Mobilisations et revendications au menu de la journée internationale des droits des femmes
En Suisse, les femmes se mobilisent pour leurs droits et l'égalité. Outre une réception traditionnelle au Palais fédéral, des actions syndicales et d'organisations féminines ont été menées vendredi dans tout le pays.
Conformément à la tradition, la présidente du Conseil des Etats Eva Herzog (PS/BS) a reçu ce vendredi à Berne 350 femmes de toute la Suisse et d'horizons divers au Palais fédéral. L'accent était placé sur l'indépendance financière des femmes ainsi que sur leur sécurité et leur situation au niveau international.
Des discussions avec la présidente de la Confédération Viola Amherd, ainsi qu’avec celle du CICR, Mirjana Spoljaric, étaient au programme. Les anciennes conseillères fédérales Ruth Metzler, Ruth Dreifuss et Simonetta Sommaruga ont participé à des ateliers.
Les syndicats Travail.Suisse et Syna ont remis à cette occasion le rapport d'évaluation de la loi révisée sur l'égalité entre femmes et hommes à Viola Amherd.
A Neuchâtel, ce 8 mars a aussi été l'occasion pour Solidarité femmes à Neuchâtel de lancer un fonds d’entraide pour soutenir les migrantes victimes de violences sexuelles et sexistes.
De leur côté, les Femmes socialistes neuchâteloises (FSN) ont appelé à une meilleure représentativité au sein des conseils généraux et des conseils communaux des communes du canton à l'occasion des futures élections du 21 avril. L'organisation déplore que le pourcentage de femmes sur les listes électorales soit inférieur à 40%, voire, même inférieur à 30%, selon les communes.
L'IVG officiellement scellée dans la Constitution française
Outre les manifestations prévues dans toute la France pour défendre l'égalité femmes-hommes et les "salariées essentielles mal payées", le 8 mars a été l'occasion d'un moment rare: la pose du sceau sur la Constitution où sera désormais mentionnée la liberté de recourir à l'IVG.
La cérémonie du scellement de la Constitution révisée a commencé à midi, en présence du président Emmanuel Macron, devant le ministère de la Justice, place Vendôme, et s'est terminée vers 14h.
Une cinquantaine d'organisations, dont des associations et des syndicats, appellent aussi à la grève du travail et des tâches domestiques, à l'image de celles qui ont eu lieu en Espagne ou en Islande, pour réclamer des mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes.
Pour le 8 mars, des manifestations étaient prévues dans près de 200 lieux en France, dont Bordeaux, Lyon et Marseille et Quimper. A Paris, le cortège est parti à 14h de la place Gambetta vers Bastille. L'objet de ces manifestations était de dénoncer notamment les inégalités salariales (voir encadré).
Pour la même occasion, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a condamné "dans les termes les plus forts" le viol utilisé comme arme de guerre "partout où il est commis". "C'est toute la communauté internationale qui doit condamner avec la plus grande clarté et la plus grande fermeté les violences sexuelles barbares commises par le Hamas et d'autres groupes terroristes le 7 octobre", a-t-il dit.
Il a aussi exhorté à ne pas oublier "non plus les viols commis par les troupes russes en Ukraine", des crimes qui ne doivent "pas rester impunis".
Vote pour moderniser la Constitution irlandaise
En Irlande, cette journée des femmes s'est traduite par un vote du peuple pour moderniser sa Constitution sur les femmes et la famille. Le texte date de 1937 quand l'Eglise catholique régnait dans le pays sur la vie publique et privée.
La première question qui leur a été posée portait sur la définition de la famille en proposant de l'élargir au-delà de celle fondée sur le mariage, pour inclure également les "relations durables" comme les couples en concubinage et leurs enfants.
La seconde propose d'effacer une référence dépassée sur le rôle des femmes dans le foyer, qui suggère qu'elles aient le devoir de prendre soin des autres personnes sous leur toit.
Les bureaux de vote ont ouvert à 8h en Suisse et fermeront à 23h Les résultats sont attendus samedi. Selon le média public irlandais RTE, la participation était faible en milieu de journée.
>> Pour en savoir plus, lire : L'Irlande vote pour effacer de sa Constitution une définition sexiste du rôle des femmes
Manifestations au Pakistan et à Johannesburg
Au Pakistan, des centaines de femmes sont sorties dans les rues vendredi pour défendre leurs droits. Mais la mobilisation a été généralement critiquée dans ce pays par les groupes religieux conservateurs qui lui reprochent d'importer des valeurs occidentales.
Des Pakistanaises se sont rassemblées dans les grandes villes du pays pour les marches du 8 mars - appelées "Aurat" (femme), destinées à mettre l'accent sur des thèmes tels que le harcèlement dans les rues, le travail forcé ou le manque de femmes au Parlement.
"Nous faisons face à toutes sortes de violences: physique, sexuelle, culturelle où les femmes sont échangées pour régler des différends, les mariages d'enfants, le viol, le harcèlement au travail, dans les rues", a déclaré l'organisatrice principale de la manifestation à Islamabad en ajoutant que les auteurs de ces crimes ne sont "pas punis".
