Montée de l'extrême droite, guerre en Ukraine, transition verte: les enjeux des élections européennes
- Quelque 360 millions d'électrices et d'électeurs sont appelés aux urnes entre le 6 et 9 juin pour renouveler le Parlement européen, la seule institution de l'Union européenne élue par les citoyens et citoyennes tous les cinq ans.
- Entre euroscepticisme, renforcement des souverainetés nationales et désaccords en matière de défense, ce scrutin pourrait voir l'extrême droite renforcer ses positions à Strasbourg.
- Ces élections donnent aussi le la des tendances politiques au niveau des différents pays, notamment avant d'autres échéances nationales. Ainsi, en France, le Rassemblement national (RN) part favori à trois ans d'une présidentielle très indécise. En Allemagne, le score de l'Alternative für Deutschland (AfD) sera scruté de près, tout comme ceux de Viktor Orban en Hongrie et Giorgia Meloni en Italie.
Isabel Ares/RTSinfo avec agences
Le Parlement européen
L'organe législatif de l'UE
Les élections européennes se tiennent du 6 au 9 juin afin de désigner pour cinq ans les 720 membres du Parlement européen issus des 27 pays membres de l'Union européennes. Le nouveau Parlement comptera 15 députés de plus que le Parlement sortant, composé de 705 députés.
Instaurées en 1979, les élections européennes permettent à quelque 360 millions d'électrices et d'électeurs européens de désigner leurs représentantes et représentants dans cet organe. Le vote est obligatoire en Belgique, en Bulgarie, au Luxembourg et en Grèce.
La répartition des sièges tient compte de la taille de la population des États membres ainsi que de la nécessité d'un niveau minimum de représentation des citoyens des petits pays. Cela signifie que si ces derniers ont moins de députés que les grands pays, les députés des grands pays représentent plus de personnes que les élus des petits pays. Le nombre minimum de sièges par pays est de six et le maximum est de 96. L'Allemagne sera par exemple représentée par 96 élus, la France 81, l'Autriche 20, l'Irlande 11 et Malte 6.
Les eurodéputés, élus à la proportionnelle en un tour, siègent dans des groupes politiques basés sur des idéaux similaires. Chaque groupe compte au moins 23 députés européens d'au moins un quart des pays de l'UE.
Il y a actuellement sept groupes au Parlement: le Parti populaire européen (centre-droit/droite), l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen (sociaux-démocrates), le groupe Renew Europe (centre/libéral), le groupe des Verts/Alliance libre européenne (écologistes), les Conservateurs et Réformistes européens (droite), le groupe "Identité et démocratie" (extrême droite) et le groupe de la Gauche au Parlement européen - GUE/NGL. Enfin, certains eurodéputés, aux courants politiques variés, ne siègent dans aucun groupe politique et figurent parmi les "non inscrits".
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Pas de droit d'initiative
Avec les gouvernements de l'UE, les eurodéputés se prononcent sur les lois appelées à régir les politiques communes et le marché européen. Ces élus choisissent par ailleurs la ou le président du Parlement européen et approuvent le ou la présidente de la Commission européenne, l'organe exécutif de l'UE, ainsi que les commissaires. Les eurodéputés partagent le pouvoir législatif avec le Conseil européen, qui réunit les ministres concernés de chaque pays. Le Parlement est indépendant du Conseil et de la Commission.
A l'inverse des parlements nationaux, le Parlement européen ne dispose pas du droit d'initiative, il ne peut donc pas proposer de lois. Il a en revanche la possibilité de soumettre un texte à la Commission européenne, en négocier le contenu ou le rejeter. Aucune loi ne peut être adoptée sans l'aval du Parlement européen. "Concrètement, les eurodéputés votent les actes législatifs européens, qui peuvent être des règlements (qui s'appliquent directement aux Etats) ou des directives (qui fixent des objectifs que les Etats membres doivent mettre en œuvre). Les élus passent également des résolutions, non contraignantes, qui permettent au Parlement de donner son avis", précise le site de l'institution.
