Il semble désormais évident qu'aujourd'hui en France, le nombre de femmes votant pour le Rassemblement National (RN) est équivalent à celui des hommes, alors qu'il y a quelques années, elles étaient plus réticentes envers ce parti d'extrême droite.
Aux dernières élections européennes, le RN a gagné dix points dans l’électorat féminin par rapport aux élections précédentes. Les sondages indiquent même que les femmes surpassent légèrement les hommes.
En 2012, lors de la première campagne présidentielle de Marine Le Pen, après une réserve initiale, les femmes se sont montrées moins réticentes envers la droite radicale, explique Camille Froidevaux-Metterie, philosophe et autrice de plusieurs ouvrages, mardi dans l'émission Tout un Monde de la RTS.
La femme moderne et le gendre idéal, la stratégie gagnante du RN
"Non seulement la fille a réussi à rompre avec l'héritage viriliste et sexiste de son père, mais elle a aussi développé une stratégie très pertinente et efficace, consistant à se présenter comme une femme moderne, (...) sensible à la cause féminine, comme elle le dit elle-même, et non pas féministe," souligne Camille Froidevaux-Metterie.
En 2022, Marine le Pen a joué la carte de la femme divorcée devant aussi élever ses enfants. Lors de sa campagne, elle déclarait: "Le moment est venu pour une femme d’entrer à l'Elysée. A mon avis, cela changerait beaucoup de choses (...) il y a une attention, je crois, des femmes au concret, à la réalité, à la vie quotidienne".
Cette stratégie a été payante pour le FN, à l’instar de celle qui a vu Jordan Bardella, 28 ans, accéder à la présidence du parti en 2021. L'image de gendre idéal a su charmer un large public féminin.
L'islamisme, l'adversaire commun pour diverses catégories sociales
Face à la méfiance des femmes envers les institutions et les responsables politiques, Marine Le Pen a établi un lien entre les problématiques d'insécurité, d'immigration et d'islam radical.
Erwan Lecoeur, sociologue et spécialiste de l'extrême droite, souligne qu'elle a fait de l'islamisme politique son principal adversaire. "Cet islamisme est perçu comme un ennemi commun par les femmes, les homosexuels, les juifs et bien d'autres catégories qui y voient un danger absolu pour leurs conditions de vie’, analyse-t-il.
"Ainsi, toutes ces catégories peuvent se rallier au RN, car elles partagent le même ennemi: l'islam politique", ajoute le sociologue.
Le RN met également l'accent sur deux aspects: l'amélioration du pouvoir d'achat et la réforme des retraites. Une position stratégique, car les femmes sont souvent plus affectées par la réforme des retraites et sont généralement plus sensibles à l'augmentation des prix.
Le RN démarre sa campagne en cherchant à séduire les femmes
Lundi, pour lancer sa campagne aux législatives, sur les réseaux sociaux, Jordan Bardella s'est donc adressé aux femmes: "Demain, je serai le Premier ministre qui garantira de manière indéfectible à chaque fille et à chaque femme de France ses droits et ses libertés. La liberté de s'habiller comme on l'entend, le droit fondamental à disposer de son corps sont des principes non négociables. En France, la femme est libre et elle le restera".
Il a également répondu à la gauche qui fustige le RN: "Depuis quelques jours, l'extrême gauche diffuse des caricatures, des mensonges, et cherche à s'arroger le monopole de la défense des droits des femmes".
Un discours séducteur qui éclipse les positions plus conservatrices du parti, ce qui a provoqué de nombreuses réactions indignées. Notamment celui de la ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, qui a aussi réagi en ligne, critiquant le RN pour certains commentaires faits par l'un de ses députés, notamment sur la violence contre les femmes.
En réalité, le parti est profondément ancré dans une vision traditionnelle, pour ne pas dire traditionaliste et familialiste de la vie des femmes. Malgré l'image moderne que projette Marine Le Pen, le programme du RN pour les femmes "vise à les faire revenir à leur place, c'est-à-dire à la maison, à s'occuper de leurs enfants", analyse la philosophe Camille Froidevaux-Metterie.
Sujet radio: Francesca Argiroffo
Adaptation web: Miroslav Mares