Tandis que des centaines de milliers de citoyens allemands continuent à se mobiliser contre le parti Alternative für Deutschland (AfD), les grands noms de l’économie allemande prennent position à leur tour.
A Dresde, la capitale de la Saxe, une fédération patronale s'engage à contrer l'image d'un Land hostile à l'étranger. Appelée "Les entreprises pour une Saxe ouverte sur le monde", elle réunit une centaine de sociétés de la région. "Les entreprises qui s'engagent chez nous sont très inquiètes à l'idée que les populistes aient de bons résultats électoraux en Saxe", a expliqué lundi Sylvia Pfefferkorn, la présidente de cette fédération, dans l'émission Tout un monde de la RTS.
Ainsi, l'une de ces entreprises, le fabricant de puces électroniques Infineon, se positionne "très clairement contre les dérives de l’extrême droite". Sa seconde usine à Dresde est en cours de construction. Comme pour sa première unité, Infineon devra faire appel à de la main d'œuvre qualifiée de l’étranger.
"Sur notre site de Dresde, nous avons des salariés qui viennent de 50 pays différents", explique Christoph Schumacher, le responsable de la communication du site. "Nous sommes d’avis que la micro-électronique est un exemple parfait d’intégration et de diversité", poursuit-il.
Neutralité des entreprises
Les entreprises allemandes font généralement preuve de retenue vis-à-vis des partis politiques, mais pour Sylvia Pfefferkorn, il est désormais important de se distancier de cette neutralité. "Parce que pour le monde des affaires, si l'AfD venait à participer à un gouvernement sous une forme ou une autre, ce serait un danger existentiel", estime-t-elle.
Ce changement d'attitude s'explique aussi par le scandale provoqué par des révélations de presse autour d'un plan d'expulsions massives de personnes issues de l'immigration - avec ou sans passeport allemand - en cas d'arrivée de l’AfD au pouvoir.
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Pour Thomas Beschorner, professeur en éthique de l'économie à l’Université de Saint-Gall, ce projet a ravivé le spectre du nazisme pour une partie de l'opinion allemande. "Une ligne rouge a été franchie, pas seulement pour les milieux d'affaires, mais pour la société en général", affirme-t-il. "Même les entreprises se sont réveillées, même si c'est avec un certain décalage".
Impact sur l'économie
L'AfD milite également pour une sortie de l'Allemagne de l'Union européenne, ce qui pourrait aussi avoir des conséquences économiques. "En 1990, à la chute du Mur de Berlin, notre performance économique était de 30 ou 40% de la moyenne nationale, alors qu'on est maintenant à 80%", explique le chrétien-démocrate Michael Kretschmer, ministre président du Land de Saxe. "Cela n'a été possible que grâce à l'arrivée de capitaux des entreprises de haute technologie et aux exportations".
Pour lui, sans les grandes entreprises, "ce Land n'aurait jamais pu atteindre en quelques décennies le niveau où il se trouve aujourd'hui".
Interrogée sur les menaces qu’elle ferait peser sur l’économie allemande, l’AfD rétorque que ce ne sont pas les intentions de vote pour l'extrême droite qui détournent travailleurs qualifiés ou investisseurs, mais le niveau élevé des charges sociales et le faible montant des salaires.
Sujet TV: Nathalie Versieux
Adaptation web: Emilie Délétroz