Le mouvement pro-palestinien s'étend sur les campus américains, des négociations sont en cours
"Nous avons nos demandes, ils ont les leurs", a expliqué le bureau de la présidente de l'université new-yorkaise, Minouche Shafik, dans un communiqué publié jeudi soir. Elle a par ailleurs démenti qu'une intervention de la police ait été réclamée pour démanteler un village de tentes où quelque 200 étudiants se sont rassemblés pour réclamer la fin des massacres à Gaza.
"Ils nous traitent de terroristes, ils nous traitent de violents. Mais le seul outil dont nous disposons ce sont nos voix", a déclaré une des étudiantes engagée dans le mouvement.
Des dizaines d'arrestations ont été effectuées la semaine dernière, après que les responsables de l'université ont fait appel à la police pour mettre fin à une occupation accusée par certains d'"attiser l'antisémitisme". Les manifestations pro-palestiniennes se sont ensuite poursuivies.
Généralisation du mouvement étudiant
Parti de Columbia, où il était initialement dirigé spécifiquement contre les investissements de l'université dans des entreprises participant à l'effort de guerre israélien, le mouvement étudiant pro-palestinien s'est généralisé sur les campus américains. La tension s'accentue également avec les forces de l'ordre.
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Mais malgré la répression, le mouvement grandit. Certaines des universités les plus prestigieuses au monde sont concernées, telles Harvard, Yale ou encore Princeton. Les scènes à travers le pays se suivent et se ressemblent: des élèves installent des tentes sur leurs campus pour dénoncer le soutien militaire des Etats-Unis à Israël, responsable de la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza.
Puis ils sont délogés, souvent de façon musclée, par des policiers en tenue anti-émeute, à la demande de la direction des universités. Plus de 200 manifestants ont ainsi été interpellés mercredi et jeudi dans des universités de Los Angeles, de Boston et d'Austin, au Texas. La plupart ont été rapidement relâchés.
Le spectre du Vietnam
Mercredi, le speaker républicain du Congrès Mike Johnson s'est rendu à l'Université Columbia, où il a menacé de réclamer à Joe Biden de mobiliser la Garde nationale sur les campus, en proie selon lui à un "virus de l'antisémitisme" (voir encadré). Il a également réclamé la démission de la présidente de l'université.
Un avertissement qui résonne douloureusement aux Etats-Unis: le 4 mai 1970, la Garde nationale de l'Ohio avait ouvert le feu à l'université Kent State sur des manifestants anti-guerre du Vietnam. Quatre étudiants avaient été tués.
La Maison Blanche assure de son côté que Joe Biden "soutient la liberté d'expression, le débat et la non discrimination" dans les universités.
jop avec agences
Clivage au sein de la communauté juive
Jeudi à Austin, une trentaine d'étudiants et d'étudiantes ont organisé une contre-manifestation. Une étudiante en journalisme de 19 ans a estimé que les manifestations de soutien à Gaza étaient "dangereuses pour les étudiants juifs" qui "ne se sentent pas en sécurité à cause de la violence" sur le campus.
Pourtant, l'Université de Columbia, d'où est parti le mouvement pro-palestinien, compte une forte communauté d’étudiants juifs (5000 sur 36'000), dont beaucoup soutiennent le mouvement contre la guerre à Gaza.
Malgré tout, le rabbin de l'université a envoyé en début de semaine un message aux étudiants juifs leur demandant de rester à l'écart du campus, selon CNN.
Soutien d'organisations juives anti-sionistes
La mobilisation est également soutenue par le groupe Jewish Voices for Peace (JVP), qui dénonce un "climat de répression contre des étudiants pacifiques". Il dénonce également des attaques physiques contre des étudiants ou des étudiantes sur le campus, mais aussi du harcèlement et des discours haineux de la part du personnel de l'université.
Dans une déclaration liée à l'occupation du campus de Columbia, le groupe admet - et condamne - l'existence de commentaires violents et haineux à l'égard d'étudiants juifs. "Cependant, en mettant fin aux manifestations et en suspendant les étudiants, les actions de l'Université de Columbia ne garantissent pas la sécurité des étudiants juifs – ni de n'importe quel étudiant – sur le campus", fustigent-ils.
En novembre dernier, l'Université de Columbia avait suspendu JVP ainsi qu'un autre groupe pro-palestinien, les accusant de violer le règlement de l'université et d'exprimer une "rhétorique menaçante".
Protestations et polémiques également en France
En France aussi, la question palestinienne fait des émules sur les campus. Après des premiers heurts devant Science Po Paris, mais aussi l'interdiction de conférences de la militante de gauche Rima Hassan et de l'opposant Jean-Luc Mélenchon à l'université de Lille, quelques dizaines d'étudiantes et d'étudiants mobilisés en faveur des Palestiniens ont décidé d'occuper à nouveau un bâtiment de Sciences Po Paris jeudi soir.
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La veille, de jeunes activistes avaient déjà investi le site de la rue Saint-Guillaume avant d'être expulsés par les forces de l'ordre. "Même si Sciences Po ne veut pas, nous on est là", chantaient les étudiants rassemblés dans le calme devant le siège de la prestigieuse école, après la fermeture des grilles, encourageant et apportant des oreillers et denrées à leurs camarades restés à l'intérieur des locaux.
De 50 à 70 étudiants pouvaient encore être présents dans ce bâtiment vendredi matin, selon le comité Palestine Sciences Po joint par l'AFP. Le comité réclame notamment "la condamnation claire des agissements d'Israël par Sciences Po" et "la fin des collaborations" avec toutes "les institutions ou entités" complices "de l'oppression systémique du peuple palestinien".