Les enjeux généraux
Un possible virage à droite
Le futur Parlement européen se prononcera sur des enjeux jugés prioritaires, comme la transition "verte" de l'UE pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, une politique industrielle compétitive face aux Etats-Unis et à la Chine, l'union de l'énergie et des capitaux ou encore le renforcement des capacités de défense de l'Europe sur fond de guerre en Ukraine.
Le prochain Parlement devra aussi décider avec les Vingt-Sept du budget de l'UE pour la période 2028-2034. Ce budget à long terme devrait être augmenté et ses priorités de dépenses devraient être modifiées pour tenir compte de l'éventuel élargissement de l'UE à l'Ukraine, à la Moldavie et aux pays des Balkans occidentaux.
L'hémicycle pourrait pencher plus à droite lors de ce scrutin, car une forte progression de l'extrême droite est annoncée, notamment en France. Ce basculement pourrait notamment remettre en cause les engagements climatiques de l'UE et voir l'arrivée d'un nombre plus important d'eurosceptiques au sein du Parlement. La question de la migration pourrait aussi connaître un tournant.
Le niveau de l'abstention sera par ailleurs scruté: après un taux record de 57,46% en 2014, il a atteint 49,88% en 2019.
France
Une victoire probable pour le RN
En France, le candidat du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella semble survoler la campagne des élections européennes. A 28 ans, l'eurodéputé maîtrise les fondamentaux de l'extrême droite et la recette d'une communication efficace. La tête de liste du RN creuse l'écart, sondage après sondage, dépassant parfois le cap des 30%. Jordan Bardella pourrait ainsi réaliser le meilleur score de l'histoire de son parti, toutes élections confondues, alors même que le candidat semble peu intéressé par la matière parlementaire européenne et est souvent absent.
Face à lui, la campagne de la candidate du camp présidentiel Valérie Hayer, peu médiatisée jusqu'ici, ne décolle pas. D'après les sondages, Jordan Bardella pourrait la devancer de 13 à 15 points, alors qu'il n'a terminé qu'avec un point d'avance sur les macronistes en 2019. Le 23 mai dernier, c'est même le Premier ministre Gabriel Attal qui a été envoyé à la rescousse d'une liste en mauvaise posture pour débattre face à Jordan Bardella dans un duel télévisé vif et parfois cacophonique.
L'eurodéputé et tête de liste du Parti socialiste Raphaël Glucksmann est lui donné au coude-à-coude avec la liste macroniste pour la seconde place. Le candidat social-démocrate pro-européen et pro-Ukraine incarne la renaissance d'un PS libéré de son alliance avec La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, qui considère Raphaël Glucksmann comme un ersatz macroniste. La candidate LFI Manon Aubry, dont la campagne est axée sur la cause palestinienne, stagne elle autour des 6% dans les intentions de vote.
La guerre en Ukraine et le soutien à Kiev sont au cœur de la campagne européenne du camp présidentiel. Emmanuel Macron s'est notamment rendu mi-avril à l'inauguration du chantier de la future usine de poudre d'artillerie du groupe Eurenco à Bergerac, en Dordogne, pour défendre la souveraineté du pays en matière de défense.
Le président a également répété qu'il n'excluait pas l'envoi de troupes françaises au sol en Ukraine. En vue de la conférence sur la paix en Ukraine qui aura lieu au Bürgenstock (NW) les 15 et 16 juin, le camp macroniste se montre par ailleurs sceptique sur la possibilité de s'entendre avec la Russie.
De son côté, le RN reste concentré sur ses thèmes de prédilection que sont l'immigration et l'identité française et il fait aussi de ce scrutin un référendum pour ou contre Emmanuel Macron.
