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Opération policière en Nouvelle-Calédonie pour "reprendre la maîtrise" du territoire

La France envoie l'armée plutôt que de suspendre la réforme coloniale qui a embrasé la Nouvelle-Calédonie. [Keystone/AP Photo - Mathurin Derel]
La France envoie 600 gendarmes contre l’opposition indépendantiste en Nouvelle-Calédonie / Le 12h30 / 1 min. / le 19 mai 2024
L'État français est passé à l'offensive dimanche en Nouvelle-Calédonie pour tenter de "reprendre totalement la maîtrise" du territoire. Une opération d'envergure est notamment menée par des gendarmes sur la route entre la capitale Nouméa et l'aéroport international.

La colère des indépendantistes, provoquée par une réforme du corps électoral de l'archipel du Pacifique sud, a enclenché un cycle de violences marquées par des jours et des nuits d'incendies, d'affrontements et de barrages.

>> Revoir les images des affrontements dans la nuit de lundi à mardi :

Nuit de violences en Nouvelle-Calédonie
Nuit de violences en Nouvelle-Calédonie / L'actu en vidéo / 34 sec. / le 14 mai 2024

En l'absence de vols depuis et vers la Nouvelle-Calédonie, suspendus depuis mardi, l'exécutif français a donné la priorité à la route entre Nouméa et son aéroport international.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé sur X le début, dimanche matin, d'une "grande opération" mobilisant "600 gendarmes, dont une centaine du GIGN", une unité d'élite de la gendarmerie nationale française.

"L'ordre républicain sera rétabli, quoi qu'il en coûte", a déclaré le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

"Je veux dire aux émeutiers: stop, retour aux calme, rendez vos armes", a ajouté Louis Le Franc lors d'un point de presse retransmis par la télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère. Le représentant de l'Etat a annoncé de nouvelles opérations des forces de l'ordre dans les prochaines heures pour reprendre l'entier contrôle du territoire.

>> Pour comprendre la situation en Nouvelle-Calédonie, lire : La crise en Nouvelle-Calédonie exacerbée par son passé colonial

Obstacles et barrages sur les routes

L'opération a consisté à faire partir de Nouméa un convoi pour supprimer tous les obstacles sur cette route. Il est fait entre autres de blindés de la gendarmerie et d'engins de chantier qui déblayent le passage. Toutefois, certains barrages supprimés par le convoi se reconstituent dès son départ.

Des journalistes de l'AFP ont constaté que dimanche à la mi-journée, à Nouméa et dans les communes avoisinantes, la circulation pour ceux qui voudraient sortir de l'agglomération en direction du nord-ouest restait entravée. Des indépendantistes filtrent le passage par de très nombreux barrages, faits de pierres et d'engins divers notamment.

Si ces journalistes ont pu rejoindre l'aéroport de La Tontouta dans l'après-midi, il leur a fallu s'arrêter à divers barrages, dont certains tenus par des hommes munis de bâtons ou d'armes blanches.

Nouveaux renforts attendus

Le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé dimanche dans un communiqué l'arrivée prochaine de "plusieurs centaines de forces de sécurité intérieure, de soutien logistique et opérationnel et de sécurité civile", en plus des renforts déjà envoyés.

"Au total, 230 émeutiers ont été interpellés" en près d'une semaine, a-t-il ajouté.

Rétablir cette circulation presse d'autant plus que la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont annoncé dimanche avoir demandé à la France de pouvoir poser des avions, afin de rapatrier leurs ressortissants.

Samedi, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie estimait que 3200 personnes étaient bloquées en l'absence de vols, soit parce qu'elles ne pouvaient pas quitter l'archipel, soit parce qu'elles ne pouvaient pas le rejoindre.

juma avec ats

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Mesures pour mettre fin aux violences

L'Etat français a instauré mercredi l'état d'urgence pour tenter de mettre fin aux violences qui font rage. La population est ainsi soumise à un couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 en Suisse), à une interdiction des rassemblements, à celle du transport d'armes et de la vente d'alcool et au bannissement de l'application TikTok.

La province Sud, qui regroupe près des deux tiers de la population, a annoncé dimanche que les écoles resteraient fermées toute la semaine. "Ce temps devra permettre de finir de sécuriser les établissements scolaires, leurs accès et de faire un état des lieux des dégâts afin de retrouver le plus vite possible les conditions d'une reprise de l'enseignement, la semaine suivante, là où cela sera possible", a expliqué la province.

Morts et incendie

Mais de nouveaux troubles éclatent chaque jour.

Samedi après-midi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) est mort à Kaala-Gomen, dans la province Nord, portant à six le nombre de personnes tuées depuis le début des protestations en Nouvelle-Calédonie. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois kanak, dans l'agglomération de Nouméa.

Dans la nuit de samedi à dimanche, une médiathèque de quartier a été incendiée à Nouméa, a rapporté La 1ère. Interrogée par l'AFP, la mairie de Nouméa a répondu dimanche matin n'avoir "aucun moyen pour le moment de le vérifier, le quartier étant inaccessible".

Quatre présidents de régions d'outre-mer demandent le "retrait immédiat" de la réforme

Les présidents des régions française Réunion, Guadeloupe, Martinique et de la collectivité de Guyane ont demandé dimanche le "retrait immédiat" de la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

"Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile. Nous, élus des outre-mer, demandons solennellement au gouvernement le retrait immédiat du projet de loi de réforme constitutionnelle visant à changer le corps électoral pour les élections en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, comme préalable à la reprise d'un dialogue apaisé", écrivent les signataires de cette tribune publiée par le portail média public Outre-mer la 1ère.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral lors des scrutins provinciaux, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Adopté mercredi par les députés, après les sénateurs, le texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, à une date non déterminée.