Les "prédateurs de la liberté" mettent en danger le journalisme libre, juge le nouveau directeur de RSF
Le journalisme libre "est en danger à cause de plusieurs faisceaux de violence", avertit Thibaut Bruttin au micro de la RTS. "Tout d'abord, il y a la sécurité des journalistes. Mais aussi la perte de souveraineté technologique, un cadre légal parfois qui est menaçant et un climat de défiance à l'égard des journalistes. Ceci est particulièrement préoccupant dans bien des pays du monde." D'où l'importance de RSF de "défendre le journalisme libre".
Beaucoup de gens dans de nombreux pays du monde ne souhaitent pas qu'une information fiable circule et font tout ce qu'ils peuvent pour décrédibiliser la parole des journalistes et porter atteinte à leur intégrité
Le combat pour le journalisme libre est "un combat partagé", se réjouit toutefois Thibaut Bruttin, "y compris dans les pays les plus répressifs", note-t-il.
"Prédateurs de la liberté"
Celui qui a récemment été élu à la tête de l'organisation journalistique accuse aussi les "prédateurs de la liberté". "Cette expression désigne tous ceux, qui qu'ils soient, qui cherchent à faire taire les journalistes", explique-t-il. Et de citer les forces politiques, les militaires et les groupes terroristes ou criminels.
"Beaucoup de gens dans de nombreux pays du monde ne souhaitent pas qu'une information fiable circule et font tout ce qu'ils peuvent pour décrédibiliser la parole des journalistes et porter atteinte à leur intégrité, parfois physique", souligne Thibaut Bruttin.
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L'exemple de Gaza
Un exemple pertinent qui démontre la mise en danger du journalisme libre est la situation à Gaza que connaissent les journalistes. Il s'agit d'une "situation sans précédent", relève le directeur de RSF. "On n'a jamais vu un territoire rester aussi longtemps fermé à la fois aux journalistes palestiniens qui voudraient en sortir et à la fois aux journalistes internationaux qui voudraient y rentrer pour prendre la nécessaire relève de leurs confrères qui prennent des risques, parfois complètement insensés pour nous informer."
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Il y a toujours des moyens d'action. Même dans les cas les plus désespérés
Là-bas, RSF a donc plusieurs modes d'actions: "Nous continuons à agir auprès des institutions internationales et des chancelleries pour faire évoluer la situation d'un point de vue diplomatique. Nous, avec certains gouvernements, avons aussi procédé à l'exfiltration de journalistes."
Et, malgré la situation "très difficile", que reconnaît Thibaut Bruttin, il reste confiant. "Il y a toujours des moyens d'action. Même dans les cas les plus désespérés", assure-t-il en donnant l'exemple de l'affaire Assange. Le fondateur de WikiLeaks Julian Assange a en effet "enfin" été libéré, cite un article de RSF.
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Lutter contre l'apparition de médias d'opinions uniquement
Un autre risque pour le journalisme libre est la "transformation des médias historiques en médias d'opinion par les hommes d'affaires, presque qualifiables d'oligarques", s'inquiète le Franco-Suisse. "Bien sûr que cela pose problème!"
Il faut absolument combattre la transformation des médias historiques en médias d'opinions par les hommes d'affaires. Sinon, nous vivrons dans des pays où les réalités factuelles ne seront même plus partagées et où les citoyens n'auront même plus de bases communes pour discuter
En effet, une partie de la presse, y compris dans les démocraties occidentales, devient de plus en plus partisane, orientée idéologiquement et propriété de milliardaires, à l'image de Fox News aux Etats-Unis (propriété de Rupert Murdoch) ou CNews en France (Vincent Bolloré) par exemple.
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"Ça ne doit pas être une vérité générale. Il faut absolument combattre cela. Sinon, nous vivrons dans des pays où les réalités factuelles ne seront même plus partagées et où les citoyens n'auront même plus de bases communes pour discuter", conclut-il.
Propos recueillis par Aleksandra Planinic
Article web: Julie Marty