Le sort des réfugiés rohingyas face à la promesse de soutien du Nobel de la paix Muhammad Yunus

Enfant Rohingyas dans un camp de réfugiés, août 2022. [EPA / KEYSTONE - Monirul Alam]
Comment vivent les Rohingyas, 7 ans après leur exode de la Birmanie au Bangladesh? / La Matinale / 4 min. / le 4 septembre 2024
En août 2017, en raison d’une campagne militaire brutale menée par l’armée birmane, la minorité ethnique des Rohingyas a fui massivement vers le Bangladesh. Aujourd’hui, plus d’un million d’entre eux survivent dans des camps de réfugiés. L’arrivée de Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, à la tête du Bangladesh suscite l'espoir d’une amélioration de leur situation.

Après la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina, Muhammad Yunus, dirigeant par intérim, a promis dans son premier discours de faire une priorité du sort des Rohingyas, minorité principalement musulmane vivant dans l’Etat d’Arakan.

"Nous avons besoin des efforts soutenus de la communauté internationale pour les opérations humanitaires en faveur des Rohingyas et pour leur éventuel retour en Birmanie dans la dignité et la pleine garantie de leurs droits", a-t-il affirmé.

Un retour qui semble compromis

Mais ce retour semble peu probable. Cela fait déjà sept ans que des membres de cette minorité ethnique ont fui vers le Bangladesh pour échapper aux persécutions de l’armée birmane. Sur place, la situation ne s’est pas calmée, bien au contraire, assure mercredi dans La Matinale de la RTS Michael Neuman, directeur d’études au Centre de réflexion de Médecins sans frontières.

Depuis novembre 2023, les combats ont repris. "Cette précarité, cette violence, au moins sourde, à laquelle les Rohingyas sont confrontés, a pris une nouvelle dimension", explique-t-il. Avec la reprise des combats entre la junte birmane et l’armée d’Arakan, une centaine de blessés graves, dont de nombreuses femmes et enfants, ont été recensés.

Défis humanitaires dans les camps

En conséquence, les rangs de réfugiés au Bangladesh ne cessent de croître. Rien que la semaine dernière, 30'000 nouvelles personnes sont arrivées à Cox’s Bazar, l’un des plus grands camps de réfugiés au monde, situé au sud du Bangladesh. Plus d’un million de personnes y vivent entassées dans des cabanes de fortune.

>> Une femme arakanaise parmi les abris de fortune d'un camp de réfugiés à Cox's Bazar, au Bangladesh. : Une femme arakanaise parmi les abris de fortune d'un camp de réfugiés à Cox's Bazar, au Bangladesh. [Anadolu via AFP - MUHAMMED ABDULLAH KURTAR]
Une femme arakanaise parmi les abris de fortune d'un camp de réfugiés à Cox's Bazar, au Bangladesh. [Anadolu via AFP - MUHAMMED ABDULLAH KURTAR]

Selon Kamlesh Vyas, coordinateur pour l’ONG suisse Helvetas, qui est sur place depuis cinq ans, les conditions d’arrivée de ces migrants sont éprouvantes. "Les gens ne sont pas en bon état. Nous leur fournissons immédiatement un abri, un soutien et un hébergement. Mais cette zone est très petite, et intégrer 30'000 nouveaux habitants est un défi de taille", souligne-t-il.

Bien que le Bangladesh ait accepté d’accueillir les Rohingyas, ces derniers ne bénéficient pas du statut de réfugiés, ce qui les prive de nombreux droits, notamment l’accès au travail ou le droit de construire des maisons en dur. Les réfugiés n’ont également pas accès à l’éducation.

Perspectives d'amélioration

Malgré la bonne volonté de Muhammad Yunus, le gouvernement bangladais risque de se heurter à des obstacles majeurs. Alexandra de Mersan, anthropologue et maîtresse de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, estime qu’un rapatriement des Rohingyas semble extrêmement compliqué. 

"Compte tenu des pertes de l’armée birmane, qui est affaiblie, mise à mal, je ne vois pas dans quelle mesure elle peut aujourd’hui négocier quoi que ce soit en matière de rapatriement. Ils n’ont pas les moyens, même s’ils le voulaient, ce dont je doute", observe-t-elle.

Michael Neuman, directeur d’études au Centre de réflexion de Médecins sans frontières, reconnaît que l’annonce de Muhammad Yunus a au moins le mérite de remettre les Rohingyas sous le feu des projecteurs. Cependant, il reste sceptique quant à une amélioration rapide de leurs conditions de vie, étant donné la pauvreté du Bangladesh et la diminution des aides internationales au fil des ans.

Sujet radio: Virginie Gerhard

Adaptation web: Miroslav Mares

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