Modifié

"Les Iraniens doivent se débrouiller tout seuls" pour espérer voir le régime tomber

Les iraniennes célèbrent la mort du président Ebrahim Raïssi : interview de Mitra Sohrabi
Les iraniennes célèbrent la mort du président Ebrahim Raïssi : interview de Mitra Sohrabi / La Matinale / 6 min. / le 21 mai 2024
Le président iranien Ebrahim Raïssi, décédé dimanche dans un accident d'hélicoptère, était un ultraconservateur contesté par la majorité de la population. Sa disparition pourrait relancer des manifestations populaires en Iran, malgré une répression accrue ces derniers mois, estime Mitra Sohrabi, avocate genevoise d'origine iranienne. 

Ebrahim Raïssi "était une personne parmi celles qui personnifiaient le totalitarisme dans ce qu'il a de plus sanguinaire, de plus corrompu, de plus liberticide", relève dans La Matinale de mardi Mitra Sohrabi, avocate genevoise d'origine iranienne et coprésidente du mouvement genevois "Femme Vie Liberté". Ce qui explique "les scènes de danse, les personnes qui trinquent autour d'un verre d'alcool, ce qui n'est pas anodin dans une République islamique", qu'on a pu voir à travers tout le pays.

>> Relire : L'Iran sous le choc après la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère

La disparition de celui qui était surnommé le "boucher de Téhéran" pourrait relancer des manifestations populaires dans le pays, indique encore Mitra Sohrabi. Le mouvement "Femme, Vie, Liberté", né après le meurtre par la police de la jeune Mahsa Amini, arrêtée pour "port du voile non conforme à la loi", n'est pas mort, mais "il faut dire que la répression s'est beaucoup durcie ces derniers mois, principalement vis-à-vis des femmes et des filles".

"La République islamique est championne dans la réaction très dure à ce genre d'événements. Elle s'attend finalement à ce qu'il y ait une réaction populaire et elle n'hésitera pas une seconde à utiliser l'appareil étatique comme elle l'a fait depuis deux ans pour réprimer dans l'œuf tout mouvement qui pourrait surgir."

La répression s'est beaucoup durcie en Iran ces derniers mois, principalement vis-à-vis des femmes et des filles

Mitra Sohrabi

Mais les femmes iraniennes sont courageuses. "On assiste déjà depuis quelques mois à un courage inouï puisqu'on voit des vidéos qui deviennent virales sur les réseaux sociaux où des femmes dansent, dévoilées. Donc on pourrait tout à fait assister à ce genre de scènes", espère l'avocate genevoise.

"Un caillou dans la chaussure des mollahs"

Une nouvelle élection présidentielle est prévue le 28 juin. Ce court délai pourrait-il fragiliser quelque peu le pouvoir? "Ce qui s'est passé est quand même un caillou dans la chaussure des mollahs. Mais finalement, le Guide suprême va positionner un, deux ou trois candidats de la même veine qu'Ebrahim Raïssi. Cela ne va pas changer. Ce seront toujours des conservateurs, des proches du régime. L'élection va probablement être boudée de la même manière, voire plus que les législatives de mars dernier."

Le peuple iranien a très bien compris que quelles que soient les personnes élues, modérées ou conservatrices, "elles font partie du système qu'il rejette à plus de 80%, sans parler que ce régime islamique ne se réfrénera jamais dans la violence", relève encore l'avocate.

"Les Iraniens et Iraniennes ne peuvent pas non plus attendre de l'aide au niveau international, car leurs dirigeants qui sont de véritables meurtriers ne seront pas inquiétés par des instances internationales comme d'autres dirigeants. Il faut qu'ils se débrouillent tout seuls", conclut Mitra Sohrabi.

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation web: France-Anne Landry

Publié Modifié