans le Pacifique Sud, avec l'objectif d'inscrire cette organisation héritée de l'empire britannique dans la modernité.
Les discussions annoncées sur la lutte contre le dérèglement climatique ont été éclipsées par le poids de l'histoire pour ce premier sommet du Commonwealth auquel Charles III participe en tant que souverain. De nombreuses nations d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique souhaitent en effet que le Royaume-Uni et d'autres puissances européennes versent une compensation financière pour l'esclavage ou qu'elles fassent au moins amende honorable sur le plan politique.
Les 56 membres du Commonwealth, qui réunit principalement le Royaume-Uni et d'ex-colonies, ont convenu samedi que "le temps est venu" de discuter de l'héritage de l'"odieux" commerce triangulaire, qui ouvre la voie à des réparations de l'esclavage.
A l'issue d'un sommet houleux qui s'est achevé samedi aux Samoa, les pays du Commonwealth ont pris acte des appels à une "justice réparatrice" pour l'"odieuse" traite transatlantique et ont convenu que "le temps est venu pour la tenue d'une conversation utile, sincère et respectueuse" sur le sujet, selon un communiqué que l'AFP a pu consulter.
Il est temps que le Commonwealth demande "justice" pour la période brutale de l'esclavage subie par de nombreux pays du groupe, avait affirmé vendredi le Premier ministre des Bahamas Philip Davis.
"Rendez-nous nos terres"
Lundi, en visite en Australie, le roi Charles III a été interpellé par une sénatrice aborigène sur l'héritage colonial britannique dans le pays. Lidia Thorpe lui a crié: "Rendez-nous nos terres, rendez-nous ce que vous nous avez volé!"
En visite au Kenya il y a un an, le roi avait condamné les "inexcusables" abus coloniaux britanniques, sans toutefois demander pardon. L'Eglise d'Angleterre a quant à elle présenté ses excuses pour ses liens passés avec l'esclavage en 2020, qualifiant de "honte" le fait que certains de ses membres aient "activement profité" de l'esclavage.
"Rejeter le langage de la division"
Le Commonwealth, dont le chef au rôle symbolique est le roi Charles III, était composé à l'origine d'ex-colonies britanniques, mais s'est ensuite élargi avec des pays comme le Togo et le Gabon - deux anciennes colonies françaises.
Certains pays espèrent que le sommet s'engagera à ouvrir une discussion sur le sujet, un débat que le Royaume-Uni s'est efforcé jusqu'à présent d'éviter.
En quatre siècles, environ 10 à 15 millions d'esclaves ont été amenés de force dans les Amériques depuis l'Afrique, selon les historiens, même si le bilan humain exact reste inconnu.
La famille royale britannique, qui a bénéficié de la traite des esclaves pendant des siècles, a été invitée à présenter des excuses. Mais le monarque s'est abstenu de le faire vendredi, demandant aux participants au sommet de "rejeter le langage de la division".
"Je comprends, en écoutant les gens à travers le Commonwealth, que les aspects les plus douloureux de notre passé continuent de résonner", a-t-il déclaré. "Aucun d'entre nous ne peut changer le passé. Mais nous pouvons nous engager, de tout notre coeur, à en tirer les leçons et à trouver des moyens créatifs de corriger les inégalités qui perdurent."
Aucune excuse du Premier ministre
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a jusqu'ici rejeté publiquement les demandes de réparations et ses collaborateurs ont exclu la possibilité de présenter des excuses lors du sommet.
"La traite des esclaves et les pratiques esclavagistes étaient odieuses et il est très important que nous prenions cela en compte comme point de départ", a déclaré Keir Starmer à la BBC. "La question qui se pose alors est la suivante: 'Où allons-nous à partir de là?' Ma position, si vous voulez, est que nous devrions regarder vers l'avant, que nous devrions examiner les défis d'aujourd'hui."
Un projet de communiqué du sommet, appelant à un débat sur le colonialisme, fait l'objet d'âpres négociations.
Le souverain britannique achève samedi une tournée de 11 jours en Australie et aux Samoa, deux Etats indépendants du Commonwealth. Il s'agit de son premier grand voyage à l'étranger depuis l'annonce de son cancer au début de l'année.
vajo avec agences