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Les autorités politiques critiquées après les inondations meurtrières en Espagne

Des habitantes et habitants de la municipalité espagnole de Paiporta, près de Valence, constatent les dégâts dans leurs maisons, dévastées par les inondations meurtrières qui ont frappé la région. [KEYSTONE - BIEL ALINO]
Des habitantes et habitants de la municipalité espagnole de Paiporta, près de Valence, constatent les dégâts dans leurs maisons, dévastées par les inondations meurtrières qui ont frappé la région. - [KEYSTONE - BIEL ALINO]
Le choc des inondations meurtrières qui ont frappé la région de Valence, en Espagne, laisse place au deuil et à la colère. Les autorités politiques sont pointées du doigt pour leur manque de réactivité et leur politique de gestion des services d'urgence.

Les inondations dévastatrices qui ont frappé cette semaine la région espagnole de Valence, dans le sud-est du pays, ont fait plus de 200 morts et des dizaines de disparus, selon un dernier bilan encore provisoire. Alors que le pays est endeuillé, les autorités politiques sont critiquées dans leur gestion de la catastrophe. La réaction tardive de la communauté de Valence, le gouvernement régional, est notamment critiquée.

>> Lire aussi : Alors que le bilan des inondations est passé à 205 morts, l'Espagne craint de nouvelles pluies torrentielles

Dans le déroulé des faits, l'agence météorologique espagnole (Aemet) prévenait déjà la semaine passée de l'arrivée prochaine sur la péninsule ibérique d'une dépression isolée à niveau élevé (DANA, en espagnol), un phénomène météorologique aussi appelé "goutte froide" qui provoque des pluies soudaines et très violentes, parfois pendant plusieurs jours.

Tôt mardi matin, l'Aemet a émis une alerte rouge pour la communauté de Valence. Des services d'urgence ont ensuite alerté dans la matinée sur la montée rapide des cours d'eau dans certaines communes.

A la mi-journée, le président de la communauté de Valence Carlos Mazón a appelé devant la presse à la prudence, affirmant toutefois que l'intensité de la tempête "[devait] diminuer vers 18 heures". Une vidéo de cette intervention, initialement postée sur le réseau social X, a par la suite été supprimée.

Une alerte transmise tardivement

La presse espagnole rapporte des témoignages d'habitants sinistrés affirmant avoir été forcés de se rendre au travail par leur employeur mardi, alors que, dans le même temps, les services d'urgence déconseillaient les déplacements.

Le message d'alerte du service de la protection civile n'a été envoyé par SMS à la population qu'après 20h, alors que de nombreuses localités étaient déjà inondées et des personnes coincées dans leur logement ou leur véhicule par la montée des eaux.

Selon l'agence météorologique nationale, plus de 300 litres d'eau par mètre carré sont tombés dans la nuit de mardi à mercredi dans plusieurs villes de la région, avec une pointe à 491 litres dans le petit village de Chiva. Ces données représentent l'équivalent d'une année de précipitations en quelques heures.

Interrogé par la BBC, Jorge Olcina, climatologue à l'Université d'Alicante, souligne que "bien qu'il soit impossible de prévoir la quantité exacte d'eau qui a fini par tomber, il y a eu une alerte météorologique qui a été émise à temps. Ce qui a échoué, c'est la transmission de cette alerte à la population".

>> Voir aussi le sujet du 12h45 sur les dégâts provoqués par les inondations :

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Alors que les recherches des disparus se poursuivent, le dernier bilan des inondations en Espagne atteint 158 morts / 12h45 / 1 min. / vendredi à 12:45

Une unité d'urgence supprimée

Le gouvernement de Carlos Mazón est également critiqué pour le démantèlement des services d'urgence de Valence. A son arrivée au pouvoir en 2023, alors que la région était dirigée par le Parti populaire (PP, droite) et le parti Vox (extrême droite), le président de la communauté a décidé de supprimer l'Unité valencienne d'urgence (UVE) récemment mise sur pied par le précédent gouvernement de gauche, dirigé par Ximo Puig du Parti socialiste (PSOE, centre gauche).

Ce service devait notamment être dédié à l'aide à la population en cas de catastrophes environnementales et autres situations d'urgence. L'unité visait aussi un renforcement et une meilleure coordination entre les différents services d'urgence. "Premier organisme de Ximo Puig à être supprimé par Carlos Mazón. Il s'agit de la première étape de la restructuration du secteur public annoncée par le gouvernement de Valence", se félicitait alors le PP régional dans une publication sur X, qui a refait surface depuis les inondations meurtrières.

