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Les attaques de pirates rendent le sauvetage des migrants en mer de plus en plus périlleux

Des migrants secourus au large de Tripoli (Libye). [Ismail Zitouny]
Attaques de pirates et obstacles: le sauvetage des migrants en mer toujours plus dangereux / Tout un monde / 7 min. / le 17 juillet 2024
Au péril de leur vie, chaque été, des milliers de migrants tentent de traverser la mer depuis l'Afrique sur des embarcations de fortune pour rejoindre l'Europe. D'autres se lancent en direction des Canaries. Le navire humanitaire Ocean Viking, qui leur vient en aide, est confronté à un danger croissant en raison d'attaques de milices étatiques et non étatiques.

Cette année, déjà plus d'un millier de personnes ont perdu la vie lors d'une de ces traversées de la Méditerranée et environ 5000 dans l'Atlantique.

Des ONG sillonnent les côtes et tentent de secourir certaines de ces embarcations en détresse. Mais ces sauvetages deviennent extrêmement dangereux, a expliqué mercredi dans l'émission Tout un Monde Claire Juchat, coordinatrice de la communication à bord du bateau affrété par SOS Méditerranée. 

La périlleuse opération du 9 juillet

Lors d’un récent sauvetage mené par l'Ocean Viking d’une embarcation en bois surchargée de 93 personnes, dont des femmes et des enfants, certains confinés dans la cale, deux zodiacs non identifiés et non identifiables sont arrivés à grande vitesse. "Des hommes cagoulés étaient à bord de ces zodiacs, et l’un d’eux, armé, a sauté sur l’embarcation en bois. Cela a créé une immense panique, au point que des gens ont sauté à l’eau, par peur d’être ramenés en Libye", témoigne la coordinatrice.

Un homme cagoulé et armé a sauté sur l’embarcation en détresse, créant une immense panique. Des gens ont sauté à l’eau, par peur d’être ramenés en Libye

Claire Juchat, coordinatrice de la communication à bord du bateau affrété par SOS Méditerranée

Ces situations sont extrêmement critiques, explique-t-elle. "Même si nous avions pu leur donner des gilets de sauvetage, la plupart des personnes étaient épuisées, déshydratées et ne savaient pas nécessairement nager. Le gilet de sauvetage peut aussi glisser par-dessus la tête et dans ce cas, les personnes auraient pu couler sous nos yeux", ajoute-t-elle.

Fréquemment, ces pirates s’emparent de ces embarcations précaires et repartent en direction de la Libye, probablement dans l’intention de les réutiliser pour une autre traversée.

Ce type de violence est devenu monnaie courante

Depuis deux ans, Claire Juchat observe une prolifération des acteurs étatiques et non étatiques libyens. Parmi eux, les milices libyennes et les garde-côtes libyens se distinguent par leurs "comportements extrêmement dangereux et agressifs".

Au cours de l’opération de sauvetage, à côté de nous, des garde-côtes libyens ont fait feu en l’air avec des kalachnikovs

Claire Juchat, coordinatrice de la communication à bord du bateau affrété par SOS Méditerranée

Il y a un an, lors d'une opération, elle se trouvait à bord d'un canot de sauvetage. A proximité d'elle, des garde-côtes libyens ont fait feu en l’air avec des kalachnikovs. "Ces actes sont en totale contradiction avec le droit maritime international", explique-t-elle.

Quand les mesures restrictives déplacent les routes migratoires

A partir de janvier 2023, l'Italie a désigné des ports de débarquement pour les migrants bien plus au nord des zones d’intervention, ce qui entraîne une perte de temps considérable pour les ONG.

De plus, un autre décret interdit aux organisations humanitaires d’effectuer plus d’un sauvetage à la fois, même lorsqu’elles repèrent plusieurs embarcations à la dérive. Si les équipes de secours enfreignent cette règle, leurs bateaux peuvent être immobilisés pendant plusieurs jours, les empêchant de reprendre la mer.

Cependant, ces mesures ne dissuadent pas les migrants de tenter la traversée vers l’Europe. Car lorsqu'une route se ferme, une autre s'ouvre, explique Vincent Cochetel, envoyé spécial du Haut-commissariat aux réfugiés pour la Méditerranée centrale: "En 2024, par rapport à 2023, les arrivées sur l’Italie ont diminué de 60%. Par contre, nous avons observé une augmentation importante au début de l’année des départs depuis l’Afrique de l’Ouest vers les îles Canaries".

"On ne change pas la géographie, il aura toujours des départs depuis ces côtes africaines en direction de l’Europe", ajoute-t-il. 

Sujet radio: fa

Adaptation web: Miroslav Mares

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