Le journaliste du Wall Street Journal Evan Gershkovich condamné à 16 ans de prison en Russie
Le reporter du Wall Street Journal, âgé de 32 ans, devra purger sa peine dans une colonie pénitentiaire à "régime sévère", ce qui signifie des conditions de détention très strictes, comparées au "régime normal".
Evan Gershkovich a plaidé non coupable et exercé son droit à une "dernière prise de parole" avant le verdict, avait annoncé plus tôt à la presse une porte-parole du tribunal, Ekaterina Maslennikova. Le parquet avait requis 18 ans de prison.
S'il fait appel et que sa condamnation est confirmée, il devrait ensuite rejoindre sa colonie pénitentiaire dans la foulée, lors d'un transfert qui peut mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Accusations rejetées
Le procès de Evan Gershkovich, après 16 mois de détention, aura été expéditif: une audience le 26 juin, une autre jeudi et enfin celle de ce vendredi. Toute la procédure a été placée sous le sceau du secret et rien n'a filtré du huis clos imposé par les autorités.
Reporter reconnu pour son professionnalisme, Evan Gershkovich avait été arrêté fin mars 2023, alors qu'il était en reportage à Ekaterinbourg, dans l'Oural. Il est accusé par les autorités russes "d'espionnage" pour avoir collecté des informations sensibles pour la CIA sur l'un des principaux fabricants russes d'armements, l'entreprise Ouralvagonzavod.
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Lui, ses proches, son employeur et son pays rejettent ces accusations que la Russie n'a jamais étayées, et dénoncent une affaire fictive et une prise d'otage. Le Kremlin a encore refusé de se prononcer vendredi matin, arguant du caractère "sensible" de ce type de dossiers.
Pour Washington, son arrestation a visé avant tout à monnayer un possible échange de prisonniers, Moscou n'échangeant des détenus que s'ils sont condamnés.
Vague de solidarité
Evan Gershkovich est le premier journaliste occidental, depuis l'époque soviétique, à être accusé d'espionnage en Russie. Son emprisonnement a suscité une importante vague de solidarité au sein de médias américains et européens.
Fin juin, la Maison Blanche a dénoncé un "simulacre" de procès, répétant qu'Evan Gershkovich n'avait "jamais travaillé pour le gouvernement" américain. Début juillet, un panel d'experts de l'ONU a estimé que sa détention était "arbitraire" et qu'il devait être libéré "sans délai".
Vendredi, le Wall Street Journal a dénoncé un verdict "scandaleux" à l'encontre de son reporter. Cette condamnation "survient alors qu'Evan a passé 478 jours en prison, détenu à tort, loin de sa famille et de ses amis (...) tout cela pour avoir fait son travail de journaliste", ont déclaré des responsables du journal vendredi, s'engageant à continuer à se battre pour obtenir sa libération.
"La condamnation (...) résulte d'un procès qui ne peut en aucun cas être considéré comme équitable ou libre. Ce verdict doit être immédiatement annulé", a revendiqué Rebecca Vincent, directrice des campagnes de l'ONG Reporters sans frontières. (RSF), parlant d'un "autre exemple flagrant de prise d'otage inacceptable de la part de la Russie".
afp/edel/juma
L'international conteste cette condamnation
L'Union européenne dénonce "avec force" la condamnation à 16 ans de prison d'Evan Gershkovich. Bruxelles réclame sa libération, a annoncé le chef de sa diplomatie Josep Borrell.
"La Russie utilise un système judiciaire politisé pour punir le journalisme", a-t-il réagi dans un message sur X. "L'UE réclame la libération d'Evan et de tous les autres prisonniers politiques", a-t-il ajouté.
Cette condamnation résulte d'un "simulacre de procès", a estimé de son côté la présidente du Parlement européen Roberta Metsola. "Cette peine de 16 ans de prison (...) est l'antithèse de la justice", a-t-elle ajouté dans un message sur X. "Le journalisme n'est pas un crime. Evan doit être immédiatement libéré", a-t-elle conclu.
L'ONU inquiète
Cette condamnation "soulève de grandes inquiétudes" concernant la liberté d'expression, a déclaré un porte-parole du secrétaire général de l'ONU.
Le bureau des droits de l'homme de l'ONU estime que sa condamnation "soulève de grandes inquiétudes concernant son droit à la liberté d'expression en tant que journaliste. Les journalistes devraient pouvoir exercer leur profession essentielle dans un environnement sûr, sans crainte de représailles", a indiqué Farhan Haq à la presse, ajoutant que l'ONU appelle à libération de "tous les journalistes détenus en Russie simplement pour avoir fait leur travail".
Berlin dénonce une condamnation "politique"
La condamnation du journaliste Evan Gershkovich en Russie est "politique et fait partie de la propagande de guerre de Poutine", a dénoncé Annalena Baerbock, la cheffe de la diplomatie allemande sur X vendredi.
Le verdict, qui condamne le reporter américain à 16 ans de prison pour espionnage, "révèle la peur de Poutine" de la vérité, a ajouté la ministre des Affaires étrangères.
Londres la juge "méprisable"
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a jugé "méprisable" cette condamnation et réclame sa libération immédiate.
"La condamnation du journaliste du Wall Street Journal Evan Gershkovich est méprisable et ne fait que souligner le mépris total de la Russie pour la liberté des médias. Le journalisme ne devrait pas être un crime. Gershkovich doit être immédiatement libéré", a-t-il écrit sur X.
Les Etats-Unis travaillent "d'arrache-pied" à sa libération
Les Etats-Unis travaillent "d'arrache-pied" pour que le reporter du Wall Street Journal soit libéré, a affirmé le président Joe Biden.
Evan Gershkovich "a été pris pour cible par les autorités russes parce qu'il est journaliste et Américain", a-t-il dénoncé dans un communiqué.
L'opposante Navalnaïa dénonce une condamnation "injuste"
L'opposante russe Loulia Navalnaïa a dénoncé une condamnation "injuste", Moscou n'ayant jamais étayé cette accusation.
"Nous devons nous battre pour chaque personne purgeant une peine injuste dans la prison de (Vladimir) Poutine et exiger leur libération immédiate", a écrit Loulia Navalnaïa, la veuve d'Alexeï Navalny, ancien détracteur numéro un du président russe qui est mort en prison en février dans des circonstances toujours troubles.
"Une prise d'otage", selon la RSF
Cette condamnation est "un autre exemple flagrant de prise d'otage inacceptable de la part de la Russie", a dénoncé de son côté l'ONG Reporters sans frontières.
"La condamnation (...) résulte d'un procès qui ne peut en aucun cas être considéré comme équitable ou libre. Ce verdict doit être immédiatement annulé", a ajouté Rebecca Vincent, directrice des campagnes de RSF, dans un communiqué.