Affectées par la guerre en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient et les conséquences de la pandémie du Covid-19, les perspectives économiques mondiales présentent un tableau très contrasté. Alors que l’économie européenne peine à remonter la pente et que la Chine marque le pas, les Etats-Unis ont déjoué tous les pronostics affichant en 2023 une croissance de 2,5%.
Malgré un contexte très incertain, la croissance mondiale atteint 2,6% en 2023 et devrait être de 2,4% en 2024, selon les dernières prévisions de la Banque Mondiale. "On est beaucoup mieux que ce que l'on croyait il y a douze ou dix-huit mois", se réjouit Marcelo Olarreaga, professeur d'économie à l’Université de Genève et invité de Géopolitis. "On redoutait une récession en 2023, début 2024. Aujourd'hui, on observe un atterrissage en douceur de l’économie mondiale avec des projections de croissance économique qui ne sont pas extraordinaires, même plutôt modestes par rapport à ce qu'on a vu historiquement."
On redoutait une récession. On observe un atterrissage en douceur de l'économie mondiale.
Des perspectives plus optimistes que prévu qui s’expliquent notamment par l’assouplissement des politiques monétaires. "Toutes les banques centrales dans le monde sont en train d’assouplir les conditions monétaires qui s’étaient durcies ces dernières années pour lutter contre l’inflation", explique Marcelo Olarreaga. Selon cet ancien économiste de la Banque Mondiale, "les banques centrales ont augmenté les taux d'intérêts de manière très importante en 2022-2023. C'était sans précédent. Cela a contribué à une diminution aussi très importante de l’inflation dans le monde. On était à 7% il y a un an, aux Etats-Unis. Aujourd’hui, on est en dessous de 3%."
Mais tous les indicateurs ne sont pas rassurants. Grande gagnante de la mondialisation en affichant depuis deux décennies des taux de croissance annuelle à deux chiffres, la Chine devrait atteindre 4,5% de croissance en 2024, selon la Banque Mondiale. La Chine n'est plus ce "moteur économique" que l'on a connu ces vingt dernières années, estime Marcelo Olarreaga: "Le plus compliqué du point de vue géopolitique, c'est que [la] croissance interne en Chine est en train de disparaître et on a donc de plus en plus de produits chinois qui se retrouvent sur le marché international. Cela crée des tensions commerciales avec l'Europe, avec les États-Unis. C'est un risque qui peut potentiellement dériver vers une guerre commerciale."
Le péril du trafic maritime
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) prévoit une diminution du transport mondial en 2024. Le secteur du transport maritime est sous pression, avec des trajets devenus dangereux comme le passage en mer Rouge où les rebelles houthis constituent une menace pour les navires commerciaux. "Les deux problèmes que l'on a aujourd'hui à la fin 2023 - début 2024, c'est la mer Rouge et le canal de Panama, avec des conséquences sur l’ensemble du transport maritime dans le monde", explique Marcelo Olarreaga.
Contraintes de modifier et de rallonger leurs itinéraires, les compagnies maritimes doivent procéder à des hausses importantes de tarifs, ce qui va avoir un impact sur les prix. La plateforme de logistique Container xChange estime que la crise en mer Rouge pourrait faire grimper les coûts du transport maritime de 60%, avec pour les armateurs, une surprime de l'ordre de 20% pour le primes d’assurances.
La course mondiale pour l’économie "verte"
Des milliards de dollars sont alloués à la transition vers une économie plus verte. Un formidable vecteur de relance et une arme pour lutter contre le réchauffement climatique. Une compétition mondiale s’est engagée pour réduire l’empreinte carbone. Voitures électriques, énergies renouvelables, construction de parcs éoliens, une course aux investissements dominée en 2023 par la Chine (890 milliards dollars), suivie par les Etats-Unis (370 milliards de dollars) et l’Union européenne (24 milliards de dollars).
La Chine a été la première à se lancer dans cette transformation de leur économie, explique Marcelo Olarreaga, en subventionnant massivement la transformation écologique. Selon lui, "maintenant, nous sommes tous devenus Chinois. On subventionne tous ces transformations dans l'économie verte. Ce qui est une bonne chose car nous avons besoin de cette transformation."
Portée par la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, cette compétition révèle des réflexes protectionnistes. Pour faire face à la concurrence venue d’Asie et des Etats-Unis, estime Marcelo Olarreaga "l’Europe envisage d’introduire des taxes à la frontière. Ces taxes ne sont pas justifiées en Europe, mais surtout elles peuvent créer des tensions au niveau multilatéral. Au lieu de réagir de manière multilatérale à un problème qui est global, on est en train de réagir de manière nationale".
Olivier Kohler