Dans un discours fleuve prononcé en écho à celui de 2017 et à une quarantaine de jours des élections européennes de juin, le chef de l'Etat français a dressé une liste des actions à mettre en oeuvre à Vingt-Sept, sous peine de fragiliser une Europe "mortelle".
"Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe aujourd'hui est mortelle: elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix", a-t-il déclaré devant le gouvernement et un parterre de personnalités réunis au sein de l'historique université parisienne.
"A nouveau, notre Europe ne s'aime pas", a-t-il constaté, appelant à un sursaut humaniste dans une région du monde où, "de Paris à Varsovie et de Lisbonne à Odessa, nous avons un rapport unique à la liberté et à la justice".
S'unir pour rivaliser avec les Etats-Unis et la Chine
Emmanuel Macron a insisté sur le nécessaire réveil du continent de 450 millions d'habitants pour rivaliser avec les Etats-Unis et la Chine, adeptes des "sursubventions" et qui "ont décidé de ne plus respecter les règles du commerce".
"On ne peut pas durablement avoir les normes sociales et environnementales les plus exigeantes, moins investir que nos compétiteurs, avoir une politique commerciale plus naïve qu'eux et penser qu'on continuera à créer des emplois, ça ne tient plus", a-t-il dit. "Le risque est que l'Europe connaisse le décrochage."
Une défense "crédible" pour le continent
Le chef de l'Etat a mis au rang de priorité l'émergence d'"une défense crédible du continent européen" pour faire face aux menaces, à commencer par celles de la Russie, puissance nucléaire qui a envahi l'Ukraine.
Il a notamment cité la préférence européenne pour l'achat de matériel, la création d'un bouclier antimissile sur le continent et le renforcement de la capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense.
L'Europe "doit montrer qu'elle n'est jamais vassale des Etats-Unis et qu'elle sait aussi parler à toutes les autres régions du monde", a-t-il déclaré.
Emmanuel Macron plaide depuis longtemps pour une "autonomie stratégique" européenne impliquant moins de dépendance à l'égard de Washington. Une position qui prend de l'épaisseur dans la perspective d'une candidature à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a souvent accusé l'Europe de trop profiter de son allié américain en matière de défense.
Nombre de responsables européens estiment toutefois qu’il n'existe actuellement aucune alternative crédible au parapluie militaire américain, et certains soupçonnent Emmanuel Macron de promouvoir les intérêts industriels français.
Choc d'investissement européen
Au chapitre économique, le président français a appelé à un "choc d'investissement public" à même de doubler les sommes actuellement disponibles mais sans affecter les Européens, citant la possible création d'une taxe carbone aux frontières, d'une taxe sur les transactions financières ou encore d'un impôt sur les bénéfices des multinationales là ils sont réalisés.
Quelques jours après l'adoption du pacte "asile et immigration", Emmanuel Macron a appelé à un renforcement des politiques de retour dans leur pays des migrants et de lutte contre les passeurs. Alors que l'immigration reste un thème phare de l'extrême droite en Europe, il a aussi lancé l'idée de transformer le conseil Schengen en "véritable conseil de sécurité de l'Europe".
reuters/ther
Rassemblement national en tête des sondages
Avec ce discours, le président français espère peser sur l'agenda européen qui sera élaboré après les élections européennes des 6-9 juin.
Actuellement en tête avec plus de 30% des suffrages dans les enquêtes d'opinion en France, à une douzaine de points devant le camp Macron, le Rassemblement national organise un contre-évènement jeudi après-midi: une conférence de presse sur son projet européen au siège parisien du parti.