Restaurer la grandeur de la Russie comme au temps de l'URSS est devenu l’obsession de Vladimir Poutine. On le voit notamment avec la guerre en Ukraine, les répressions de toute dissidence interne ou encore l’instrumentalisation et la réécriture du passé.
Pour Maria Stepanova, Vladimir Poutine a une certaine utopie, un idéal politique qui évoque une période de l'Union soviétique. "Sa conception de gouvernement se réfère aux années 40 et au début des années 50, avant la mort de Staline. Il y avait une certaine unité esthétique, une vie bien ordonnée si l'on peut dire. L'Union soviétique avait un certain nombre d'idées qu'elle essayait de concrétiser. Mais avec Poutine il n'y a rien d'idéaliste, il n'y a pas d'idéologie derrière sa politique, elle est très pragmatique."
"Le pouvoir de Poutine est assez fragile"
Un pragmatisme brutal dont l’objectif premier est le renforcement du pouvoir central et le verrouillage de la société. "Le fonctionnement de la machine d'Etat évoque de plus en plus l'Union soviétique et les peines de prison de l'époque de Staline. Les emprisonnements politiques des années 70 et 80 étaient beaucoup plus légers. Mais maintenant, ils donnent 8 ou 16 ans de prison à une personne qui a reposté un message sur Facebook", souligne l'auteure russe.
Mais d'une certaine manière, "un peu perverse", cela donne un peu d'espoir, poursuit Maria Stepanova. "Cela signifie que le pouvoir de Poutine, le pouvoir de l'État russe, est assez fragile, et qu'ils ont peur de le perdre."
Stratégie de survie
Une crispation du pouvoir par peur de le perdre que l'on perçoit toutefois difficilement chez Vladimir Poutine. Mais pour Maria Stepanova, la société russe n’est pas aussi alignée derrière son président qu’on pourrait le croire
Le fait de rester silencieux face à Vladimir Poutine est une stratégie de survie
"La question principale est celle de la majorité silencieuse. Des personnes qui changeraient rapidement d'opinion si quelque chose arrivait à Poutine, mais qui sont aujourd'hui impassibles et veulent rester en sécurité. Il s'agit peut-être de personnes différentes, mais l'état d'esprit est très similaire à celui qui prévalait pendant les 70 années du régime soviétique. Vous êtes censé être silencieux, invisible. Et garder vos opinions pour vous. C'est une sorte d'outil de survie."
Le passé, un nouveau culte
Une stratégie de survie inscrite dans la mémoire longue en Russie et un passé qui est instrumentalisé par Vladimir Poutine, avec notamment le rappel constant des heures glorieuses et de la grande victoire patriotique sur l’Allemagne nazie. Pour l'auteur du livre "En mémoire de la mémoire", le passé devient un nouveau culte et pas seulement en Russie.
"Je pense que l'obsession du passé devient de plus en plus globale. Et pour un certain nombre de gouvernements ou d'hommes politiques de droite ou d'extrême droite, cela devient un outil utile. Le passé est ainsi devenu un exemple à suivre, comme si c’était un espace sécurisé, un mode de vie meilleur", conclut Maria Stepanova.
Propos recueillis par Patrick Chaboudez/hkr