Allemagne
L'extrême droite en mauvaise posture
En Allemagne, la campagne a jusqu'à présent été dominée par plusieurs accusations d'espionnage concernant l'extrême droite. Le scandale porte principalement sur Maximilian Krah, le candidat en tête de la liste du parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD). Son bras droit, Jian Guo, arrêté fin avril, est lui accusé de s'être livré à des activités d'espionnage au profit de la Chine. Le candidat a également été interrogé par le FBI lors d'un voyage aux Etats-Unis au sujet de messages suspects sur son téléphone provenant de Russie.
Maximilian Krah a été interdit par l'AfD de meetings et d'événements de campagne pour les européennes. Mais le candidat n'est pas un cas isolé au sein du parti. Le numéro deux sur la liste électorale est soupçonné d'avoir touché de l'argent de source pro-russe.
Le numéro trois a quant à lui été prié de se mettre en retrait en raison de sa proximité avec Björn Höcke, un élu de l'AfD condamné pour des propos nazis. Ces scandales ont mis à mal le parti dans les sondages, passant de 23% à un peu moins de 16% des intentions de vote.
Les affaires impliquant l'AfD et Maximilian Krah ont également eu pour conséquence son exclusion avec effet immédiat du groupe d'extrême droite Identité et Démocratie (ID) au Parlement européen, qui regroupe des eurodéputés issus de huit pays et dont les principales délégations proviennent de la Lega italienne (23 élus) et du RN français (18). Ce dernier avait déjà coupé les ponts avec la formation allemande.
La multiplication des violences, insultes et menaces contre le personnel politique est par ailleurs devenu un sujet de préoccupation majeure dans le pays ces dernières semaines, après une série d'agressions d'élus notamment affiliés au Parti social-démocrate (SPD) du chancelier Olaf Scholz.
Des financements pour une sortie du charbon
Parmi les thèmes de campagne figure notamment la transition énergétique. L'Allemagne a décidé de tourner la page du charbon au plus tard en 2038. La Lusace, région minière située à 150 kilomètres au sud de Berlin, est particulièrement concernée. Si plusieurs mines de lignite, un charbon polluant, y sont encore exploitées, l'heure est désormais au changement, avec l'aide de l'Union européenne.
Plusieurs programmes européens soutiennent la reconversion des régions touchées par la sortie du charbon, comme celui pour des vallées zéro émission ou le fonds JTF visant à financer la transition énergétique. L'Allemagne touchera près de 2,5 milliards de cette aide, dont près de la moitié pour la Lusace. La région espère ainsi devenir un pôle pour les énergies renouvelables et les technologies d'avenir.
Italie
Une influence européenne critiquée
La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, tête de liste du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia pour les européennes, s'oppose au modèle d'un "super Etat bureaucratique hypercentralisé", jugé "arrogant et envahissant". Suivant la ligne habituelle de sa formation, elle rejette le modèle fédéral européen, "ennemi des spécificités nationales, construit sur le transfert à la Commission européenne [...] de pans toujours plus importants de souveraineté de la part des gouvernements et parlements" des Etats-membres de l'UE. "Nous voulons une Europe forte et influente, qui fasse moins, mais mieux", a-t-elle résumé.
A moins d’un mois du scrutin, Fratelli d'Italia dominait largement dans les sondages, crédité de 27% des intentions de vote, contre 20% pour le Parti démocrate (centre-gauche), principal parti d'opposition. Un lutte oppose aussi le parti de Meloni à la formation de son vice-Premier ministre Matteo Salvini, avec des visions différentes de l'Europe.
La thématique de l'asile est au centre de la campagne dans le pays. L'Italie est en effet en première ligne face aux arrivées de migrants qui traversent la Méditerranée. L'année dernière, ils étaient plus de 155'000 à avoir franchi la mer. Alors que Giorgia Meloni a fait de la réduction des flux migratoires une priorité, l'asile dans le pays est toujours plus difficile et représente aujourd'hui un long parcours rempli d'incertitudes et de barrières bureaucratiques.
