Michel Barnier a annoncé qu'il dévoilera la composition de son gouvernement cette semaine, sans préciser le jour exact. "Ne soyez pas impatients. [...] Je suis un paysan montagnard. Une étape après l'autre", a déclaré mercredi passé le Savoyard, membre du parti de droite Les Républicains. L'homme politique de 73 ans poursuit depuis ses consultations pour choisir les ministres.
Le nouveau dirigeant est forcé de jouer aux équilibristes devant une Assemblée nationale fragmentée, dans laquelle aucun bloc n'a de majorité. Il doit composer avec les différentes forces en présence et éviter une censure qui le forcerait à démissionner. Une situation inhabituelle en France et décrite comme "une équation complexe" ou un "casse-tête".
La gauche promet la censure
La coalition de gauche, arrivée en tête lors des élections législatives en début d'été, martèle qu'elle déposera le plus tôt possible une motion de censure contre le nouvel exécutif. Elle juge en effet que la volonté populaire a été bafouée par la nomination d'un représentant d'un parti de droite dont le groupe ne compte que 47 élus sur 577 à l'Assemblée nationale.
Lors de la Fête de l'Humanité, grand raout de la gauche qui s'est déroulé le week-end dernier à Brétigny-sur-Orge, près de Paris, les dirigeants des quatre partis du "Nouveau front populaire" ont tout fait pour afficher leur unité. Mais l'alliance montre aussi des signes de division: alors que la France insoumise se montre intraitable, refusant même de rencontrer Michel Barnier, des personnalités ont adopté une position plus ambiguë au sein des autres forces politiques (socialistes, communistes et écologistes).
Le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) Fabien Roussel a ainsi accepté de rencontrer le Premier ministre mardi à Matignon, "pour voir ce qu'il a dans le ventre". Il a assuré lundi sur France Inter que les députés du PCF allaient prendre part à la censure en "fonction de son discours [de politique générale], de ce qu'il va annoncer". Mais le leader communiste a ajouté avoir "peu d'espoir" au vu du positionnement de Michel Barnier.
Pas de censure du RN "a priori"
Pour être acceptée par l'Assemblée, la motion de censure a besoin des voix du Rassemblement national. Or, la formation d'extrême droite s'est engagée à ne pas censurer "a priori" Michel Barnier. Le parti voit en effet déjà plus loin.
Samedi devant ses camarades députés, Marine Le Pen a appelé à une nouvelle dissolution de l'Assemblée, après celle de juin, une fois le délai d'un an passé. Le RN se prépare d'ores et déjà à une nouvelle élection, dont il espère ressortir cette fois vainqueur grâce à une nouvelle organisation. Celle-ci doit lui permettre d'éviter, parmi ses candidats, toute "erreur de casting" qui lui coûterait des sièges, selon le député Laurent Jacobelli. En attendant, Marine Le Pen se délecte de se voir placée en arbitre du jeu politique.
Michel Barnier a reçu à nouveau lundi après-midi les responsables de son propre parti. Chez Les Républicains, arrivés avec leurs alliés en quatrième position lors des législatives, la nomination d'un Premier ministre issu de ses rangs fait figure d'aubaine.
Des personnalités LR comme Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont affiché leurs nouvelles ambitions. Ils réclament l'attribution de postes clés du gouvernement afin que soit menée une "vraie politique de droite", avec notamment des restrictions sur l'immigration.
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"Nous serons ouverts à des compromis"
Des centristes, potentiels partenaires au sein du gouvernement, ont immédiatement averti qu'une telle option serait vouée à l'échec. Avec son petit nombre de députés, le groupe LR "ne peut pas imposer sa politique", a ainsi prévenu le chef des députés du MoDem Marc Fesneau.
Le camp présidentiel est arrivé second des législatives. Le prédécesseur de Michel Barnier à Matignon, Gabriel Attal, avait assuré début septembre que son groupe ne présentera "ni volonté de blocage, ni soutien inconditionnel".
"Nous serons ouverts à des compromis avec d'autres forces politiques", a-t-il ajouté. Tout en avertissant: "Rien ne pourra se faire sans nous."
Une approche prudente, mais le temps presse
Michel Barnier lui-même ne laisse presque rien filtrer sur sa stratégie. Il a dit la semaine passée avancer "un pas après l'autre, en faisant attention où on met les pieds". Il s'est aussi déclaré "à l'écoute".
L'ancien commissaire européen en charge notamment des négociations du Brexit est connu pour sa méticulosité lorsqu'il s'agit de rencontrer des acteurs du jeu politique. Mais le temps presse: tout juste formé, le nouveau gouvernement aura à affronter une première épreuve, celle du vote sur le budget 2025. Le projet de loi de finances devait en principe être présenté à l'Assemblée nationale le 1er octobre. Michel Barnier envisage désormais de repousser cette présentation au 9, après sa déclaration de politique générale.
Antoine Michel avec l'afp