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Malgré l'aggravation de la situation au Liban, "les opérations du CICR ne cesseront pas"

L'invitée de La Matinale - Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du CICR au Liban
L'invitée de La Matinale - Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du CICR au Liban / La Matinale / 14 min. / jeudi à 07:00
Alors que la tension croît au Liban, en pleine escalade du conflit entre Israël et le Hezbollah, le CICR poursuit sa mission. Invitée dans La Matinale de la RTS, la cheffe de la délégation dans le pays, Simone Casabianca-Aeschlimann, alerte sur les besoins croissants d'infrastructures et de matériel médical pour protéger au mieux la population.

De nouvelles frappes ont visé Beyrouth dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon l'agence officielle libanaise NNA, 17 raids ont touché la capitale et sa banlieue sud. L'un d'eux a frappé un centre de secours du Hezbollah, faisant au moins six morts.

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Face à ces attaques, la population libanaise apparaît plutôt démunie. Car même si les frappes sur Beyrouth ont majoritairement été ciblées, "elles causent beaucoup de dégâts", indique Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Liban.

Invitée dans La Matinale de la RTS, elle explique que malgré les ordres d'évacuation, qui sont généralement donnés à la dernière minute, il reste difficile pour les Libanaises et les Libanais de se protéger de ces attaques. "Les personnes qui ont le temps et les moyens de se mettre à l'abri vont essayer de le faire, mais toutes les rues sont congestionnées à cause des voitures et des gens", dit-elle.

L'infrastructure, les abris et les centres d'accueil sont insuffisants et ne sont pas équipés pour recevoir un tel nombre de personnes dans un si court laps de temps

Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du CICR au Liban

Le nombre grandissant de déplacés représente également un problème. De nombreuses personnes fuient le sud du Liban ou la vallée de la Bekaa, près de la frontière avec Israël, pour se rendre dans la capitale. "Il y a environ 1,2 million de déplacés actuellement dans le Liban, et une grande majorité de ces personnes se retrouvent à Beyrouth", précise Simone Casabianca-Aeschlimann. "L'infrastructure, les abris et les centres d'accueil sont insuffisants et ne sont pas équipés pour recevoir un tel nombre de personnes dans un si court laps de temps".

Activités réorientées

Malgré tout, sur place, le travail humanitaire se poursuit. "C'est le mandat même du CICR", rappelle Simone Casabianca-Aeschlimann, précisant que si les familles des collaborateurs ont été évacuées, l'organisation ne quittera pas Beyrouth. "S'il faut relocaliser une partie de l'équipe temporairement pour mieux travailler, c'est quelque chose qu'on envisage tout à fait", affirme-t-elle. "Mais les opérations du CICR ne cesseront pas".

La Croix-Rouge est présente depuis longtemps au Liban, mais le conflit actuel l'a forcée à réorienter ses activités pour se concentrer sur les domaines "où il y a le plus grand besoin", à savoir dans les services médicaux et les soins. "Cela représente dans un premier temps de réallouer les équipes déjà sur place, de demander du renfort, de préparer du stock", indique la cheffe de la délégation du CICR au Liban. "Et nous sommes en train d'acheminer du personnel et du matériel médical supplémentaire".

S'il faut relocaliser une partie de l'équipe temporairement pour mieux travailler, c'est quelque chose qu'on envisage tout à fait, mais les opérations du CICR ne cesseront pas

Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du CICR au Liban

Plan de contingence

"Heureusement que le CICR avait déjà un grand programme de santé, donc ça nous a permis de réajuster les ressources et de travailler en proximité avec le ministère de la Santé afin d'assurer une excellente coordination et de ne pas dupliquer les efforts", poursuit-elle. "Et nous donnons un grand soutien au système médico-légal qui, malheureusement, est complètement débordé, tant en expertise qu'en matériel".

L'Etat libanais, englué dans une crise socio-économique depuis bientôt cinq ans, est en effet dépassé par les événements. "Tous les services, toutes les infrastructures, tout a été extrêmement affaibli, y compris le secteur de la santé, où plus de 20% des docteurs et infirmières avaient déjà quitté le pays à cause de la crise socio-économique", explique Simone Casabianca-Aeschlimann. "Donc on part de très loin".

Le système médico-légal est, malheureusement, complètement débordé, tant en expertise qu'en matériel

Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du CICR au Liban

Le CICR s'était toutefois préparé "au cours des douze derniers mois" à une extension du conflit au Liban, avec "un plan de contingence très robuste". "Nous avions mis à disposition des stocks additionnels et répartis le matériel afin de pouvoir intervenir, même si les routes venaient à être coupées, par exemple", dit Simone Casabianca-Aeschlimann.

Dialoguer avec toutes les parties

L'acheminement de l'aide humanitaire fonctionne cependant encore, même si les quantités nécessaires sont énormes. Le CICR appelle donc toutes les parties du conflit à "respecter le droit international humanitaire et de ne pas empêcher l'aide humanitaire d'arriver à Beyrouth et au Liban".

L'une des particularités du CICR dans les zones de conflit est en effet de dialoguer avec tous les acteurs en présence, qu'il s'agisse de l'Etat libanais, du Hezbollah ou encore d'Israël. "C'est indispensable, parce que c'est le seul moyen pour nos équipes de pouvoir bouger sur le terrain et de faire leur mission" de manière plus ou moins sécurisée, estime Simone Casabianca-Aeschlimann.

La paix n'est pas imminente. Mais il faut y croire et y travailler avec tous les concernés

Simone Casabianca-Aeschlimann, cheffe de la délégation du CICR au Liban

Au-delà des aspects opérationnels concernant le positionnement de ses équipes, ce dialogue permet au CICR d'insister sur l'importance d'épargner les civils et de laisser les humanitaires et le personnel médical faire leur travail. "Nous pensons qu'en parlant aux parties du conflit, nous pouvons au moins nous assurer que certaines normes soient respectées et que la souffrance puisse être diminuée", affirme Simone Casabianca-Aeschlimann.

La cheffe de la délégation du CICR au Liban dit croire en "la force de la diplomatie humanitaire". Elle croit encore également à la paix, même si elle ne s'attend pas ce qu'elle soit imminente. "Mais il faut y croire et y travailler avec tous les concernés", conclut-elle.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Emilie Délétroz

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