Des discussions sont en cours depuis plusieurs mois à Bruxelles autour de ce texte, qui vise notamment à harmoniser les législations et la réponse pénale des 27 pays de l'UE sur les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, la divulgation de vidéos intimes et le harcèlement en ligne.
La question du viol s'est avérée la plus controversée, en l'absence de consensus sur sa définition juridique. Le projet, tel que présenté le 8 mars 2022 par la Commission européenne, prévoyait dans son article 5 une définition du viol fondée sur l'absence de consentement. Mais une douzaine d'Etats membres, notamment la France, l'Allemagne et la Hongrie, bloquent l'inclusion du viol dans la législation.
Pas de base juridique
Les opposants soulignent que la base juridique pour inclure le viol n'existe pas. La Commission européenne a commis une erreur en l'inscrivant dans son projet de loi, affirment Paris et Berlin. Selon un proche des discussions, "pour faire du viol un crime européen, il faudrait une définition commune claire, mais cela requiert une décision à l'unanimité des 27 Etats membres et la Commission n'a pas eu le courage de lancer ce chantier".
"Nous avons un droit européen qui est quand même très construit", rétorque Isabelle Steyer, avocate française spécialiste des violences faites aux femmes, dans l'émission Forum, citant le droit économique, la liberté de circulation, les discriminations ou encore la Cour européenne des droits de l'homme.
"Et pourquoi est-ce que concernant les abus et les violences sur les femmes, on n'aurait pas non plus un droit européen qui soit construit?", s'interroge-t-elle. Selon l'avocate, si l'Union européenne pouvait "marcher main dans la main concernant la protection des femmes", elle en ressortirait plus forte.
Différentes définitions du viol
L'autre problème repose sur l'absence de définition commune du viol dans les pays de l'Union européenne. L'article sur le viol dans le projet d’origine stipule que "l'absence de consentement est l'élément constitutif du viol". Ce consentement initial peut être retiré à tout moment durant l'acte, était-il précisé.
Mais chaque pays de l'UE a sa propre définition du viol. Si la loi suédoise considère comme viol tout acte sexuel sans accord explicite, en France la loi définit ce crime comme une pénétration sexuelle ou un acte bucco-génital commis sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise. "Le gros problème, c'est qu'en France, nous avons une définition restrictive du viol", regrette Isabelle Steyer.
L'avocate explique que la justice française est réticente à un changement de définition car elle craint que si un viol est défini comme un acte sexuel non consenti, la charge de la preuve soit inversée "et qu'à partir du moment où une femme vient déposer plainte, il faudra que l'agresseur vienne prouver qu'il n'est pas auteur de viol". Isabelle Steyer rappelle toutefois que cette législation existe dans d'autres pays européens, qui n'ont pas rencontré ce cas de figure.
Devant l'absence de perspective d'accord sur l'inclusion du viol dans la directive, les eurodéputés ont proposé que le texte contienne au moins une "obligation pour les États membres d'oeuvrer en faveur d'une culture fondée sur le consentement, par le biais de manuels scolaires, de campagnes de sensibilisation spécifiques", explique l'eurodéputée suédoise Evin Incir.
Sujet radio: Alain Franco
Adaptation web: edel avec agences
Nouvelle définition du viol en Suisse
En Suisse, les Chambres fédérales se sont mises d'accord en novembre dernier sur une redéfinition du viol. Jusqu'à présent, seule la pénétration vaginale non consentie d'une femme par un homme était considérée comme tel et la victime devait avoir démontré une certaine résistance.
Cette condition ne sera plus nécessaire. Désormais, toute pénétration non consentie, qu'elle soit orale, vaginale ou anale, effectuée sur un homme ou une femme, sera considérée comme un viol. Le viol ne se limitera donc plus à l'acte sexuel, mais comprendra tout acte analogue qui implique une pénétration du corps.
La nouvelle définition du viol entrera en vigueur le 1er juillet prochain.
>> Relire : La nouvelle loi sur le viol entrera en vigueur le 1er juillet