Le pouvoir syrien a perdu le contrôle de la ville d'Alep après un assaut rebelle

La situation est confuse en Syrie au lendemain de la prise d'Alep, deuxième ville du pays, tombée aux mains des djihadistes
La situation est confuse en Syrie au lendemain de la prise d'Alep, deuxième ville du pays, tombée aux mains des djihadistes / 19h30 / 15 sec. / le 1 décembre 2024
A la faveur d'une offensive fulgurante, les rebelles en Syrie ont infligé un coup dur au régime de Bachar al-Assad qui a totalement perdu dimanche le contrôle d'Alep, la deuxième ville du pays, pour la première fois depuis le début de la guerre en 2011.

Les rebelles, coalition hétéroclite de groupes armés laïques soutenus par la Turquie mais dominée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham, lié à l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, sont entrés vendredi à Alep avant d'en prendre la majeure partie samedi "sans rencontrer de résistance significative", selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Après la chute de la ville, des avions russes ont mené dimanche des frappes contre le secteur de l'hôpital universitaire d'Alep qui ont fait 12 morts et contre la ville d'Idleb où huit personnes ont péri, toujours selon l'OSDH.

Des combattants de l'opposition syrienne passent devant un véhicule blindé abandonné de l'armée syrienne sur une autoroute à la périphérie de Khan Sheikhoun, au sud-ouest d'Alep, le 1er décembre 2024. [KEYSTONE - AP Photo/GHAITH ALSAYED]
Des combattants de l'opposition syrienne passent devant un véhicule blindé abandonné de l'armée syrienne sur une autoroute à la périphérie de Khan Sheikhoun, au sud-ouest d'Alep, le 1er décembre 2024. [KEYSTONE - AP Photo/GHAITH ALSAYED]

La coalition de rebelles a lancé mercredi l'assaut contre les forces gouvernementales, prenant des dizaines de localités "sans aucune résistance" dans les provinces d'Idleb, d'Alep et de Hama, plus au sud, et s'emparant de la majeure partie de la ville d'Alep, précise l'Observatoire, qui s'appuie sur un vaste réseau de sources en Syrie. 

Alep "hors de contrôle du régime"

Le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et les factions rebelles alliées "contrôlent la ville d'Alep, à l'exception des quartiers aux mains des forces kurdes. Pour la première fois depuis le début du conflit en 2011, Alep est hors de contrôle du régime", a dit Rami Abdel Rahmane, le chef de l'OSDH.

Plusieurs districts du nord d'Alep sont peuplés en majorité de Kurdes syriens placés sous l'autorité des forces kurdes qui ont instauré une administration autonome dans de vastes régions du nord-est syrien.

Selon l'Observatoire, au moins 412 personnes (214 rebelles, 137 membres des forces progouvernementales et 61 civils) ont été tuées depuis le début de l'offensive, qui a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hezbollah libanais, un allié de Bachar-al Assad et de l'Iran.

>> Ecouter le sujet de Forum :

En Syrie, les rebelles contrôlent désormais la ville d’Alep
En Syrie, les rebelles contrôlent désormais la ville d’Alep / Forum / 4 min. / le 1 décembre 2024

Violences sans précédent depuis 2020

Ces violences sont les premières de cette ampleur depuis 2020 en Syrie, où la guerre impliquant des belligérants soutenus par différentes puissances régionales et internationales, a laissé un pays morcelé en plusieurs zones d'influence.

Avant l'offensive, le nord-ouest de la Syrie bénéficiait d'un calme précaire en vertu d'un cessez-le-feu instauré en 2020. Avec l'appui militaire crucial de la Russie et de l'Iran, le régime Assad avait lancé en 2015 une contre-offensive qui lui avait permis de reprendre progressivement le contrôle d'une grande partie du pays, et en 2016 la totalité de la ville d'Alep, poumon économique de la Syrie d'avant-guerre.

Déclenchée en 2011 après la répression brutale de manifestations prodémocratie, la guerre en Syrie a fait environ un demi-million de morts.

cab avec afp

Publié Modifié

"Le maillon le plus faible, c'est le régime d'Assad"

Cette offensive intervient maintenant "parce que la Syrie est très affaiblie, car elle dépendait principalement du soutien des Iraniens et des miliciens du Hezbollah sur son territoire. Or, les gens du Hezbollah ont été rapatriés au Liban pour faire face à l'offensive israélienne. Et le régime iranien aujourd'hui est sous contrainte", indique Gilles Kepel, politologue spécialiste du monde arabe, dans le 19h30. Il rappelle que les Israéliens ont abondamment bombardé les forces iraniennes en Syrie cette année.

Le Hamas palestinien "était soutenu par la Syrie, soutenu par le Hezbollah, soutenu par l'Iran". Or, "tout ce front qui était lié au Hamas et qui était dirigé par l'Iran, qu'on appelait l'axe de la résistance à Israël, est aujourd'hui très affaibli. Et le maillon le plus faible, c'est le régime d'Assad", développe Gilles Kepel..

"Probablement aussi que les Russes, qui jouaient un rôle très important, notamment dans le ciel, sont occupés aujourd'hui en Ukraine et ont retiré de Syrie un certain nombre de leurs bataillons, de leur aviation et également de leurs troupes au sol", ajoute le politologue.

"Il faut voir si l'offensive peut aller au-delà d'Alep (...). Est ce que la route de Damas est ouverte ou non?", s'interroge Gilles Kepel.

>> Ecouter l'interview de Gilles Kepel, politologue spécialiste du monde arabe, dans le 19h30 :

L’analyse de Gilles Kepel, politologue spécialiste du monde arabe, sur la situation actuelle en Syrie
L’analyse de Gilles Kepel, politologue spécialiste du monde arabe, sur la situation actuelle en Syrie / 19h30 / 4 min. / le 30 novembre 2024