La Nouvelle-Calédonie contient entre 20% et 30% des réserves mondiales de nickel et produit 8% du nickel transformé du globe. Ce minerai, polluant à extraire, mais très utilisé dans la confection des batteries pour les voitures électriques, est prisé par les pays qui visent une transition énergétique.
Le nickel est central à l'économie de l'archipel. Le secteur représente 90% de ses exportations et un quart de ses emplois directs et indirects. La baisse du cours mondial du nickel l'année dernière a ainsi frappé de plein fouet la Nouvelle-Calédonie. Le minerai a perdu la moitié de sa valeur entre janvier 2013 et février 2024, passant de 30'000 à 15'000 dollars la tonne.
Glencore jette l'éponge
Cette dégringolade s'explique par la surproduction de l'Indonésie, qui fait baisser les prix en inondant le marché mondial de nickel. Thibault Michel, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), explique dans Le Monde qu'il s'agit d'une stratégie délibérée de Djakarta pour faire couler la concurrence afin d'obtenir le monopole sur la production de ce minerai.
Les premiers effets concrets se font déjà sentir. En février, Glencore annonçait vouloir se désinvestir de la mine de Koniambo, l'une des trois principales de Nouvelle-Calédonie. Le géant suisse du négoce expliquait n'avoir tiré aucun bénéfice depuis 2023, malgré les quatre milliards de dollars investis. Faute de repreneur, l'usine a décidé sa mise en sommeil le 1er mars.
Crise économique et sociale
Cette annonce n'est qu'une illustration de la crise économique et sociale qui secouait déjà la Nouvelle-Calédonie avant les révoltes actuelles. L'embrasement s'est fait suite à l'annonce d'une réforme constitutionnelle affaiblissant le poids démographique des autochtones dans les élections locales. Mais cela n'était finalement que l'étincelle qui a mis le feu aux poudres.
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"On craignait depuis plusieurs semaines un basculement de la situation. Parce qu'à la crise politique qui est ouverte depuis le troisième référendum d'autodétermination de 2021 s'ajoute ces dernières semaines une crise économique très forte avec la crise de la filière nickel", analysait dans Forum Sarah Mohamed Gaillard, historienne spécialiste des enjeux politiques et institutionnels en Nouvelle-Calédonie et en Océanie.
La crise du secteur du nickel risque de mettre à mal le système de protection sociale néo-calédonien, qui souffre déjà d'un déficit structurel d'environ 85 millions d'euros par an, rapporte Le Monde. Un budget de 8,4 millions d'euros a été débloqué pour financer le chômage partiel du millier d'ouvriers de la mine de Koniambo. L'Etat français est alors appelé à la rescousse pour assurer le financement de la filière.
Une ressource chère aux indépendantistes
Le nickel est un minerai qui occupe une place importante pour les indépendantistes. Les accords de Nouméa de 1998, destinés à accroître l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie, ont transféré la compétence de l'exploitation du nickel de Paris au gouvernement local. Forts de cette nouvelle mainmise, les indépendantistes ont entrepris une "doctrine nickel", qui prévoit l'arrêt des exportations du minerai brut afin de le transformer directement en Nouvelle-Calédonie, lui apportant une plus grande valeur ajoutée.
Cette reprise en main locale du secteur se heurte toutefois aux écueils des marchés mondiaux. A la concurrence féroce imposée par l'Indonésie vient s'ajouter l'explosion des prix de l'énergie. L'industrie du nickel étant particulièrement énergivore, sa production devient de moins en moins rentable.
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Dans ce contexte, Emmanuel Macron est prêt à apporter une aide financière importante, à condition que la filière accepte de réformer sa "doctrine nickel" afin d’être plus compétitive. Cela signifie la disparition de la manne financière et des emplois qualifiés liés à la transformation du minerai.
Appelé "pacte nickel", cet engagement de Paris en contrepartie de ces réformes est qualifié de "pacte colonial" par les indépendantistes. Il a été négocié quelques semaines seulement avant le début des émeutes.
Antoine Schaub