Manque de moyens, de personnel qualifié et d'interprètes: les fonctionnaires qui accompagnent les demandeurs et demandeuses d'asile sont surchargés. Les associations d'aide dénoncent des entraves et un blocage politique, qui ont empiré sous le gouvernement actuel. Selon elles, le nouveau pacte migratoire européen est venu entériner le démantèlement du droit d'asile, déjà débuté en Italie.
Le groupe audiovisuel public italien RAI est, lui aussi, au cœur de forts enjeux politiques depuis l'investiture du gouvernement Meloni, accusé par l'opposition et une partie des rédactions d'ingérence dans les programmes d'information. La RAI est entre autres financée par une redevance et ses dirigeants sont nommés depuis longtemps par des responsables politiques. Son indépendance a toujours été un sujet de débat, mais avec l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, les inquiétudes ont redoublé.
Pays-Bas
Une limitation de la coopération avec l'UE
Ces derniers mois, les agriculteurs et agricultrices ont manifesté dans toute l'Europe pour dénoncer notamment la multiplication des réglementations dans leur secteur. Aux Pays-Bas, cette "révolte des tracteurs" a fait tomber le gouvernement de Mark Rutte, Premier ministre depuis 2010, et a mis sur le devant de la scène un nouveau parti, le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB).
Si la colère est quelque peu retombée depuis, le mouvement agricole pourrait bien influencer les élections européennes dans le pays. Le BBB séduit au-delà du monde paysan, car "ses revendications ne sont pas seulement celles des agriculteurs concernant les mesures environnementales qui vont trop vite à leur goût, mais aussi celles liées à la crise de l'habitation aux Pays-Bas", explique Thijs Bermann, directeur exécutif de l'Institut néerlandais pour la démocratie multipartite et ancien eurodéputé travailliste, dans l'émission Tout un monde.
Après de longues négociations, qui duraient depuis les élections législatives de novembre, un accord pour un nouveau gouvernement de coalition a été trouvé mi-mai. Selon Thijs Bermann, celui-ci "jouera sur la limitation de la migration", jugée à droite comme responsable de la crise du logement, et "freinera les ambitions climatiques de l'Union européenne ainsi que toute politique européenne qui irait au-delà de l'union économique".
"Les Pays-Bas ont toujours été parmi les pays qui ont, d'une part, soutenu la construction européenne économique et, d'autre part, freiné la construction d'une Europe politique. Ils continueront de le faire, mais avec encore plus de réticences s'agissant des nouvelles initiatives européennes pour renforcer cette coopération", estime l'ancien eurodéputé.
Hongrie
Des relations tendues avec Bruxelles
En Hongrie, les élections européennes feront office de test pour le Fidesz, parti du Premier ministre Viktor Orban, qui remporte tous les scrutins depuis 2010. Elles sont considérées comme un référendum sur la direction politique du pays, y compris au niveau national, les Hongrois et Hongroises élisant également le 9 juin leurs maires et gouvernements locaux.
Certains y voient une stratégie du gouvernement afin de favoriser le pouvoir en place en mobilisant une plus grande participation, notamment dans les régions rurales.
Mais Viktor Orban risque aussi de mobiliser davantage l'opposition dans les villes. Péter Magyar, l'homme qui incarne l'adversaire du Fidesz et l'espoir pour une partie de l'électorat, fait sensation. Méconnu du grand public il y a encore quelques mois, cet avocat est un ancien membre du parti de Viktor Orban qui a longtemps fréquenté les hautes sphères du pouvoir. Péter Magyar appelle notamment à chasser le Premier ministre, renforcer les liens avec l'UE et retrouver les valeurs démocratiques. Son parti Tisza récolterait jusqu'à 25% des intentions de vote aux européennes, selon les derniers sondages, contre près 50% pour le Fidesz.
Le mouton noir de l'UE
En quinze ans de pouvoir, Viktor Orban s'est, lui, imposé en homme fort de la Hongrie. Le Fidesz ambitionne de changer l'Europe de l'intérieur en redonnant la priorité à la famille, la communauté chrétienne et la nation. Le pays donne d'ailleurs déjà du fil à retordre à l'Union européenne avec l'adoption de nombreuses lois touchant à l'Etat de droit dans différents secteurs tels que les médias, la culture ou encore l'éducation.
