Le président du RN Jordan Bardella, nouvelle idole des jeunes Français

Interrogés par la RTS, deux conseillers de l'ombre du Rassemblement national (RN) qui l'ont côtoyé au sein du parti reconnaissent l’efficacité médiatique de Jordan Bardella et saluent son talent pour les "punchlines", ces petites phrases bien senties que le public retient.

Mais pour le spécialiste de la communication Arnaud Stephan, qui fut au service de différentes campagnes du RN jusqu'à la dernière présidentielle, il n'y a pas grand-chose sous le vernis médiatique qui fait briller Jordan Bardella sur les plateaux.

Il y a chez lui quelque chose d'extrêmement factice [...] C'est un post-moderne: il aurait pu être n'importe quoi d'autre que RN. Il l'est parce que c'est le 'stream' qui l'emmène

"Il correspond à son affiche de campagne, l'homme au milieu d'un paysage flouté autour de lui", a témoigné vendredi au micro de l'émission Tout un monde ce stratège politique qui n'a pas pour autant renié les idées du RN.

Adepte des plateaux TV

"Il y a chez lui quelque chose d'extrêmement factice. [...] C'est un post-moderne: il aurait pu être n'importe quoi d'autre que RN. Il l'est parce que c'est le 'stream' qui l'emmène en politique - peut-être très loin", décrit-il en fustigeant la propension de Jordan Bardella à "aller chez Hanouna", l'animateur vedette de la chaîne C8 du groupe Canal+ de Vincent Bolloré, "plutôt que de structurer" le parti.

Il est une surface de projection. Je pense que beaucoup de gens veulent croire que Bardella pense comme eux, alors qu'ils n'en savent rien

Mais pour le spécialiste des sondages et chargé de former les cadres du RN Jérôme Sainte-Marie, qui voit en lui la "force politique extraordinaire des grands hommes politique", ce flou est aussi un atout. "Il est une surface de projection. Je pense que beaucoup de gens veulent croire que Bardella pense comme eux, alors qu'ils n'en savent rien. Par son style, ses cheveux coupés très court, sa rigueur d'expression comme d'apparence physique et vestimentaire, il plaît à droite", résume-t-il.

En l'absence de corpus idéologique très marqué, Jordan Bardella mise surtout sur un storytelling personnel. Il met en avant ses origines populaires, le fait qu’il soit né à Drancy, en Seine-Saint-Denis, en opposition au clan Le Pen avec son fief du château de Montretout, dans la banlieue chic de Saint-Cloud.

Idées proches du mouvement identitaire

Sur le fond, certains perçoivent dans son discours des idées proches du mouvement identitaire, plus à droite encore que celles du RN. Et elles séduisent les jeunes: selon les derniers sondages pour les européennes, le RN figure en tête des intentions de vote chez eux. Même chose si l'élection présidentielle avait lieu maintenant: les moins de 35 ans voteraient Marine Le Pen.

La RTS est partie à la rencontre de cette jeunesse française qui prend un grand virage à droite, à l'instar de Thibaut Sevrez, étudiant de 23 ans à Lille. Il y a quelque temps, il se positionnait plutôt à gauche, mais lui comme "les trois quarts" de ses proches ont pris le cap de la droite, "au fur et à mesure de tout ce qui s'est passé dans notre pays sur les dix dernières années".

Pour les prochaines élections, son choix est déjà fait: ce sera "Monsieur Bardella", a-t-il confié à Tout un monde ."On a quelqu'un qui est charismatique, qui est éloquent, qui a des idées, qui sait parler... Pour moi, c'est le choix logique", explique le jeune homme, qui dit à la fois croire en ses idées et "ne pas voir grand-chose d'autre" en matière de choix.

>> Lire à ce sujet : Le Rassemblement national séduit toujours plus, mais par dépit, selon une étude

Parler le langage des jeunes

L'époque où le Front national était vilipendé par une majorité de la jeunesse semble loin. Cette dédiabolisation du parti de la famille Le Pen a eu lieu par étapes: changement de nom en 2018 - avec un terme, "rassemblement", moins clivant que "front" - et changement de président en 2022, notamment. S'y ajoute une communication rondement menée pour parler le langage des jeunes.

 Ces jeunes n'ont pas connu le FN de Jean-Marie Le Pen, qui disait croire en l'inégalité des races ou remettait en question le génocide des Juifs

"Le temps s'éloignant, ces jeunes n'ont pas connu le FN de Jean-Marie Le Pen, qui disait croire en l'inégalité des races ou qui mettait en question l'existence du génocide des Juifs", rappelle Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaures.

Pour lui aussi, le côté un peu passe-partout de Jordan Bardella est un atout: "C'est un jeune issu des milieux modestes, âgé de moins de 30 ans, au parcours universitaire assez terne puisqu'il a commencé une licence qu'il n'a jamais terminée. C'est quelqu'un qui peut incarner, pour une partie de la jeunesse, le jeune homme en qui on peut se reconnaître".

>> Lire aussi : A 50 ans, l'extrême droite française cherche encore à "tuer le père"

>> Ecouter Tout un monde analyser le soutien d'une partie de la jeunesse à Jordan Bardella: :

Keystone - EPA/Teresa Suarez

Moins tendance chez les femmes

Jordan Bardella ne réalise toutefois pas un carton plein chez les jeunes, en particulier les femmes, en majorité plutôt à gauche, signale le sociologue et spécialiste de l'extrême droite Erwan Lecoeur. Il évoque un "nouveau clivage qui apparaît dans la plupart des grandes enquêtes internationales, avec des jeunes hommes qui, en gros, se radicaliseraient du côté de la droite et du conservatisme, voire dans une forme de politique réactionnaire, et des jeunes femmes qui, d'une certaine façon, se radicaliseraient à l'inverse, plutôt sur du féminisme et une société très ouverte".

Sur le terrain, cette disparité se matérialise parfois au travers d'interactions houleuses entre militants, comme en témoigne l'altercation physique évitée de peu entre un collectif féministe et un syndicat d'extrême droite assez proche de Marion Maréchal Le Pen, "La Cocarde", a raconté la jeune militante du collectif "Nous toutes" de Montpellier Solène Gomes.

La Cocarde n'est pas le seul groupe d'extrême droite qui peut se montrer violent. Le collectif d'ultra-droite "Les Remparts" à Lyon illustre cette tendance. Il y a un peu plus de deux semaines, Sinisha Milinov, l'ex-porte-parole de ce groupe, a été condamné à 16 mois de prison pour avoir attaqué au couteau trois victimes d’origine maghrébine.

>> Ecouter aussi le reportage de Tout un monde dans la vieille-ville de Lyon, devenue bastion de l'ultra-droite: :

arkna

Sujet radio: Alexandre Habay, Océane Zitouni

Adaptation web: Vincent Cherpillod