Le principal accusé absent, l'audience est suspendue dans le procès des viols de Mazan
"J'ai été avisé que Monsieur Pelicot refusait son extraction, évoquant des problèmes de santé qui ont été constatés hier (dimanche) dans le cadre d'une extraction" de sa cellule, a déclaré le président de la cour, Roger Arata: "Nous allons suspendre pour ce jour et nous reprendrons demain matin". L'audience de vendredi avait déjà été ajournée; Dominique Pelicot est absent depuis une semaine.
Le magistrat attend le retour d'une expertise médico-légale en fin de journée qui lui permettra de décider mardi du renvoi, ou non, de ce procès emblématique des violences sexuelles et des ravages de la soumission chimique. Ce procès doit juger 51 accusés – âgés de 26 à 74 ans – pour des viols sur Gisèle, l'ex-épouse de Dominique Pelicot, durant près d'une décennie; pour la plupart poursuivis pour viols aggravés, ils encourent 20 ans de réclusion criminelle.
Agé de 71 ans, Dominique Pelicot a subi dimanche un scanner: il souffre d'un "calcul rénal, d'une infection rénale et d'un problème au niveau de la prostate", a déclaré le président de la cour pour expliquer son absence. Roger Arata a également diligenté une nouvelle expertise médicale "dans la journée" effectuée par "un collège d'experts" composé d'un médecin légiste et d'un clinicien "pour faire un point. Qu'ils puissent nous renseigner sur la compatibilité de monsieur Pelicot à comparaître" (lire encadré).
Une situation "anormale"
"Les mots manquent pour exprimer à quel point la situation où nous nous retrouvons ce matin est anormale. Il y a des personnes dont le travail est de s'assurer que M. Pelicot est en état d'assister à son procès", a déclaré Mᵉ Stéphane Babonneau, l'un des avocats des parties civiles lors de l'audience: "Si cette situation est due à un retard de prise en charge, ce serait un scandale", a-t-il ajouté. L'avocat général a pour sa part indiqué "regretter cette situation".
Mᵉ Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot, a de son côté fustigé le manque de prise en charge médicale de son client: "Que personne ne vienne me dire que Dominique Pelicot se dérobe et qu'il feint sa situation (...) On a été pris en otage pendant huit jours [au moment où ses douleurs sont apparues, ndlr.] dans ce débat entre l'administration pénitentiaire et le corps médical, car s'il avait été pris en charge dès le début, on n'en serait pas là", a-t-elle expliqué à l'audience.
Lundi matin, elle avait indiqué à l'AFP qu'il ne serait "pas là" et qu'il avait "préparé une lettre" dans laquelle il indiquait souhaiter ne pas être extrait de sa cellule afin de se reposer. "Mais c'est sûr qu'il veut toujours s'exprimer, il le fera", a précisé l'avocate.
Stéphanie Jaquet et les agences
Quid de la suite?
Plusieurs hypothèses coexistent pour la suite des audiences: soit Dominique Pelicot est rétabli et le procès se poursuivra mardi, soit il a besoin de soins légers et le procès pourrait en conséquence être suspendu quelques jours.
Aux dernières nouvelles, le principal accusé devrait en principe être en mesure de revenir à l'audience mardi, moyennant quelques aménagements (séquençage des auditions et temps de repos régulier), a-t-on appris lundi soir.
A l'inverse, si le principal accusé devait recevoir un traitement long, cela conduirait au renvoi du procès à une session ultérieure, sans doute dans plusieurs semaines ou mois. Un renvoi de ce procès, très suivi en France et à l'étranger, provoquerait de nombreuses complications pour reprogrammer les débats, trouver une salle d'audience, sans compter que des accusés pourraient demander la levée de leur détention provisoire en raison des délais.
Le calendrier initial de cette affaire – entamée le 2 septembre et censée être jugée jusqu'au 20 décembre – a déjà pris un gros retard.
Les remerciements de Gisèle Pelicot
A son entrée au tribunal lundi matin, Gisèle Pelicot, qui a refusé que ce dossier soit jugé à huis clos, a remercié manifestantes et manifestants qui ont défilé à travers la France samedi pour la soutenir: "Grâce à vous tous, j'ai la force de mener ce combat jusqu'au bout".
"Je dédie [ce combat] à toutes les personnes, femmes et hommes qui, à travers le monde, sont victimes de violences sexuelles. A toutes ces victimes, je veux leur dire aujourd'hui, 'Regardez autour de vous, vous n'êtes pas seuls'," a-t-elle ajouté.
Impressionnées par le courage de Gisèle Pelicot qui a refusé le huis clos pour le procès de son ex-mari qui la droguait pour la violer et la faire violer par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet dans leur domicile conjugal de Mazan, dans le sud-est de la France, 10'000 personnes ont manifesté samedi en France leur soutien aux victimes de violences sexuelles.
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