A Johannesburg aussi, près de 200 femmes et militantes ont tenté de faire entendre leur voix en répondant à l'appel du Conseil juif sud-africain pour dénoncer les viols et exactions présumés commis par le Hamas sur des otages israéliens à Gaza et le silence du président Cyril Ramaphosa. Elles se sont réunies sous la bannière "Me Too sauf pour les Juifs".
Plainte pour avoir droit à porter des noms différents une fois mariés au Japon
Au Japon, cette journée a été l'occasion pour six couples de porter plainte contre le gouvernement pour réclamer le droit pour les époux de porter des patronymes différents, une possibilité exclue à ce stade.
Le droit civil japonais, datant du XIXe siècle, dispose que les époux doivent porter le même nom, que ce soit celui du mari ou celui de la femme. Dans 95% des cas, c'est celui du mari qui s'impose, selon les avocats des plaignants.
Moscou célèbre les combattantes en Ukraine
En Russie, le président Vladimir Poutine a salué les soldates combattant en Ukraine et celles qui soutiennent l'attaque de Moscou contre son voisin. Il a également promulgué, à l'occasion du 8 mars, un décret graciant 52 femmes condamnées et détenues en prison, dont certaines ont des parents militaires.
Dans son discours, le président russe a déclaré qu'il rendait un hommage particulier aux "femmes qui se trouvent dans la zone d'opération militaire spéciale" en Ukraine et "qui accomplissent des missions de combat".
>> Suivez la guerre entre l'Ukraine et la Russie en direct : Kiev et Moscou disent avoir abattu des dizaines de drones ennemis
Selon le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, plus de 300'000 femmes "servent et travaillent dans les forces armées" russes.
>> Sur l'égalité homme-femme, lire : Dans une société égalitaire, "les hommes ne se sentiraient pas obligés de toujours prouver leur masculinité"
juma avec agences
L'égalité des salaires au centre des revendications
Même dans les entreprises dites "exemplaires", les femmes sont toujours inexplicablement moins bien payées que les hommes, selon Travail.Suisse. Les syndicats suisses mettent la question de l'inégalité salariale au coeur de la journée des droits des femmes vendredi.
Salaire plus bas, manque d'augmentation et harcèlements pour les suissesses
La loi sur l'égalité (LEg), en vigueur depuis juillet 2020, n'est pas assez efficace pour supprimer les différences de salaires entre les femmes et les hommes, affirme Travail.Suisse qui a analysé 200 grandes entreprises du pays, employant un total de 500'000 employés. Les hommes y gagnent en moyenne, sans justification, 2,9% de plus que les femmes, une valeur pouvant monter à 7,5% dans certaines entreprises.
L'organisation rappelle qu'en moyenne, les femmes gagnent 43% de moins que les hommes.
Cette inégalité de revenu générale est due à l'importante présence des femmes dans les branches à bas salaires, note l'Union. Elle appelle donc à relever particulièrement les salaires dans les professions où les femmes sont majoritaires, comme le nettoyage, la prise en charge de tiers et le commerce de détail.
Sur le sujet, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a rappelé que les femmes gagnent en moyenne 1500 francs de moins par mois que les hommes.
Dans une vidéo postée sur le réseau social X, la cheffe du Département fédéral de l'intérieur (DFI) a aussi relevé que les femmes sont plus rarement cheffes et assument plus souvent le travail non rémunéré.
De son côté, Unia alerte particulièrement sur la situation dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Près de la moitié des personnes ayant participé à une enquête du syndicat indiquent avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel et de mobbing. Aussi, toujours selon le syndicat, 75% des travailleurs de la branche n'ont pas reçu d'augmentation en 2024, alors que la convention collective nationale prévoyait une adaptation à l'inflation.
Plus de 23% de salaire en moins pour les salariées françaises
En France, les femmes salariées gagnaient en moyenne 23,5% de moins que les hommes dans le secteur privé en 2022, a rappelé mardi l'Insee. Cet écart ne s'explique qu'en partie par "le moindre volume de travail annuel des femmes", moins souvent en emploi et davantage à temps partiel.
A temps de travail identique, le salaire moyen des femmes reste inférieur de 14,9% car elles travaillent dans des secteurs et à des postes "moins rémunérateurs".
C'est donc dans ce sens qu'ont été organisées des manifestations vendredi en France, pour dénoncer notamment les inégalités salariales, qui existent "dans toutes les entreprises et dans toutes les administrations", a souligné la directrice de la CGT, le plus grand syndicat.
La secrétaire générale de la CGT a ainsi demandé vendredi des sanctions pour les entreprises qui ne "respectent" pas l'égalité femmes-hommes sur le plan salarial, lors d'un rassemblement du syndicat à Paris.
Le chef de l'ONU met en garde contre "un retour en arrière" pour les droits des femmes
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a mis en garde vendredi contre "un retour en arrière" pour les droits des femmes, tant dans les pays développés que ceux en développement.
"Dans le monde entier, plane la menace d'un retour de bâton pour les droits des femmes et, dans certains cas, un retour en arrière sur les progrès réalisés tant dans les pays en développement que dans les pays développés", a averti le chef de l'ONU à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes au siège de l'organisation à New York.