Depuis trois ans, une loi sur la propagande interdit toute promotion des représentations relatives au genre et aux identités sexuelles dans le pays. Ce texte vise les médias, l'éducation, les librairies et le milieu de l'édition.
Estonie
Des velléités de défense européenne
Le renforcement de la défense militaire, dans un contexte de guerre en Ukraine, et le développement de l'économie numérique face aux géants américains GAFAM préoccupent particulièrement l'Estonie. Ce petit pays balte de 1,3 million d'habitantes et habitants vit avec le souvenir de l'URSS, présente jusqu'en 1991. Beaucoup attendent de l'Union européenne qu'elle fasse front commun face à la Russie frontalière. Au total, quelque 30'000 volontaires consacrent leur temps libre à la Ligue de défense estonienne, un groupe paramilitaire qui s'entraîne dans une forêt aux confins du pays.
Particulièrement vulnérable aux cyberattaques russes, l'Estonie s'est dotée d'infrastructures numériques parmi les plus avancées au monde. Sa capitale Tallinn est d'ailleurs parfois surnommée la "Silicon Forest" de l'Europe. L'Estonie, où la quasi-totalité des services de l'Etat sont accessibles en ligne, est aussi l'un des rares membres des Vingt-Sept donnant l'accès au vote électronique et le pays va étendre cette possibilité aux smartphones dès l'année prochaine.
Plus de budget pour la défense
La Première ministre estonienne Kaja Kallas, très médiatisée, se démarque comme figure politique. Surnommée "The War Princess of Europe" (la princesse de la guerre de l'Europe, en anglais), cette ancienne eurodéputée estime notamment qu'il revient à l'Europe "de faire en sorte que la guerre en Ukraine soit la dernière guerre coloniale de la Russie".
Son parti, le Parti de la réforme (centre-droit), veut relancer l'industrie européenne de la défense et souhaite que l'UE dépense plus en la matière, à l'instar des sociaux-démocrates et du parti nationaliste Isamaa, qui grimpe dans les sondages. Seul le Parti populaire conservateur, d'extrême droite, se montre eurosceptique, avec des positions ambivalentes vis-à-vis de la Russie. La formation est, elle, en net recul dans les sondages.
Ailleurs dans l'UE
Un scrutin très local en Espagne, crispations autour de l'agriculture et le spectre de la Russie
En Espagne, quatrième pays le plus représenté au Parlement européen (61 sièges), la campagne européenne est principalement dominée par des enjeux intérieurs, en particulier la question catalane. Ce pays traditionnellement europhile, l'un des rares en Europe où la gauche est au pouvoir, fait figure d'exception dans le paysage européen, avec une extrême droite en perte de vitesse et une bataille gauche-droite plus classique entre le PP (droite) et le PSOE (gauche).
Un succès de la droite pourrait toutefois ébranler le gouvernement de Pedro Sánchez, qui dispose d'une fragile majorité (comprenant notamment le centre-gauche catalan) ayant déjà été ébranlée par plusieurs affaires. Le scrutin intervient après des élections régionales anticipées au Pays basque (21 avril) et en Catalogne (12 mai) qui placent le gouvernement national dans l’incapacité de présenter un budget pour 2024.
La question environnementale, en particulier autour de l'agriculture, et les clivages de genre - surtout au sein de la jeunesse - pourraient aussi jouer un rôle important.
En Pologne, cinquième pays de l'hémicycle (53 sièges), où la droite nationaliste conserve un poids important malgré sa défaite aux élections législatives d'octobre 2023, c'est le spectre de la Russie qui pèse en particulier sur la campagne. L'Union européenne est ainsi redevenue l’une des priorités du gouvernement, dirigé par Donald Tusk, lui-même ancien président du Conseil européen (2014-2019).