Carlos Mazón jugeait l'UVE comme étant une "dépense inutile". Face à une polémique qui enfle sur les responsabilités politiques dans les violentes crues, le gouvernement régional s'est défendu de cette décision dans la presse. Cette unité "n'aurait en aucun cas amélioré ou développé un quelconque service d'urgence. Ce n'était qu'un autre organisme fictif avec zéro pompier supplémentaire, zéro moyen matériel et zéro efficacité en plus", ont notamment déclaré des sources de l'exécutif.

Sur place, le "chaos complet"

Aujourd'hui, trois jours après les inondations meurtrières, la situation semble toujours chaotique. Des appels à l'aide de la part d'habitantes et habitants de petits villages, livrés à eux-mêmes et désespérés, se multiplient sur les radios et les télévisions.

Des syndicats de la protection civile et des pompiers dénoncent un manque de coordination entre les services d'urgence valenciens et une sous-utilisation des effectifs. "Certains services auraient dû être mobilisés et ne l'ont pas été. Il y a des voisins qui aident sur le terrain, alors que des professionnels ne sont pas appelés", résume une secrétaire syndicale. Des renforts militaires ont toutefois été déployés par le gouvernement espagnol vendredi matin dans la région dévastée. Ces renforts portent à 1700 le nombre de soldats présents sur place.

Mais la population réclame à Madrid davantage de moyens. "Ils doivent réviser le protocole au niveau national. Les hélicoptères, cela ne nous sert à rien. Il nous faut de l'eau, de la lumière, du gaz. On n'a pas de réseau pour communiquer. L'armée a quand même les moyens pour installer une antenne, non?", s'interroge dans le 12h30 de la RTS Maria del Carmen, une habitante de la petite ville d'Utiel située près de Valence.

>> Le reportage dans le 12h30 de Valérie Demon à Utiel :

Une habitante de Utiel, petite ville près de Valence, nettoie sa maison après les inondations meurtrières qui ont touché la région. [Keystone - Manu Fernandez / AP]Keystone - Manu Fernandez / AP
Inondations en Espagne: les critiques sur la prévention et la gestion de la catastrophe se multiplient / Le 12h30 / 1 min. / vendredi à 12:34

"Cet événement tragique va laisser de lourdes conséquences. La région de Valence va être bloquée pendant au moins trois semaines. Nous sommes dans une situation absolument catastrophique, de chaos complet", a déploré jeudi Benoît Pellistrandi, historien spécialiste de l'Espagne contemporaine, dans l'émission Forum.

L'Agence nationale de météorologie espagnole a averti que de fortes précipitations auraient encore lieu en cette fin de semaine, et a décrété une alerte rouge dans la province de Huelva, en Andalousie, une région dans le sud-ouest du pays limitrophe du Portugal. Pour leur part, les provinces de Valence et de Castellón dans la communauté de Valence restent sous alerte orange.

Isabel Ares avec afp

Sujet radio: Valérie Demon

Propos de Benoît Pellistrandi recueillis par Renaud Malik

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Une "urbanisation incontrôlée" aussi mise en cause

La violence de ces inondations peut également s'expliquer par la présence de sols secs dans les zones affectées, l'Espagne ayant connu ces deux dernières années des sécheresses intenses. Cela a favorisé un phénomène de ruissellement, la terre se montrant incapable d'absorber toute cette eau.

Par ailleurs, la région de Valence se caractérise par de nombreuses zones artificialisées, où les espaces naturels ont cédé la place au béton, totalement imperméable. Il y a eu "une urbanisation incontrôlée et mal adaptée aux caractéristiques naturelles du territoire" ces dernières années, qui aujourd'hui "amplifie" les risques, souligne Pablo Aznar, chercheur à l'Observatoire socio-économique des inondations et de la sécheresse (OBSIS).

Un constat que partage le climatologue Jorge Olcina, pour qui depuis le milieu du 20e siècle, "dans de nombreuses régions de la Méditerranée espagnole", la construction s'est faite de manière croissante et incontrôlée sur "des zones sujettes aux inondations".

"La côte méditerranéenne a été transformée en paradis démographique et touristique, avec des infrastructures trop lourdes. [Dans la région de Valence], il y a aussi un relief; l'eau a donc ruisselé des montagnes et les rivières, souvent sèches, sont devenues des torrents", ajoute Benoît Pellistrandi.

>> L'interview de Benoît Pellistrandi dans Forum :

Les inondations meurtrières en Espagne attisent les tensions politiques: interview de Benoît Pellistrandi
Les inondations meurtrières en Espagne attisent les tensions politiques: interview de Benoît Pellistrandi / Forum / 11 min. / jeudi à 18:00