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Le conflit israélo-palestinien s'invite sur les terrains de football

Les appels au boycott de l’équipe de football israélienne se multiplient: interview de Kévin Veyssière (vidéo). [RTS]
Les appels au boycott de l’équipe de football israélienne se multiplient: interview de Kévin Veyssière (vidéo) / Forum / 7 min. / le 14 octobre 2024
Appels au boycott, demande d'exclusion des grandes compétitions internationales, matchs délocalisés en Hongrie: l'équipe d'Israël de football vit une période mouvementée. Elle jouera lundi soir en Italie et le 14 novembre prochain en France, deux pays dans lesquels ces matches suscitent un vif débat.

"La guerre déborde sur le terrain sportif parce que la sélection israélienne est depuis sa création très liée au conflit israélo-palestinien. De ce fait, Israël a été exclu de la Confédération asiatique de football en 1974 à la suite de la guerre du Kippour et a rejoint l'UEFA en 1994. Les confrontations entre Israël et d'autres pays ont toujours été sujettes à des débats géopolitiques du fait de la situation entre Israël et la Palestine. Et comme il y a une recrudescence du conflit, la question se repose", a expliqué l'analyste en géopolitique du sport Kévin Veyssière lundi soir dans l'émission Forum de la RTS.

Le sport est aujourd'hui une vitrine d'un pays. La sélection israélienne ou les athlètes sont vus comme des 'ambassadeurs' de la nation

Kévin Veyssière, analyste en géopolitique du sport

Selon Kévin Veyssière, la question va au-delà du terrain de jeu: "Le sport est aujourd'hui une vitrine d'un pays. La sélection israélienne ou les athlètes lors des Jeux olympiques, par exemple, sont vus comme des 'ambassadeurs' de la nation. Cela peut faire un corolaire avec le gouvernement, même si les sportifs ne sont pas responsables des actes de leur gouvernement. Mais accepter d'affronter cette sélection peut être perçu comme cautionner les actes d'Israël."

Cependant, il nuance: "On ne peut pas dire qu'Israël instrumentalise son équipe nationale, car il n'y a pas de déclaration de Benjamin Netanyahu associée à cette équipe. Mais le fait de voir des symboles nationaux dans le contexte d'un conflit peut entraîner pas mal de questions, notamment sur la sécurité des matchs."

Le football, un sport mondialisé

Le football, sport mondial par excellence, est un terrain d'expression politique, selon Kévin Veyssière. "Le football est le sport le plus mondialisé. Il y a plus de membres de la FIFA, 206, que d'Etats membres de l'ONU, 193. Le ballon rond parle à toutes les nations. Une victoire lors d'une Coupe du monde peut être un événement qui dépasse le plan sportif."

Les matchs d'Israël ne sont pas à l'abri des menaces: "Il peut y avoir un risque terroriste. On peut voir un corollaire de la guerre dans un stade. Désormais, la plupart des matches d'Israël à domicile sont délocalisés en Hongrie. Le dernier match à l'extérieur, Belgique-Israël, n'a pas été accueilli par Bruxelles en raison d'un risque sécuritaire trop grand."

Viktor Orbán peut valoriser l'image de la Hongrie sur la scène internationale et renforcer son discours sur la grandeur nationale

Kévin Veyssière, analyste en géopolitique du sport

La Hongrie, dirigée par Viktor Orbán, est devenue une solution pour l'UEFA: "Lors de l'Euro 2021, alors que la pandémie reprenait de l'ampleur, l'UEFA a choisi la Hongrie comme solution, car Viktor Orban y imposait des restrictions moins strictes, notamment concernant la capacité des stades. Ce choix s'est ensuite prolongé pour gérer d'autres enjeux, notamment géopolitiques. Par exemple, la Biélorussie, toujours membre de l'UEFA, ne peut plus jouer ses matchs à Minsk depuis que la Russie a envahi l'Ukraine avec l'appui du régime biélorusse."

Pour Kévin Veyssière, accueillir les équipes israélienne et biélorusse permet à Viktor Orbán "de valoriser l'image de la Hongrie sur la scène internationale et de renforcer son discours sur la grandeur nationale".

Pas d'exclusion en vue

Enfin, la question de l'exclusion d'Israël des compétitions internationales est également posée, notamment en comparaison avec la situation de la Russie: certains appellent à l'exclusion d'Israël des grandes compétitions internationales. Pour l'instant, la FIFA temporise.

"Elle n'a pas vocation à prendre de position politique, sauf en cas d'atteinte directe à la fédération palestinienne. Les griefs évoqués, comme l'impossibilité pour certains clubs palestiniens de s'entraîner en Cisjordanie, sont pertinents, mais la fédération palestinienne devrait être soutenue par d'autres fédérations influentes, mais on constate un lien direct avec la politique. Le conflit persiste en partie parce qu'il n'y a pas de partenaires politiques majeurs appelant à sa résolution."

Propos recueillis par Valentin Emery et Mehmet Gultas

Adaptation web: Valentin Jordil

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