Signe de la tension autour de ce scrutin, une fausse dépêche est apparue vendredi à deux reprises sur le service de l'agence de presse nationale polonaise PAP, selon laquelle 200'000 Polonais seraient mobilisés pour aller combattre en Ukraine. Donald Tusk a dénoncé un piratage "très dangereux" qui "illustre la stratégie de déstabilisation russe". "Il devient de plus en plus clair à quel point ces élections européennes sont importantes pour nous", a-t-il ajouté sur X.
Si la guerre en Ukraine a poussé une partie des Polonaises et des Polonais à tourner le dos à la droite nationaliste, les thèmes de l’immigration et de la souveraineté sont restés très présents. Ainsi, selon le journal Libération, "sur ces questions, il ne faut pas s’attendre à ce que la politique se déplace vers le centre: c’est plutôt le centre qui se déplacera plus fortement vers la droite." Enfin, comme dans une grande partie de l'UE, la colère des agriculteurs, liée notamment aux importations ukrainiennes et contre les réglementations du Green Deal européen, pèsera lourd dans les urnes, car elle bénéficie d'un large soutien populaire, y compris dans les villes.
L'agriculture et l'immigration sont aussi au coeur des débats au Portugal. Le pays a assoupli sa politique migratoire, doublant le nombre de migrants accueillis en six ans. Des migrants essentiellement venus du Népal, du Pakistan ou d'Inde.
Après des décennies de déclin démographique et de vieillissement de la population, les grandes gagnantes de ces réformes sont les entreprises agricoles, qui bénéficient d'une main d'œuvre salutaire. Mais comme souvent, l'immigration dans des régions moins favorisées provoque des tensions.
Dans ce reportage de France Info, le maire socialiste de la petite ville de Vila Nova de Milfontes évoque notamment la question du logement et un "choc culturel". "Il faut avoir des conditions pour recevoir des personnes sans perdre la culture locale, sinon les locaux vont se révolter", indique-t-il.
En Autriche, les dernières élections européennes avaient été particulièrement marquées par le scandale de corruption "Ibizagate" qui avait notamment coûté sa place à l'ex-chancelier d'extrême droite Sebastian Kurz. Le Parti populaire autrichien (ÖVP, droite) était alors arrivé en tête des élections qui s'étaient tenues à peine quelques jours plus tard.
En 2024, le parti au pouvoir ne semble pas en mesure de rééditer ce résultat, en partie à cause d'une ligne peu claire sur l'Europe. De leur côté, les Verts, minorité au sein du gouvernement de l'ÖVP, ont même eu toutes les peines du monde à se trouver une tête de liste, malgré une ligne résolument europhile, désignant au dernier moment une jeune activiste de 23 ans, inexpérimentée en politique et rapidement rattrapée par des affaires. Enfin, deuxième force politique du pays, les sociaux-démocrates (SPÖ) s’appuient sur une ligne désormais clairement europhile.
Mais en Autriche, seuls 42% de la population voit l'UE comme une bonne chose, si bien que les élections ne mobilisent pas. Et l'extrême droite, résolument opposée à l'Europe, en profite: malgré ses liens très forts avec l'AfD allemande, empêtrée dans plusieurs scandales et accusée de liens avec la Russie et la Chine, le FPÖ caracole en tête des sondages avec 26% d'intentions de vote.
De manière générale, l'ombre de la Russie plane sur beaucoup de pays européens en vue de ces élections, en particulier au nord et à l'est du continent. L'immigration et la question des frontières européennes prendront une place centrale dans de nombreux scrutins, tout comme l'écologie et l'agriculture, des sujets cristallisés autour du Green New Deal européen. Enfin, les institutions de l'UE, dénoncées comme "paternalistes" ou "antidémocratiques" par les partis eurosceptiques, nourrissent aussi les critiques, mais également le désintérêt pour ces élections européennes dans de nombreux pays.