Noémie Kocher: "Le traitement par les médias est parfois aussi fort que la violence sexuelle elle-même"
Les exemples des actrices qui sortent du silence comme Charlotte Arnoux, Léa Seydoux et plus récemment Judith Godrèche, réveillent chez l'actrice Noémie Kocher des souvenirs douloureux. "Ce que j'ai vécu, je l'ai nommé la triple peine", témoigne-t-elle mardi au micro de la RTS. "Parce qu'il y a les faits de violences sexuelles. Ensuite, il y a le parcours en justice qui est un vrai combat et qui a duré quatre ans et demi. Et la troisième peine, c'est justement la réception de cette parole par les médias qui, de 2004 à 2006, a été d'une violence inouïe."
Ainsi, pour Noémie Kocher, le traitement de cette affaire par les médias a été aussi forte que la violence sexuelle elle-même. "Au-delà de ne pas avoir été entendue, notre parole a été décrédibilisée." Elle préfère d'ailleurs le mot "survivante" à celui de "victime". "Le statut de victime nous bloque dans un statut terrible. On est survivantes parce qu'il faut réussir à survivre à ces choses-là", poursuit-elle.
Une prise de parole qui doit s'étendre au-delà du cinéma
Il y a plus de vingt ans, la comédienne Noémie Kocher fut l'une des rares à avoir osé briser l'omerta qui régnait autour des pratiques du réalisateur français Jean-Claude Brisseau, aujourd'hui décédé. En 2001, elle porte plainte avec une autre comédienne pour harcèlement sexuel contre le cinéaste, après avoir passé des auditions pour le film Choses secrètes, pendant lesquelles le réalisateur aurait tenté d'obtenir des faveurs sexuelles. Deux autres actrices les rejoignent dans leur plainte. "C'était un monsieur qui avait un réseau de comédiennes à sa disposition à qui il promettait des rôles."
Dans le milieu du cinéma, tout est visible et exacerbé. Mais il y a aussi des violences silencieuses
Si le mouvement #MeToo est bel et bien amorcé dans le cinéma français, Noémie Kocher espère qu'il ne restera pas cantonné à ce milieu. "Dans le milieu du cinéma, c'est visible, tout est exacerbé. Mais il y a aussi des violences silencieuses. Cette prise de parole sert aussi à dire aux femmes, de toutes les couches de la société, que ce n'est pas acceptable."
Défavorable à la déprogrammation de films
En outre, Noémie Kocher se dit défavorable à la déprogrammation de films dont les réalisateurs ou les acteurs ont été condamnés, mais elle plaide plutôt pour que le public soit davantage informé sur les conditions dans lesquelles certains films ont été tournés. "Pour les films Choses secrètes et Les Anges exterminateurs, j'aimerais que le public soit informé que ce n'est pas de la fiction, mais que c'est notre souffrance qui est à l'écran", alerte-t-elle.
Ce n'est pas en ne diffusant plus des films avec Gérard Depardieu que la situation va évoluer
Et d'ajouter: "Chacun doit pouvoir décider pour lui-même. Si on passe par l'interdiction, la réflexion ne se fera pas. Je sais que la RTS ne diffuse plus des films avec Gérard Depardieu. Pour moi, c'est assez incompréhensible. Ce n'est pas en ne diffusant plus ses films que la situation va évoluer. Il faut parler, se confronter, réfléchir."
Propos recueillis par Pietro Bugnon/hkr