Le Royaume-Uni veut produire de l'électricité au Maroc et l'acheminer via des câbles sous-marins
A terme, l'électricité renouvelable marocaine pourrait fournir 8% des besoins en électricité de la Grande-Bretagne. Pour ce faire, l'entreprise britannique Xlinks prévoit de construire une ferme photovoltaïque et un parc éolien dans le sud du Maroc, dans la région de Guelmim-Oued Noun.
L'infrastructure s'étendra sur une superficie comparable à celle du canton de Lucerne. L'électricité renouvelable produite sera ensuite acheminée jusqu'au sud-ouest de l'Angleterre à travers des câbles sous-marins de près de 4000 kilomètres. La startup Xlinks a choisi le Maroc notamment à cause de ses conditions météorologiques idéales.
Nombreuses critiques
Avec ce projet, l'électricité n'ira que dans une seule direction, du Maroc vers le Royaume-Uni, ce qui soulève des critiques. Interrogé dans Tout un monde, Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace Suisse, estime que "le principal objectif du développement des énergies renouvelables au Maroc, c’est d’apporter de l’énergie propre aux habitants du pays". Selon lui, le Royaume-Uni, en tant que pays riche qui a profité des émissions carbone, a une responsabilité de solidarité et de soutien dans les efforts visant à atténuer le changement climatique envers les pays les plus pauvres.
Autre critique: le Royaume-Uni pourrait tout à fait devenir énergétiquement indépendant, s'il s'en donnait les moyens. Jonas Schnidrig, chercheur en planification énergétique à l'EPFL et à la HES-SO Valais Wallis., souligne que "le gros avantage de la Grande-Bretagne est qu'elle a beaucoup de côtes, donc beaucoup de vent, et qu'elle peut installer des capacités éoliennes". Le pays aurait même la possibilité d'exporter le surplus de production, poursuit le chercheur.
Un projet néocolonialiste?
Avec ce projet, les populations locales seront non seulement pillées, mais aussi expropriées, soutient le chercheur au Transnational Institute (TNI) et activiste algérien, qui parle de néocolonialisme ou de colonialisme vert.
Interrogé dans Tout un monde, il rappelle que des communautés pastorales vivent de la terre. Avec ce genre de projet, "on finit par les déplacer et leur enlever les possibilités de gagner leur vie".
Des avantages pour le gouvernement marocain
Le gouvernement marocain va bénéficier de ce projet, même s'il s'agit d'un projet exportateur, estime Mikaa Mered, chargé d'enseignement sur les questions de durabilité, d'hydrogène et de commodité à l'université Mohammed VI Polytechnique au Maroc.
Selon lui, les autorités peuvent et devraient imposer des royalties, mais aussi des taxes sur la valeur ajoutée ou des impôts sur les sociétés. Selon le chercheur, le projet pourrait aussi servir de levier pour d'éventuels futurs investisseurs étrangers.
Sujet radio: Juliette May
Adaptation web: Julie Liardet
Des câbles sous-marins transportent déjà de l'électricité
L'idée d'envoyer de l'énergie d'un pays à l'autre à travers une interconnexion électrique sous-marine n'est pas nouvelle. La France et l'Angleterre sont reliées par un tel système depuis 1986. Et North Sea Link, la plus longue interconnexion sous-marine en service, de 720 kilomètres, relie l'Angleterre à la Norvège.
Contrairement à cette ligne, le projet de Xlinks n'est pas un projet d'échange d'électricité. Cette dernière n’ira que dans un sens, du Maroc vers le Royaume-Uni. Ce projet pourrait battre un record de distance, avec 4000 kilomètres de câbles.
Xlinks ne répond pas aux critiques
L'émission Tout un monde a contacté la startup Xlinks, afin de lui permettre de réagir aux critiques. Mais l'entreprise n'a pas souhaité répondre aux questions. Sur son site internet, l'entreprise indique que plus de 10'000 emplois seront créés au Maroc, dont 2000 permanents. Selon elle, son projet contribuera aussi à l'ambition industrielle du Maroc en matière d'énergies renouvelables.