Comme d'autres pays européens, l'Autriche a beaucoup misé sur le gaz russe pour son approvisionnement. Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, de nombreux pays ont changé d'avis et optent à la place pour le gaz naturel liquéfié (GNL), notamment en provenance des États-Unis, du Qatar ou d'Australie. L'Autriche, quant à elle, continue de s'approvisionner en Russie pour environ 90 % de ses besoins en gaz.
La guerre en Ukraine a fait craindre une pénurie de gaz en Europe pour l'industrie et les ménages. Dans un premier temps, les prix ont donc explosé. Entre-temps, le marché a radicalement changé. "Aujourd'hui, il y a environ 550 milliards de mètres cubes de GNL sur le marché mondial. D'ici 2028, 280 milliards de mètres cubes supplémentaires devraient s'y ajouter, ce qui est énorme", note Anne-Sophie Corbeau, chercheuse au Center on Global Energy Policy de l'Université de Columbia. Cette évolution aura également une influence sur le prix.
Contrat renouvelé entre OMV et Gazprom
OMV est l'un des plus grands groupes énergétiques d'Autriche, dans lequel l'Etat a également une participation. En 2018, la société autrichienne a prolongé le contrat de livraison de gaz avec le russe Gazprom jusqu'en 2040. Le gaz n'étant pas officiellement sous sanctions, OMV ne voit aucune raison de ne pas honorer le contrat d'achat et continue à s'approvisionner en gaz russe bon marché.
Lorsque cette situation a été rendue publique à la fin 2023, les achats de gaz par l'Autriche ont suscité des critiques dans toute l'Europe. Nombre de responsables estiment que le trésor de guerre de la Russie ne devrait pas être alimenté par l'argent des consommateurs européens de gaz. Pour ces critiques, l'Etat autrichien aurait dû intervenir en conséquence, mais celui-ci n'aurait pas eu connaissance des détails du contrat.
Plus qu'un gazoduc entre la Russie et l'Europe
Tous les grands gazoducs reliant la Russie à l'Europe ont été fermés, sauf un. Nord Stream 1 a été saboté, Nord Stream 2 n'est officiellement pas en service, le gazoduc Yamal transporte désormais du gaz de l'ouest vers l'est. Seul reste le gazoduc Soyouz/Brotherhood, qui traverse l'Ukraine pour arriver en Europe centrale.
Toutefois, le transit de gaz entre la Russie et l'Europe via l'Ukraine est régi par un contrat qui expire à la fin 2024. "Il est peu probable que le contrat soit prolongé", déclare Wolfgang Urbantschitsch, le chef d'E-Control, l'autorité autrichienne de régulation de l'électricité et du gaz. C'est ce que laissent entendre les déclarations des responsables politiques autrichiens.
Que peut faire l'Autriche?
Wolfgang Urbantschitsch évoque différentes options. OMV pourrait négocier de nouveaux contrats d'achat avec la Russie. "Mais cela comporte un grand risque de réceptionner le gaz directement à la frontière russe" En conséquence, il ne pense pas qu'un tel scénario soit réaliste.
La possibilité que l'Azerbaïdjan devienne un nouveau fournisseur de gaz via l'Ukraine est une option. Cependant, cette solution ne permettrait pas d'exclure que du gaz russe transite par l'Ukraine par des voies détournées.
Reste que si la Russie ne pouvait plus garantir les livraisons de gaz, OMV pourrait se retirer de leur contrat de longue durée avec Gazprom ou le contester.
Un approvisionnement assuré mais plus cher
Malgré ces incertitudes, l'Autriche a sécurisé son approvisionnement en gaz, assure le chef d'E-Control Wolfgang Urbantschitsch. "OMV peut acheminer du gaz de Norvège vers l'Autriche. Il est également possible d'acheminer du GNL par bateau vers l'Europe et de l'injecter ici dans le réseau gazier."
Toutefois, le gaz devrait être un peu plus cher à l'avenir en raison de ces détours et des taxes de transit. Wolfgang Urbantschitsch s'attend à des majorations de 5% à 10%. Parallèlement, l'Autriche veut elle aussi développer son offre d'énergies renouvelables au cours des prochaines années.
Dario Pelosi, SRF
Adaptation en français: Didier Kottelat
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Cet article est initialement paru en allemand sur le site de la chaîne publique de Suisse alémanique SRF et a été traduit par la rédaction de "dialogue". Vous pouvez lire l’article original sur SRF News.
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