Le régime syrien perd la ville d'Alep, Bachar al-Assad cherche le soutien de ses alliés
C'est la première fois depuis le début de la guerre en Syrie en 2011 que le pouvoir, un allié de l'Iran et de la Russie, perd totalement le contrôle de cette ville septentrionale, un revers cinglant infligé par une coalition de groupes rebelles dominée par des islamistes.
Les forces kurdes ont annoncé œuvrer pour évacuer des civils kurdes de plusieurs secteurs de la province d'Alep.
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"C'est incroyable"
"Tout a été détruit et volé. Je n'arrive pas à réaliser. Ce matin encore, rentrer me paraissait impossible. Et maintenant, je retrouve ma maison, mon quartier, mes voisins. C'est incroyable", témoigne dans La Matinale de la RTS Moataz, qui est de retour d'Alep pour la première fois depuis huit ans.
Sara, elle, n'a pas encore eu cette chance. En 2017, elle a fui Homs, forcée de trouver refuge à Idlib. Elle rêve encore de retourner dans la ville qui l'a vue grandir: "Mon cœur brûle d'impatience de retrouver ma maison. C'est mon plus grand rêve. Parce que Homs, c'est chez moi. Ça me rappelle mon enfance, l'amour aussi. C'est là que je suis tombée amoureuse pour la première fois."
Pendant ce temps, dans les zones hors du contrôle de Damas, la peur domine. Les habitants, comme Batool, restent terrés chez eux, incertains de ce que demain leur réserve: "Les magasins sont ouverts, mais ils sont presque vides. Il n'y a plus personne pour les réapprovisionner. Pas de transport en commun, rien. La vie s'est arrêtée pour le moment."
Soutien de la Russie et de la Chine
Recevant à Damas le chef de la diplomatie d'Iran, Bachar al-Assad a souligné "l'importance du soutien des alliés et des amis pour faire face aux attaques des terroristes appuyées par l'étranger et mettre leurs plans en échec". Il a plus tôt menacé de recourir à la "force pour briser les terroristes".
La Russie a dit que ses forces aériennes aidaient l'armée syrienne à "repousser" les rebelles dans les provinces d'Idleb (nord-ouest), de Hama (centre) et d'Alep (nord), alors que l'Iran a réitéré son soutien "ferme" au régime Assad.
La Chine soutient le régime syrien dans "ses efforts pour maintenir la sécurité nationale et la stabilité", a affirmé lundi un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse régulière.
Après Damas, le chef de la diplomatie d'Iran est arrivé dimanche soir à Ankara où il doit rencontrer lundi son homologue turc Hakan Fidan avant un entretien avec le président Recep Tayyip Erdogan, selon des responsables.
Une contre-offensive en 2015
En 2015 et avec l'appui militaire crucial de la Russie et de l'Iran, le régime Assad avait lancé une contre-offensive qui lui avait permis de reprendre progressivement le contrôle d'une grande partie du pays et en 2016 de la totalité de la ville d'Alep, poumon économique de la Syrie d'avant-guerre.
Les violences, les premières de cette ampleur depuis 2020, font craindre une reprise des hostilités à grande échelle dans un pays morcelé en plusieurs zones d'influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances régionales et internationales.
Mercredi, le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et des factions rebelles alliées, certaines appuyées par la Turquie, ont lancé une offensive contre les forces gouvernementales, prenant des dizaines de localités dans les provinces d'Alep, d'Idleb et de Hama, plus au sud, et s'emparant samedi de la majeure partie de la ville d'Alep, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Le HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, et les rebelles, "contrôlent la ville d'Alep, à l'exception des quartiers aux mains des forces kurdes. Pour la première fois depuis 2011, Alep est hors du contrôle du régime", a dit Rami Abdel Rahmane, chef de l'OSDH.
Au moins 412 morts
Selon cette ONG qui s'appuie sur un vaste réseau de sources en Syrie, au moins 412 personnes ont été tuées depuis mercredi: 214 rebelles, 137 membres des forces progouvernementales et 61 civils.
Le début de l'offensive rebelle a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais, un allié de Bachar al-Assad et de l'Iran.
Déclenché en 2011 après la répression brutale de manifestations prodémocratie, le conflit en Syrie a fait environ un demi-million de morts.
vajo avec afp
Un autre front près de la frontière turque
Avant leur assaut, le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham et les rebelles contrôlaient une bonne partie de la province d'Idleb, ainsi que des secteurs des provinces d'Alep, de Hama et de Lattaquié. Le nord-ouest syrien bénéficiait d'un calme précaire en vertu d'un cessez-le-feu instauré en 2020, sous le parrainage d'Ankara et de Moscou.
Sur un autre front, des groupes rebelles proturcs ont pris dimanche aux forces kurdes la ville clé de Tal Rifaat (nord) près de la frontière turque, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, sans fournir d'explications.
La Turquie, qui contrôle plusieurs zones du nord de la Syrie, a dit soutenir les efforts pour "mettre fin à la tension".
>> Ecouter les explications dans La Matinale : La Turquie a donné son feu vert à l'offensive rebelle en Syrie et compte bien en profiter