Le Parlement européen impose un "devoir de vigilance" aux entreprises, y compris suisses
Les eurodéputés ont approuvé ce texte par 374 voix contre 235, exactement onze ans après l'effondrement de l'usine textile Rana Plaza au Bangladesh. Ce drame avait mis en lumière l'absence de contrôle sur les conditions de travail dans les pays tiers.
>> Relire : L'effondrement du Rana Plaza, symbole des dérives de l'industrie textile, a eu lieu il y a 10 ans
Les entreprises concernées par cette loi seront tenues de prévenir, d'identifier et de remédier aux violations de droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité...) et dommages environnementaux (déforestation, pollution...) dans leurs chaînes de valeur partout dans le monde, y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales.
L'objectif est entre autres que les entreprises puissent à l'avenir être tenues responsables devant les tribunaux européens aussi concernant leurs chaînes d'approvisionnement.
Projet revu à la baisse
Le Parlement européen et les Etats avaient conclu en décembre un accord politique sur ce texte inédit. Après avoir échoué à deux reprises à trouver la majorité requise, les Vingt-Sept l'ont finalement entériné formellement à la mi-mars - au prix d'un champ d'application nettement limité.
Finalement, le texte final ne cible plus que les entreprises à partir de 1000 employés avec un chiffre d'affaires d'au moins 450 millions d'euros, à la différence de l'accord de décembre Avec ces seuils modifiés, seulement 5400 entreprises seraient concernées, contre 16'000 dans l'accord initial de décembre, d'après l'ONG Global Witness.
Plan de transition climatique
Le texte contraint ces grandes entreprises à élaborer un plan de transition climatique. Mais l'obligation initialement prévue de lier la rémunération variable des dirigeants au respect d'objectifs en matière d'émissions carbone a été supprimée. Et les établissements financiers ne sont pas concernés.
Si elles ne respectent pas leur devoir de vigilance, les entreprises seront tenues responsables et devront indemniser intégralement leurs victimes.
Les victimes pourront attaquer les entreprises en justice pour obtenir des dommages et intérêts, et des amendes dissuasives sont prévues, jusqu'à 5% du chiffre d'affaires mondial.
La Suisse sommée de "s'aligner sur l'UE"
La Coalition suisse pour des multinationales responsables a salué la loi européenne. Problème, les autorités de surveillance étrangères ne pourront pas sanctionner les entreprises suisses pour non-respect de la directive.
"Même sur le plan du droit civil, les entreprises sont responsables là où elles ont leur siège", explique l'ancien conseiller national Dominique de Buman (Centre/FR), membre du comité de la coalition.
Afin que les sociétés suisses soient également tenues de répondre des violations commises dans leur chaîne d'approvisionnement à l'étranger, la Coalition pour des multinationales responsables a annoncé en novembre dernier une possible initiative pour des règles s'alignant sur celles de l'UE. Elle veut faire pression sur le Conseil fédéral et s'assurer que le sujet ne soit pas repoussé aux calendes grecques.
Au niveau européen, les Etats membres de l'UE doivent encore approuver officiellement le projet, mais cela est considéré comme une formalité.
ats/juma