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Mylène Pardoën, archéologue sonore, recrée les sons et bruits d'antan

L'archéologue française Mylène Pardoen recrée les sons du passé pour imaginer l'ambiance historique. [Keystone/AFP - Joel Saget]
Vous n’aviez encore jamais entendu l’ambiance du passé / Tout un monde / 8 min. / le 10 mai 2024
Mylène Pardoën fait un travail unique en son genre: elle est archéologue des paysages sonores. Encadrée par une méthodologie scientifique, sa démarche consiste à reconstituer le son d'un lieu à une époque donnée, en se basant sur une grande diversité de sources et d’archives.

Ingénieure de recherche en paysage sonore à la Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Etienne, Mylène Pardoën recrée l’ambiance sonore d'espaces et lieux d’époque et donne à entendre les activités de la vie quotidienne, comme par exemple à Paris au moment de la construction de la Cathédrale Notre-Dame en 1170. 

"Un paysage sonore est composé de trois couches. La géophonie, ce sont tous les bruits et les sons qui sont attenants à un lieu. Il peut y avoir une rivière et donc il y a un vent. Ce sont les sons du lieu, plus les sons météorologiques; le bruit de la pluie, etc.", a détaillé la chercheuse.

La seconde couche, la biophonie, concerne l'ensemble des bruits des êtres vivants, à l'exception des sons produits par les êtres humains, rangés dans la troisième couche nommée anthropophonie, précise Mylène Pardoën dans l'émission Tout un Monde vendredi.

Gestes "à l'ancienne"

Pour recréer ces ambiances sonores avec le plus de précision possible, Mylène Pardoën utilise jusqu'à une vingtaine de micros différents. Afin de reconstituer le Paris d'époque, par exemple, elle enregistre les artisans qui ont perpétué le geste "à l’ancienne", même sur des chantiers modernes, comme celui de la reconstruction de Notre-Dame.

"On ne capte que les sons du passé qui sont dans notre présent. Ce qui nous intéresse, c'est de garder la part manuelle du travail de l'artisan. Par exemple, sur le chantier de Notre-Dame, le sculpteur sur pierre peut utiliser un ciseau et un marteau s'il travaille à l'ancienne. On va récupérer ce geste", relève Mylène Pardoën.

La chercheuse évite de récréer des sons en studio. "Le but est de faire un travail scientifique. C'est d'essayer d'être le plus proche d'une possible réalité, tout en sachant que plus on remonte le temps, plus les hypothèses de travail sont importantes, plus il existe une part d'erreur."

Et c’est pour cela, souligne-t-elle, que ces fresques sonores sont évolutives, en fonction des nouveaux éléments portés à sa connaissance. 

>> Ecouter l'interview de Mylène Pardoën dans le 12h30 :

Mylène Pardoën en pleine action. Au croisement de la science, des arts et de la culture, son travail offre de nouvelles lectures de l’Histoire par le biais de la sensorialité. [PI2A_MSH LSE_CNRS - Christian Dury]PI2A_MSH LSE_CNRS - Christian Dury
L’invitée du 12h30 - Mylène Pardoën, archéologue du patrimoine sonore / L'invité du 12h30 / 9 min. / le 27 mars 2024

Recouper les archives

En l’absence d’enregistreur avant le XXème siècle, Mylène Pardoën s'appuie sur une multitude de sources qu'elle recoupe ensuite, comme les textes littéraires, des archives, mais aussi une riche iconographie. Par exemple, un tableau d'une rue de Paris au XIXᵉ siècle donne de nombreux détails parlant: une calèche qui passe, des marchands à la criée, le nombre de badauds dans les rues, les échoppes d'artisans.

"Dans les textes, il y a également des informations qui viennent recouper ces données iconographiques. Le but, en allant chercher dans de nombreuses archives, est de recouper les informations qu'on peut glaner à droite, à gauche", explique la chercheuse.

Un imaginaire sonore préconçu

A la différence des ambiances sonores de film, le travail de Mylène Pardoën, qui demande des mois de travail entre la captation des sons et la réalisation finale, a pour vertu de proposer un rendu fidèle et authentique de l'ambiance d'époque.

"On nous avait invité à capter de la taille de silex. Qui dit silex, dit pierre. Sauf que le bruit du silex, quand il éclate, est plus proche de l'acier que de la pierre. C'est pareil avec l'imaginaire autour des films. Dans un film, vous voyez un forgeron avec une enclume qui tinte (gling gling). Mais une enclume médiévale ne tinte pas, elle sonne mat (toc toc)", raconte Mylène Pardoën.

Sujet radio: Patrick Chaboudez

Adaptation web: Raphaël Dubois

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