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Nusantara, la nouvelle capitale indonésienne, est loin de faire l'unanimité à Bornéo

Une vue aérienne de la construction d'un bâtiment sur le site de la nouvelle capitale indonésienne Nusantara à Sepaku, dans le district de Penajam Paser Utara, à Kalimantan Est, en Indonésie, le 12 janvier 2024. [Anadolu via AFP - Firdaus Wajidi]
Bornéo ne voit pas forcément d'un bon oeil l'installation de la nouvelle capitale indonésienne / Tout un monde / 5 min. / le 24 juin 2024
Nusantara, une ville sortie de terre au milieu de la forêt tropicale sur l'île de Bornéo, doit succéder à Djakarta, l'actuelle capitale de l'Indonésie, qui est congestionnée et s'enfonce inexorablement sous le niveau de la mer. Mais le chantier suscite des critiques des écologistes et des habitants.

Djarkarta, sur l'île de Java, est surpeuplée, polluée et, en outre, elle s'enfonce un peu plus chaque année dans l'eau et subit régulièrement des inondations. Le président indonésien sortant a donc lancé le projet gigantesque de déplacer la capitale administrative sur une autre île, Bornéo.

Depuis fin 2022, Nusantara est en pleine construction. Le gouvernement indonésien a pour objectif d'y installer une population de 1,9 million d'habitants d'ici à 2045 et d'y concentrer des activités humaines et industrielles, en plein coeur de Bornéo.

Une vue aérienne d'un complexe résidentiel dans le district de Jatinegara à Jakarta, en Indonésie, le 27 février 2024. [Anadolu via AFP - GARRY ANDREW LOTULUNG]
Une vue aérienne d'un complexe résidentiel dans le district de Jatinegara à Djakarta, en Indonésie, le 27 février 2024. [Anadolu via AFP - GARRY ANDREW LOTULUNG]

La nouvelle capitale administrative est présentée comme une ville moderne, verte, avec un objectif de zéro émission carbone, mais ce projet de déménagement ne fait pas l’unanimité à Bornéo. Son implantation est fortement critiquée par les écologistes, qui dénoncent la déforestation dans l'une des plus grandes étendues de forêt tropicale humide du monde.

Gestion de l'eau et expropriations

Sur le chantier de Nusantara, des habitants ont vu un barrage se construire au pied de leur village. Un homme de la tribu Balik, un peuple indigène présent sur l’île de Bornéo, exprime ses craintes: "Son existence a des conséquences sur la production des fermiers du village, notamment en termes d'eau fraîche. On utilise l'eau des rivières, cela fait partie de notre culture, nous en sommes dépendants. Mais avec le barrage, l'eau est bloquée."

Pour cet habitant, le risque d’expropriation est également réel, alors que plusieurs cas ont déjà été signalés aux alentours de la future capitale. En cause: l'absence de certificat de propriété pour des membres de la population indigène.

Vie sauvage perturbée

Par ailleurs, dans la baie de Balikpapan, un pêcheur explique qu'il peine à remplir ses filets depuis le début de la construction de la nouvelle cité. Un membre d'une ONG locale a aussi accepté de témoigner sous couvert d'anonymat. Car "les pressions sont réelles", explique-t-il.

"Avant toute cette activité, c'était plein de mangrove (...) et c'était l'endroit où les pêcheurs venaient. Ils pouvaient toujours attraper beaucoup de poissons. Et parfois, on pouvait voir les singes à grand nez, les nasiques". Mais depuis, ces primates "sont partis".

Le président indonésien Joko Widodo, au centre, lors d'une inspection du site de construction du palais présidentiel dans la nouvelle capitale Nusantara le 5 juin 2024. [KEYSTONE - VICO]
Le président indonésien Joko Widodo, au centre, lors d'une inspection du site de construction du palais présidentiel dans la nouvelle capitale Nusantara le 5 juin 2024. [KEYSTONE - VICO]

La situation autour de Nusantara est scrutée de près par plusieurs ONG. Pour Zenzi Suhadi, directeur de Walhi, la plus grande et la plus ancienne ONG environnementale de l'Indonésie, "la construction de la nouvelle capitale ne concerne pas une meilleure répartition géographique de l'économie du pays. Elle est surtout liée à une transition politique".

Car les terres sur lesquelles se bâtit la nouvelle capitale sont en grande partie des concessions de Prabowo Subianto, le prochain président indonésien, poursuit Zenzi Suhadi. "Donc pour nous, la nouvelle capitale Nusantara n'est pas une ville pour répondre aux problématiques environnementales ou économiques du pays". Le projet laisse aussi de côté les problèmes de surpopulation et d'inondations à Djakarta, estime encore le militant.

Inauguration du palais présidentiel

Alors que la fin des travaux de Nusantara est prévue pour 2045, l’actuel président indonésien Joko Widodo compte inaugurer le Palais présidentiel de Nusantara le 17 août, le jour anniversaire de l'indépendance de cet archipel, avant de passer le flambeau à son successeur Prabowo Subianto.

Des milliers de fonctionnaires sont attendus dans cette cité à compter de septembre, mais le projet a été retardé de plusieurs mois en raison de la lenteur des travaux de construction.

Sujet radio: Juliette Pietraszewski

Adaptation web: Caryl Bussy

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