Les Etats-Unis ont joué "un rôle important" dans la riposte "modérée" d'Israël envers l'Iran
Alors qu'Israël avait évoqué une riposte face à l'Iran qui viserait ses installations nucléaires ou pétrolières, les frappes israéliennes n'ont touché que des sites militaires. Il s'agit de représailles attendues à l'attaque de missiles de l'Iran, le 1er octobre dernier, qui faisait elle-même suite à l'assassinat de plusieurs dignitaires du Hezbollah libanais.
"Ce sont des attaques plutôt mesurées qui ont fait manifestement peu de dégâts", affirme l'ancien officier français et chroniqueur de guerre Guillaume Ancel dans l'émission Forum.
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Influence américaine
Selon Guillaume Ancel, Washington a joué un rôle important dans cette réponse modérée. "On voit bien qu'il y a eu un dialogue assez important avec les Etats-Unis, puisque ce sont eux qui appelaient à la retenue", dit-il. Le président américain Joe Biden, souhaitant éviter une escalade du conflit, avait en effet appelé début octobre son allié à épargner les sites pétroliers iraniens.
Le spécialiste du monde arabe Hasni Abidi observe également cette influence américaine. "Aujourd'hui, nous avons eu la preuve que les Israéliens savent écouter et suivre les conseils américains quand il s'agit d'un risque très important", affirme-t-il dans le 19h30 de la RTS. "Les Israéliens comptent beaucoup sur le soutien américain. Ils ne pouvaient pas aller à l'encontre de leurs conseils", poursuit le politologue chargé de cours au Global Studies Institute de l'Université de Genève.
Les Etats-Unis sont en effet un allié important d'Israël, "qui lui fournissent les munitions, qui les paient et surtout qui lui fournissent les informations cruciales pour pouvoir mener une telle attaque", rappelle Guillaume Ancel. "Israël ne peut rien faire en termes de guerre sans l'appui constant des Etats-Unis", résume-t-il.
Une influence sur la présidentielle américaine
Parallèlement, cette riposte pourrait également avoir une certaine influence sur l'élection présidentielle américaine, estime l'ancien officier. Il s'agit selon lui d'une victoire pour les démocrates et le président Joe Biden, perçu jusqu'à présent comme incapables de maîtriser la situation au Proche-Orient.
"C'est la première fois depuis un an que Netanyahu ne fait pas un bras d'honneur à Joe Biden, puisqu'il est dans une forme de provocation permanente contre lui", affirme Guillaume Ancel. "Dix jours avant la présidentielle, c'est plutôt un succès pour Joe Biden", déclare-t-il.
Une attaque de plus grande ampleur sur l'Iran aurait pu donner un avantage à Donald Trump, qui se présente "comme un homme qui refuse la guerre et qui arrivera à mettre fin très rapidement aussi bien au conflit en Ukraine qu'au Proche-Orient", estime le chroniqueur de guerre.
Le rédacteur en chef de la Revue militaire suisse Alexandre Vautravers estime quant à lui que cette élection présidentielle aura un effet positif sur la situation au Proche-Orient. "Les élections américaines marqueront probablement une rupture dans la situation sur le terrain", affirme-t-il dans le 12h30. "Les différents acteurs s'empressent aujourd'hui de régler ce qu'ils ont à régler avant qu'une nouvelle administration américaine vienne et établisse de nouvelles règles de procédure et de nouvelles discussions."
Selon lui, chaque Etat cherche à se placer "dans la situation la plus favorable possible lorsque la nouvelle administration viendra en place", ce qui pourrait signifier une accalmie dans le conflit "à partir de janvier de l'année prochaine".
Ripostes indirectes de l'Iran
En attendant, l'Iran a d'ores et déjà affirmé son droit à se défendre, tout en promettant une réaction "proportionnée". "Des ripostes sont possibles, mais les cartes qui sont dans la main de Téhéran ne sont pas véritablement des moyens classiques, puisque sur ce plan-là, la République islamique d'Iran est très clairement déclassée ou en infériorité technique et militaire par rapport à Israël", estime Alexandre Vautravers. "Donc on peut imaginer des ripostes indirectes."
Hasni Abidi abonde dans ce sens, assurant que les Iraniens "ne vont pas s'arrêter là". Mais afin de briser ce cycle de frappes et de ripostes, ils "disposent d'autres outils. Ils ne sont pas forcés à répondre eux-mêmes". Selon le politologue, l'Iran peut encore compter sur ses alliés dans la région: les Houthis, les milices chiites en Irak et en Syrie, ainsi que le Hezbollah. "Ils sont affaiblis, mais ils sont toujours existants. Ils sont toujours debout", déclare-t-il.
Propos recueillis par Sophie Iselin, Thibaut Schaller et Gabriel de Weck
Adaptation web: Emilie Délétroz