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"Les Occidentaux ont tendance à sous-estimer la faiblesse de Poutine", affirme Bertrand Badie

L'invité de La Matinale (vidéo) - Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales
L'invité de La Matinale (vidéo) - Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / aujourd'hui à 07:35
Expert en relations internationales, Bertrand Badie juge que la menace de dissuasion nucléaire actuelle est moins crédible qu'à l'époque de la Guerre froide. Il estime aussi que Vladimir Poutine est en position de faiblesse, car son projet était de prendre l'Ukraine "tout entière" et il n'a pas réussi.

Vladimir Poutine a confirmé jeudi que la Russie avait tiré un missile de dernière génération capable de porter une ogive nucléaire sur l'Ukraine. Le président russe a également menacé les pays occidentaux, soulignant que le conflit a pris un "caractère mondial".

Mais selon le professeur émérite à Sciences Po Paris Bertrand Badie, auteur de "L'art de la paix", nous sommes dans une phase de dissuasion classique. Interrogé vendredi dans La Matinale, il estime que Vladimir Poutine utilise ces menaces comme un avertissement. "Le message de dissuasion est très simple. Il consiste à dire: regardez le missile que j'ai envoyé, il est capable de porter une ogive nucléaire, donc il peut vous arriver des choses très graves", explique l'expert.

Poutine a perdu la guerre, car son projet était de prendre Kiev et l'Ukraine toute entière. Il n'y est pas parvenu, ce qui, pour la troisième armée du monde, est un échec

Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales

Selon Bertrand Badie, en raison de l'équilibre de la terreur, durant la Guerre froide, les menaces de dissuasion nucléaire étaient prises très au sérieux. Mais aujourd'hui, bien que le désastre potentiel reste le même, la crédibilité de ces menaces a diminué.

Echec et limites de l'annexion russe

Bertrand Badie ajoute que les commentateurs occidentaux sous-estiment la faiblesse actuelle du président russe. "Poutine a perdu la guerre, car son projet était de prendre Kiev et l'Ukraine toute entière. Il n'y est pas parvenu, ce qui, pour la troisième armée du monde, est un échec", analyse-t-il.

L'expert met en avant le caractère principalement politique des annexions de territoires par la Russie, plutôt que militaire. Il rappelle que l'annexion de la Crimée s'est faite sans guerre directe et que les oblasts annexés étaient déjà en sécession depuis 2014, sous l'influence de milices russophiles locales.

Selon lui, depuis 1945, les cessions de territoires reconnues sont rares et les traités de paix effectifs presque inexistants. Il anticipe ainsi un gel de la situation actuelle, au détriment de l'Ukraine, sans reconnaissance officielle des annexions, similaire à la non-reconnaissance internationale du Kosovo.

Une vision obsolète de la guerre

Bertrand Badie réfute également l'idée que l'enlisement des conflits actuels soit dû à la faiblesse du droit international. Selon lui, c'est plutôt une question de volonté politique. Les dirigeants actuels restent attachés à une vision ancienne où la guerre pouvait mener à des avantages politiques clairs pour les vainqueurs.

Les dirigeants sont encore attachés à l'ancien monde, où la guerre ouvrait la voie à une construction politique nouvelle avantageuse aux vainqueurs

Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales

Il observe que la nature de la guerre a changé. "Aujourd'hui, elles sont de plus en plus destructrices, violentes, meurtrières et coûteuses." Il souligne que cette tendance est visible dans les guerres menées par les Etats-Unis, les puissances occidentales, ainsi que par l'ancienne URSS, notamment en Afghanistan.

Propos recueillis par: Delphine Gendre

Adaptation web: Miroslav Mares

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